« C’est le Jeune Maître ? »
Un homme qui semblait avoir une vingtaine d’années.
Je grimaçai en le voyant faire une crise.
Non, attends. Pourquoi un membre du Clan Peng est-il ici ? Et en plus, pourquoi un membre du sang royal du Clan Peng se comporte-t-il comme un enfant devant tout le monde ?
« Non, impossible. »
Il ne pouvait pas s’agir du véritable Jeune Maître du clan Peng. Ce devait être un imposteur.
Un imposteur avec des nerfs d’acier.
Usurper l’identité du Jeune Maître de l’un des Quatre Grands Clans… il allait avoir de sérieux ennuis.
Cependant, à ce moment-là, un souvenir de ma rencontre d’hier avec Peng Ah-Hee me revint soudainement en tête, mais je tentai rapidement d’effacer cette pensée – ou du moins, j’essayai.
Tout cela n’a aucun sens.
Il y a forcément quelque chose qui cloche quelque part.
De plus, dans ma vie précédente, je n’avais jamais entendu parler de la venue du Jeune Maître Peng à la cérémonie des Neuf Dragons, donc cela devait se régler sans problème.
Sûrement.
« Que se passe-t-il ? »
Alors que je m’apprêtais à ignorer la situation et partir, je tombai sur le Deuxième Aîné.
« Un drôle de type fait du grabuge. »
Je lui répondis rapidement et tentai encore une fois de partir. J’avais des affaires urgentes, donc je voulais m’éclipser au plus vite.
Mais le Deuxième Aîné me retint.
« Je te cherchais depuis ce matin, mon dos me fait affreusement mal. »
« Qu’est-ce que tu racontes ? Tu as l’air en meilleure forme que moi. »
« Hmm. Je l’ai remarqué hier aussi, mais tu as soudainement gagné en répartie. Ce serait bien si tes compétences martiales s’amélioraient aussi vite. »
Il me frotta les cheveux – et la tête – encore une fois.
Urgh, j’ai la tête qui tourne…
« Ugh… Pourquoi tu me cherchais ? »
Il aurait pu donner des ordres aux serviteurs, pourquoi s’embêter lui-même ?
« Ah, rien d’important. Après le combat… »
« Alors pourquoi je ne suis pas autorisé ? Je vous ai montré tout ce que je devais montrer ! Faut-il que je vous montre mes arts de l’ombre pour que vous me croyiez ? »
« …S’il vous plaît, monsieur, essayez de vous calmer. Nous… »
« Non ! Je vous l’ai dit, je n’ai pas beaucoup de temps ! Vous avez dit que toute personne munie d’un certificat était autorisée. »
Le regard du Deuxième Aîné se tourna vers l’homme. Les arts martiaux de l’ombre étaient une technique transmise uniquement au sein du Clan Peng.
De plus, c’était une compétence réservée aux membres de la lignée directe.
Je voulus empêcher le Deuxième Aîné d’intervenir, car je n’aimais pas la tournure des choses, mais il était déjà hors de portée.
…Merde.
« Tu es le fils de Peng ? »
Le Deuxième Aîné se plaça soudain devant l’homme qui prétendait être le Jeune Maître du Clan Peng.
« S-salutations au Deuxième Aîné ! »
Tous les hommes lui montrèrent immédiatement du respect à sa vue.
Évidemment, même les participants du tournoi observaient la scène.
« Bien, c’est bien de vous voir travailler avec diligence. Toi, tu es le fils de Peng ? »
L’homme se redressa à l’écoute des paroles du vieil homme.
« Je suis Peng Woojin, Jeune Maître du Clan Peng. C’est un honneur de rencontrer le Poing Enflammé de Gu. »
Poing Enflammé était le titre attribué au Deuxième Aîné.
Ce dernier sourit en entendant les mots de Peng Woojin.
Se faire appeler par son titre l’a mis de bonne humeur ?
« Donc tu es le fils de Peng. Ta carrure le confirme. Et ton visage ressemble à celui de cet idiot de Seigneur. »
Appeler le Seigneur du Clan Peng un idiot…
Peu importe la façon dont on le voit, le mot “viril” convenait vraiment au Deuxième Aîné.
« Alors, pourquoi es-tu ici ? »
« Je suis venu rejoindre les épéistes du clan Gu. »
« Tu es le Jeune Maître de Peng, et tu as laissé tes épéistes derrière toi ? »
« C’est ennuyeux, là-bas. »
Le Deuxième Aîné éclata de rire à la réponse de Peng Woojin. Comme s’il s’adressait à un fou.
« Tu es fou. Le Clan Peng a un fou dans ses rangs. »
« Merci, monsieur. On me le dit souvent. »
« Ce n’était pas un compliment. »
Je remarquai alors une bague noire à la main de Peng Woojin. La même que celle que portait Peng Ah-Hee.
Merde, c’est vraiment lui…
Pourquoi diable est-il ici à faire tout ce cirque ?
« Je suis venu ici en entendant que toute personne munie d’un certificat pouvait participer. Mais ils m’ont refusé l’entrée, même après que je leur ai tout montré. »
« …As-tu eu la permission du Seigneur Peng ? »
« Il n’allait jamais me laisser partir, donc je me suis enfui. »
C’est vraiment un fou.
« Tu es vraiment un fou. »
Pour la première fois, j’étais d’accord avec le Deuxième Aîné. Ce gars était bel et bien fou.
Le vieil homme le regarda encore une fois, en inspectant son corps. Il avait l’air un peu lubrique…
« Ton corps est bien formé. Quel âge as-tu ? »
« J’ai eu 23 ans cette année. »
« Une telle carrure à un si jeune âge… Le Clan Peng élève un dragon. J’aimerais que notre petit garnement soit au moins à moitié comme toi. »
Par « garnement », parlait-il de moi ?
Mais je ne me sentis pas vexé d’être comparé à lui. Si cet homme était vraiment Peng Woojin de Peng, alors il était effectivement un dragon.
Le Roi de l’Épée, Peng Woojin.
C’était le titre qu’il recevrait plus tard, dans un avenir pas si lointain.
Le chef de l’Armée Noire Céleste, réputé égal à l’un des Vénérables Célestes: le “Vénérable Déchu” Bijuu.
Être égal à un Vénérable Céleste signifiait qu’il ne pouvait être comparé aux autres artistes martiaux.
Mais il trouva la mort lors d’un combat contre Peng Woojin.
Il était dit que ce chef était déjà affaibli par ses précédents combats, mais l’exploit demeurait que Peng Woojin le vainquit en duel.
En apprenant la nouvelle, c’est Bijuu lui-même qui donna à Peng Woojin le titre de Roi de l’Épée.
Le Deuxième Aîné sourit tout en caressant sa longue barbe.
« Il a montré son certificat, et semble prêt à combattre, alors pourquoi pas ? »
Qu’est-ce qu’il vient de dire ?
Les gardes semblaient aussi troublés que moi par les paroles du vieil homme.
« …Mais Seigneur Deuxième Aîné, même dans ce cas— »
« Quel est le problème ? Ce n’est pas ce qu’il veut ? »
« Oui, Seigneur. Je souhaite ardemment participer à la Compétition des Neuf Dragons. Je veux vraiment servir en tant qu’épéiste de Gu. »
« Tu vois, il le veut lui-même. »
Les yeux des gardes tremblaient comme lors d’un tremblement de terre. Ils ne savaient plus quoi faire.
Alors que leur sueur froide menaçait de former une flaque, un sauveur apparut.
« Frère ! »
La voix forte appartenait à Peng Ah-Hee.
« Espèce d’idiot ! »
Elle lui donna un violent coup de pied dans le ventre. Elle y mit clairement du Qi.
« Urgh ! »
Peng Woojin, frappé à l’estomac, vola sur quelques mètres avant de s’écraser au sol et de rouler sur la terre.
…Aïe, ça devait faire mal.
Est-il mort ?
« Espèce d’imbécile ! Tu gagnes le titre de Jeune Maître et tu fuis en laissant une simple lettre ?! »
Peng Ah-Hee, insatisfaite d’un seul coup, se précipita vers lui et continua de le rouer de coups.
Heureusement, il ne mourut pas. Malheureusement, il se mit à hurler davantage.
« Ugh… Agh ! Attends… Attends… ! »
« Tu fuis pour devenir l’épéiste d’un autre clan ? Tu as perdu la tête ou quoi ?! »
Merde, elle ne devrait pas le frapper là…
« Ton frère – urgh – va mourir ! Attends – ouf – une seconde – aïe ! Ah-Hee ! »
« Alors meurs ! Meurs, espèce d’idiot ! »
« Qui va devenir Seigneur si je meurs ?! »
« On s’en fout ! Même un chien ferait un meilleur Seigneur que toi ! »
« Argh ! »
Je détournai le regard de cette scène brutale. Le Deuxième Aîné se gratta la joue, visiblement embêté.
Je m’approchai prudemment de lui et lui demandai :
« Est-ce qu’on peut vraiment les laisser comme ça ? Il va vraiment mourir si on ne fait rien. »
« Les hommes du Clan Peng sont tellement solides qu’on pourrait les frapper avec le métal le plus dur sans qu’ils en meurent. Ne t’en fais pas. »
« Sauvez-moi… »
« …Vous en êtes sûr ? »
Peng Ah-Hee reprit son souffle et se calma un peu après l’avoir massacré comme une poupée de chiffon.
Pendant ce temps, Peng Woojin restait au sol, émettant une aura incertaine, entre la vie et la mort.
« Lève-toi. »
La voix de Peng Ah-Hee était glaciale, mais Peng Woojin restait immobile, semblant plus mort que vif.
« Si tu ne te lèves pas, je t’écrase tes parties avec une brique. »
« Je me lève ! »
Peng Woojin bondit immédiatement, une sueur froide coulant le long de son dos à l’écoute de ces paroles aussi cruelles qu’inimaginables.
Peng Ah-Hee poussa un profond soupir en le regardant.
Elle semblait avoir beaucoup de choses en tête.
« Bon, je t’ai retrouvé, alors peu importe… Rentrons à la maison, frère. »
Des personnes vêtues de noir apparurent derrière elle.
C’étaient des membres du Clan Peng, faisant partie de son escorte.
Peng Ah-Hee, surprise un instant en voyant le Deuxième Aîné et moi, s’avança vers nous.
« Je m’excuse pour tous les ennuis causés. »
« Tu es la fille de Peng ? »
« Oui, je suis Peng Ah-Hee, sir Poing Enflammé. »
« Contrairement à ton frère, tu sembles avoir reçu une bonne éducation. Cet ours de Seigneur a de sacrés enfants. »
Un homme semblable à un ours qualifiant un autre homme d’ours…
« Nous n’oublierons pas les ennuis que nous avons causés ici et nous vous en serons reconnaissants. Nous allons prendre congé maintenant pour ne plus causer de problèmes. »
« Je ne rentre pas, Ah-Hee. »
Peng Ah-Hee se retourna vers lui avec un regard meurtrier.
« Tu continues à dire n’importe quoi ? »
« Je ne dis pas n’importe quoi. Je n’ai aucune intention de retourner au clan Peng. »
« Quelle en est la raison, frère ? Pourquoi agis-tu ainsi ? »
« Le clan Peng est ennuyeux. »
Pourquoi est-ce qu’il parle toujours de s’amuser ? Peng Ah-Hee répondit comme si elle avait lu dans mes pensées.
« Alors le clan Gu est amusant ? Tous les autres clans sont plus amusants que le Peng ? Pourquoi cherches-tu toujours du plaisir ailleurs ? »
« C’est sûrement plus amusant que chez nous, au moins. »
« Frère, grandis un peu. Tu es le Jeune Maître. »
« C’est justement pour cela que je dois m’amuser avant de devenir Seigneur. Le seul moyen d’y échapper, c’est de mourir ou de finir estropié, et je n’aime aucune des deux options. »
Les yeux de Peng Woojin montraient qu’il avait déjà pris sa décision.
« Je ne veux peut-être pas devenir Seigneur, mais je ne vois personne d’autre qui en soit digne. À part toi, Ah-Hee, les autres ne sont que des bêtes portant le nom de Peng, et aucun d’eux ne peut me vaincre, même tous ensemble. »
Il jugea durement les membres de sa lignée.
Il pouvait sembler arrogant, mais il avait clairement le talent pour justifier son attitude.
« Mais je ne peux pas te laisser devenir Seigneur, donc je finirai un jour par l’être. C’est la raison pour laquelle j’ai accepté ce titre de Jeune Maître que je déteste. »
D’une manière ou d’une autre, je commençais à voir du sens dans les paroles de ce fou, comme si j’étais devenu fou moi-même.
Peng Ah-Hee se frotta les tempes. La situation lui donnait visiblement mal à la tête.
Puis, le Deuxième Aîné intervint.
« J’allais le laisser participer parce que ce vieux trouvait ça amusant, mais puisque je dois penser au point de vue du Clan Peng, faisons un marché. »
À ces mots, Peng Ah-Hee le regarda avec nervosité, tandis que Peng Woojin arborait un air d’excitation visible.
« Je te laisserai entrer si tu me bats en duel. »
« …Qu’est-ce que vous racontez ? »
Je m’attendais à quelque chose de sensé, mais non.
Même si Peng Woojin deviendrait très fort à l’avenir, il avait encore beaucoup à apprendre. Il n’avait aucune chance contre l’Aîné.
« …Attends, tu n’as même pas besoin de me battre. Je compterai comme une victoire si tu parviens à me toucher en dix attaques. »
« C’est tout ? »
Peng Woojin s’illumina à ces mots. Peng Ah-Hee, elle, était juste tendue, incapable d’intervenir.
« Oui, tu as droit à dix attaques. Tu gagnes si tu parviens ne serait-ce qu’à toucher mes vêtements. »
Peng Woojin dégaina son épée et se mit en position dès que la discussion prit fin.
Attendez… Ils vont vraiment le faire ici, devant tout le monde ?
« Atten— »
Je voulus les arrêter, mais le Deuxième Aîné frappa au visage de Peng Woojin en un éclair.
– POW !
Peng Woojin s’effondra, émettant un bruit qui ne devrait pas être produit par un simple coup de poing.
Sa chute n’avait rien à voir avec celle après les coups de Peng Ah-Hee.
…Il est peut-être vraiment mort, cette fois.
« J’ai contrôlé ma force, il va se relever. »
« …Deuxième Aîné, vous n’aviez pas dit que vous alliez seulement esquiver ? »
« Je n’ai jamais dit ça. »
Ce vieux fou…
« De toute façon, le problème est réglé maintenant, non ? »
« Mais malgré tout, était-ce vraiment nécessaire de le frapper, surtout quand c’est le Jeune Maître que vous avez frappé ? »
« Quand un homme est agaçant, le faire taire est la solution. »
« …C’est juste que la violence ne devrait pas être la réponse. »
« Comment oses-tu appeler ça de la violence ? C’était un duel. »
« …Mais vous avez dit qu’il gagnait s’il vous touchait. Donc techniquement, il a gagné puisqu’il a touché votre poing. »
En l’assaillant avec des faits, le Deuxième Aîné toussota faussement.
Il n’avait clairement pas pensé aussi loin.