L'Épée Démoniaque (1)

Tôt le matin, alors que Gu Yangcheon se préparait pour son voyage au Sichuan avec quelques-uns de ses serviteurs, Wi Seol-Ah faisait le ménage avec les autres domestiques.

Elle avait commencé à prendre un certain plaisir à ses tâches, à mesure qu’elle s’y habituait.

Même si sa maladresse contrastait fortement avec le soin qu’elle mettait dans son travail, elle avait commencé à recevoir des compliments des autres serviteurs.

Mais elle était toujours aussi nulle en cuisine.

…Se-Seol-Ah, tu ne peux pas tenir le couteau comme ça !

Dépêchez-vous de l’arrêter ! Elle va se couper les mains à ce rythme !!!

Clac !

Mon dieu, elle a coupé la planche à découper !!!

Le feu ! Il faut d’abord éteindre le feu !! Apportez-moi de l’eau, de l’eau !!!

Noooon !!! Les pommes de terre sont toutes noiiiireees !!!

La fameuse Wi Seol-Ah, toujours encensée par les domestiques, avait été punie ce jour-là en restant debout contre un mur, les bras levés. Une histoire bien connue de ceux qui n’étaient pas présents ce jour-là.

Après cet incident, il fut formellement interdit à Wi Seol-Ah de s’approcher des fourneaux.

Elle avait été triste pendant un temps, mais son humeur s’était améliorée quand les domestiques lui avaient promis de lui apprendre à cuisiner quand elle serait plus grande.

« Seol-Ah, tu peux m’apporter le linge ? »

« Oui ! »

Aujourd’hui ne devait pas être différent des autres jours ; la lessive était la première tâche à accomplir.

Alors qu’elle portait le linge dehors, Wi Seol-Ah aperçut une calèche.

Fait intéressant, c’était la même calèche que celle qu’elle avait empruntée pour se rendre à la Cérémonie des Neuf Dragons.

Hein… ?

Mais en marchant un peu plus, elle remarqua plusieurs calèches à la suite de la première.

Cela voulait dire qu’il y aurait plusieurs passagers pour ce voyage, ou que le voyage serait long… ou les deux.

Wi Seol-Ah se précipita vers un serviteur à proximité et demanda :

« Hongwa, à quoi sert cette calèche ? »

« Hein ? Oh, le Jeune Maître part pour le Sichuan. »

« Ehh ? Le Jeune Maître part ? »

« Oui, alors le Deuxième Aîné a préparé les calèches à la hâte. »

À ce moment-là, quelques autres serviteurs qui avaient entendu la conversation s’en mêlèrent.

« Tu n’étais pas au courant, Seol-Ah ? Je me demande pourquoi personne n’a prévenu la servante directe du Jeune Maître… »

« Probablement parce que Seol-Ah est encore jeune et qu’elle a beaucoup à apprendre. Et comme ils partent pour un mois, ça doit jouer aussi, non ? »

« Ah… c’est logique. »

« U-Un mois… ? »

Un mois… ? Un mois entier ?

Les yeux de Wi Seol-Ah vacillèrent.

Le Jeune Maître allait être absent pendant un mois entier… ?

Mais c’était normal, non… ?

Wi Seol-Ah ne comprenait pas pourquoi son cœur se sentait aussi oppressé après avoir entendu ça.

« Q-Quand est-ce qu’ils partent ? »

« Ils ont dit que le Jeune Maître partirait après son réveil, donc ils vont sûrement partir bientôt. »

La servante avait raison, c’était à peu près l’heure à laquelle Gu Yangcheon se réveillait d’habitude.

Wi Seol-Ah, après avoir entendu cela, resta figée, comme si elle venait de recevoir une terrible nouvelle.

La servante qui l’observait caressa doucement ses cheveux pour la réconforter, puis dit :

« Seol-Ah, après qu’on ait fini la lessive, tu veux venir avec moi pour déplacer la nourriture du garde-manger à la calèche ? »

« …Oui. »

« Tu veux un yakgwa ? »

« Oui ! »

Après avoir terminé la lessive, Wi Seol-Ah et les domestiques commencèrent à charger de la nourriture dans la calèche.

« C’est suffisant ? C’est un long voyage, après tout. »

« Ils feront sûrement des arrêts pour acheter plus de provisions, non ? »

« Euh… Je me demande si le Jeune Maître tiendra un mois comme ça. »

« Hé, vous ne trouvez pas que le Jeune Maître a un peu changé depuis que Seol-Ah est arrivée ? »

« C’est vrai ; quand je lui ai accidentellement cogné l’épaule en nettoyant, il m’a demandé si j’allais bien. »

« Tu l’as vraiment cogné ? Tu ne l’as pas juste effleuré ? Et il ne t’a pas giflée ? »

« Je sais, hein ! Je me sens tellement plus détendue au travail ces jours-ci… Est-ce que c’est normal d’être aussi détendue ? »

Pendant que les domestiques bavardaient et travaillaient, la calèche fut bientôt bien remplie de vivres.

Wi Seol-Ah posa alors une question à la servante nommée Hongwa.

« Cette calèche va accompagner le Jeune Maître ? »

« Oui. Il ne reste plus qu’à préparer ses vêtem- »

« Hongwa ! Le Deuxième Aîné est là ! »

« Ah, j’arrive ! Viens, Seol-Ah. »

« Oui ! »

La servante partit en courant, et Wi Seol-Ah s’apprêtait à la suivre en courant elle aussi, quand—

[Attends.]

Mais une voix soudaine la stoppa, et elle se retourna vers la calèche.

Elle jeta des regards autour d’elle, cherchant l’origine de la voix, mais il n’y avait personne.

« Q-Qui est là ? »

Pas de réponse.

Se demandant si la voix venait de la calèche, Wi Seol-Ah s’y glissa à l’intérieur et—

Mis à part la nourriture, il n’y avait rien à l’intérieur.

Il y avait juste assez de place pour qu’une personne se cache, mais cet espace était vide lui aussi.

Confuse, elle s’apprêtait à sortir quand elle sentit quelqu’un la pousser.

« Aah ! »

N’ayant rien à quoi se raccrocher, Wi Seol-Ah tomba à l’intérieur de la calèche et, après un petit « aïe », se redressa sur les genoux dans l’espace exigu.

Elle se retourna aussitôt, ne voyant que des carottes – aucune trace de la personne qui l’avait poussée.

Terrifiée par cette succession absurde d’événements en à peine une minute, Wi Seol-Ah commença à essayer de sortir, mais alors—

« Alors, quand est-ce qu’on part ? »

Le Jeune Maître ?!

À l’intérieur de la calèche, elle entendit les voix de Gu Yangcheon et du Deuxième Aîné, et se souvint que le Jeune Maître partait aujourd’hui pour un mois.

Elle eut alors l’idée que si elle restait silencieuse, elle pourrait aller au Sichuan avec lui.

Elle avait confiance en ses talents à cache-cache.

Même son grand-père, pourtant bon à ce jeu, avait souvent du mal à la trouver.

D-Devrais-je rester ici ?

Elle en avait envie, mais elle se dit que ce serait une mauvaise idée, et secoua la tête.

C’était effrayant de partir quelque part sans prévenir son grand-père.

Et c’était tout aussi effrayant de passer un mois dans un endroit inconnu, sans son grand-père à ses côtés.

Si j’attends sagement, le Jeune Maître finira par revenir.

Après s’être rassurée ainsi, elle s’apprêtait à se relever.

[Attends.]

« … ! »

Wi Seol-Ah glissa et tomba, surprise par une nouvelle voix soudaine.

C’était la même voix que tout à l’heure.

Q-Qui est là ??

Toujours pas de réponse.

Elle avait l’impression d’avoir déjà entendu cette voix, mais impossible de se rappeler à qui elle appartenait.

« Allez ! Ce vieil homme a tout préparé. Tu n’as plus qu’à partir ! »

« C’est quoi cette manière de me faire partir… ? »

Hiiiiii !

« Hiiiiaaaah ! »

Pendant que Wi Seol-Ah était distraite par la voix, la calèche démarra au son du hennissement des chevaux.

Wi Seol-Ah, sentant la calèche s’éloigner du clan, paniqua sans savoir que faire.

Q-Qu’est-ce que je fais ? Qu’est-ce que je fais ??

En plein stress, elle sentit quelqu’un lui caresser la tête.

Une sensation extrêmement familière.

Wi Seol-Ah se sentit étrangement somnolente à cette sensation.

Elle entendit une voix douce alors que ses paupières lourdes se fermaient.

[Désolée, mais prends soin de lui.]

Quand Wi Seol-Ah se réveilla, elle se retrouva face à des carottes. Il faisait déjà nuit.

__________

« Donc, »

Gu Yangcheon interrogea Wi Seol-Ah après avoir écouté ses explications.

« Tu dis qu’un fantôme t’a possédée, que c’est pour ça que tu es montée dans la calèche, et que ce n’est pas ta faute, c’est bien ça ? »

« Oui ! C’est ça ! »

« Et la carotte dans ta bouche, alors. »

« …J’avais faim, et il n’y avait que des carottes. »

Soupir.

Wi Seol-Ah détourna timidement le regard après m’avoir entendu soupirer.

Après avoir tout entendu, je serrai lentement le poing.

« Donc… »

« …Oui ? »

« Tu penses vraiment que ce que tu viens de dire a le moindre sens ?! »

Un bon coup sec sur la tête de Wi Seol-Ah accompagna mon cri de rage.

« Aïeuuuh ! »

__________

Que pouvais-je faire dans cette situation ?

Il y avait cette petite casse-pieds devant moi, accroupie par terre, tenant sa tête en grimaçant.

Qu’est-ce que je pouvais faire de cette enfant ?

Comment avait-elle pu se faufiler dans la calèche ?

On était partis à la hâte, alors comment… ?

Je ne savais pas exactement de quoi étaient capables ceux qu’on considérait comme les plus puissants au monde.

Mais je savais qu’ils pouvaient rayer un clan de la carte sans difficulté.

Je ne savais pas ce que pensait l’Empereur de l’Épée, mais à son niveau, ne devrait-il pas être capable de voir chaque recoin du clan ?

Alors… est-ce qu’il savait que Wi Seol-Ah s’était glissée dans la calèche ?

« Ça fait mal… »

« C’est fait pour. »

C’était aussi un peu de ma faute d’être parti sans lui dire, mais tout s’était passé trop vite.

Je ne savais pas que le Deuxième Aîné allait me fourrer dans la calèche et nous faire partir aussi vite.

« Pourquoi tu nous as suivis, sérieusement ? »

« Je ne voulais pas suivre… C’est vraiment le fantôme… »

Me voyant lever la main pour lui infliger un nouveau coup dès qu’elle commença à reparler de son histoire de fantôme, Wi Seol-Ah se baissa aussitôt et se couvrit la tête en murmurant ses excuses.

« Je suis désolée… »

Je soupirai devant son air pitoyable et baissai le poing.

Qu’est-ce que je fais ? Je dois la renvoyer ?

Je ne pouvais pas faire revenir la calèche. Honnêtement, je manquais déjà de temps.

Je peux l’envoyer à pied avec une escorte… ?

Ils mettraient quelques jours à revenir.

Mais rien que d’y penser me donnait des insomnies.

Wi Seol-Ah, voyant mon visage hésitant, attrapa mes vêtements et dit :

« J-Je peux pas venir avec toi… ? Je peux travailler dur ! Je promets de faire de mon mieux ! Alors, s’il te plaît, emmène-moi, Jeune Maître… »

Ses mots se terminèrent dans un murmure, et elle baissa lentement la tête, les larmes commençant à perler au coin de ses yeux.

« On va partir longtemps, ton grand-père va s’inquiéter. »

« Grand-père a dit que je pouvais tout faire tant que je t’écoutais et que je travaillais dur ! »

Le problème, c’est que tu ne m’écoutes pas, là…

« Et ça dérangera les autres serviteurs s’ils doivent prendre soin de t— »

Je m’apprêtais à terminer ma phrase quand je regardai les serviteurs, et ce que je vis me coupa dans mon élan.

Allez, Seol-Ah ! Supplie plus fort !

Dieu merci… au moins, Seol-Ah sera avec nous !

C’était exactement ce que disaient leurs yeux et leur langage corporel.

Donc c’est moi, le méchant, c’est ça ?

Je me massai les tempes, sentant le mal de crâne arriver.

Pourquoi est-ce que c’est toujours moi qui dois gérer ce genre de problèmes ? Est-ce que j’ai vraiment une chance de merde ?

« Alors, pourquoi tu m’as vraiment suivi ? »

Wi Seol-Ah hésita un peu, puis répondit.

« Je me sens mal quand tu n’es pas là… comme si mon cœur me faisait mal… Alors, s’il te plaît, emmène-moi. »

Les larmes dans les yeux de Wi Seol-Ah étaient bien plus visibles maintenant, comme si elle allait éclater en sanglots d’une seconde à l’autre.

Mon cœur se serra un peu à ses mots.

Mais au-delà de ça, je me demandais pourquoi elle ressentait cela.

Peut-être parce que je lui avais donné beaucoup de yakgwa, dans cette vie.

Mais j’avais aussi tout fait pour ne pas rester trop longtemps dans son champ de vision.

Alors pourquoi ? Je n’avais pas la réponse.

Ce n’était certainement pas de l’amour.

Et si ça en était, ce n’était qu’un béguin enfantin.

Je me disais que ça changerait avec le temps.

Non, ça devait changer.

Wi Seol-Ah me tenait, avec une expression semblable à celle d’un chat perdu.

Je voyais bien qu’elle était sur le point de pleurer.

Mais même ainsi, je devais la renvoyer.

Comment pourrais-je l’emmener alors que je ne savais pas ce qui m’attendait au Sichuan ? C’était bien trop risqué.

Je devais trouver un moyen de la renvoyer, que ce soit avec deux escortes ou en appelant du monde depuis le clan.

Je ne pouvais pas toujours laisser Wi Seol-Ah influencer mes décisions. Ce n’était pas pour ça que j’étais revenu.

Je lui parlai d’un ton ferme.

« …Sache juste que si tu causes le moindre problème, je te renvoie. »

…Putain d’idiot.