Cela faisait deux jours que Namgung Bi-ah avait rejoint notre « caravane ».
J’étais enfin sur le point d’atteindre ma destination.
Et une fois que j’y serais, je devrais probablement aller d’abord au clan Tang.
Pour être honnête, je m’étais attendu à ce que le voyage vers le Sichuan soit un peu plus dangereux que ça.
Au lieu de cela, après avoir rencontré Namgung Bi-ah, nous avions croisé un nombre très limité de démons et n’avions pas vraiment rencontré de véritable menace.
Le voyage vers le Sichuan avait duré près de dix jours.
Même si c’était indéniablement ennuyeux à cause de sa longueur, je ne pus m’empêcher de pousser un soupir de soulagement en constatant que nous n’avions pas rencontré de véritables problèmes en chemin.
Enfin, à part celui qui faisait désormais partie de notre groupe.
« Pff… »
Je n’arrêtais pas de me frotter le visage en voyant ce qui me faisait soupirer rien qu’à la regarder.
« Regarde là-bas ! Un écureuil ! »
« …Oui. »
« Tu as déjà mangé un écureuil ? »
« Oui… Hein ? Oh, non. »
Wi Seol-Ah était descendue de la calèche et discutait avec Namgung Bi-ah, qui nous suivait lentement par derrière.
C’était principalement Wi Seol-Ah qui entamait la conversation, et Namgung Bi-ah y répondait brièvement, mais le simple fait qu’elle lui réponde tout en marchant au même rythme montrait qu’elle ne détestait pas ça.
Wi Seol-Ah attrapait aussi parfois les vêtements de Namgung Bi-ah quand celle-ci s’apprêtait à partir dans une mauvaise direction avec son air ahuri.
« …Pourquoi sont-elles si proches ? »
Je n’arrêtais pas de lui dire de ne pas approcher les inconnus, mais elle continuait à répéter qu’elle avait pitié de Namgung Bi-ah et s’en approchait constamment.
Pourquoi est-ce qu’elle a pitié d’elle ?
Est-ce que je dois lui crier dessus ?
« Pff… »
Jamais je n’aurais cru voir le jour où ces deux-là deviendraient amicales.
« Muyeon. »
« Oui, jeune maître. »
« Dans combien de temps est-ce qu’on… T’es fatigué ? Qu’est-ce qu’il y a avec ton visage ? »
« C-ce n’est rien, je vais bien. »
…Mon œil, oui. Tu as l’air de mourir de fatigue.
La raison pour laquelle Muyeon était si fatigué venait de nul autre que Namgung Bi-ah.
Le premier jour où Namgung Bi-ah avait commencé à nous suivre, elle avait défié Muyeon en duel, sans prévenir.
Muyeon, sans hésiter, avait refusé son défi.
Je suis l’escorte du jeune maître. Je ne peux pas me permettre de détourner mon attention, car je dois remplir mon devoir d’escorte. Je m’en excuse.
Namgung Bi-ah, bien qu’elle ait été rejetée, avait hoché la tête, mais elle n’avait pas cessé de le fixer, comme si elle avait trouvé quelque chose en lui qui l’obsédait.
Non, pour être plus précis, elle regardait plutôt son épée que Muyeon lui-même.
Quoi qu’il en soit, à cause de son regard constant, Muyeon avait du mal à dormir, d’où son état actuel.
Mais bon, même un expert de première classe ne serait pas aussi fatigué avec juste un peu de manque de sommeil, alors… était-il fatigué mentalement ?
Cette psychopathe avait déjà cette personnalité à l’époque.
Une folle qui dégainait son épée dès qu’un artiste martial portant une épée l’intéressait.
C’était logique qu’elle n’ait fait que rechercher l’Empereur de l’Épée et les autres épéistes dans ma vie précédente.
Elle n’était pas aussi folle maintenant qu’avant, mais elle restait une cinglée.
Elle était un peu plus calme grâce à Wi Seol-Ah qui lui piaillait autour comme un oisillon, mais je voyais bien qu’elle jetait encore parfois des coups d’œil à l’épée de Muyeon.
…Peut-être que Wi Seol-Ah lui parle parce qu’elle l’a remarqué ?
Non, impossible.
Il n’y avait aucune chance pour que Wi Seol-Ah ait remarqué ça.
Bon, je ne voyais rien de mauvais à ce qu’elles soient ensemble pour l’instant, alors je les laissai faire.
Nous allions de toute façon arriver bientôt, puis nous nous séparerions. Ensuite, il me suffirait de ne plus jamais croiser sa route.
Ça paraissait simple à faire.
Avec cette pensée, je fermai les yeux, pensant faire une sieste.
Était-ce à cause de l’entraînement constant ? Je m’endormis assez rapidement.
…
Depuis combien de temps est-ce que je dors… ?
J’entendis la voix de Muyeon à l’extérieur.
« Jeune maître, je vois notre destination. »
Nous étions enfin arrivés au Sichuan, après une semaine de voyage.
__________
Je m’étirai et descendis de la calèche.
Il nous faudrait environ une journée pour atteindre le clan Tang depuis ici, alors nous devions nous reposer pour reprendre des forces.
On pourrait penser qu’il vaut mieux arriver à destination d’abord, puis se reposer.
Le problème, c’est qu’une fois arrivés au clan Tang, ils seraient prêts à nous accueillir immédiatement, et nous n’aurions donc aucun temps de repos.
C’était l’un des inconvénients à être membre d’un clan noble : on ne pouvait aller nulle part sans être accueilli.
« Je me demande s’ils auront des chambres. »
« On devrait pouvoir en trouver rapidement. »
C’était toujours difficile de trouver des chambres dans des moments comme celui-ci.
Nous avions un bon nombre de personnes dans notre caravane, et nous n’allions pas bénéficier de traitement spécial dans cette région, même en tant que clan noble.
Wi Seol-Ah, qui regardait partout autour d’elle, aperçut quelque chose et tira immédiatement les vêtements de Namgung Bi-ah, tandis que celle-ci restait figée avec son air idiot.
« Hé ! Elle porte les mêmes vêtements que toi ! »
« …Ah. »
À ses mots, Namgung Bi-ah et moi tournâmes immédiatement les yeux vers la direction indiquée.
Des vêtements bleus propres, à l’opposé des habits poussiéreux et sales de Namgung Bi-ah, et le mot « Namgung » brodé au bas des vêtements.
C’étaient les dirigeants de l’Anhui, représentants du clan Namgung.
Et c’étaient sans aucun doute des artistes martiaux.
À peine les avions-nous aperçus qu’ils nous remarquèrent également, la surprise se lisant sur les visages tournés vers nous.
Puis quelqu’un du groupe courut vers Namgung Bi-ah.
« Grande sœur !! »
C’était un garçon qui semblait avoir à peu près mon âge.
Mis à part son air idiot, Namgung Bi-ah avait une apparence froide qui rendait difficile toute approche.
Et ce garçon était en quelque sorte sa version masculine.
Namgung Bi-ah leva lentement la main en regardant le garçon.
« Salut… Cheonjun. »
« Où est-ce que tu étais passée, grande sœur !? Tu sais combien de gens du clan te cherchaient ? »
« Désolée… Je me suis perdue. »
Namgung Cheonjun se massa les tempes en entendant sa réponse.
« C’est pour ça que je t’avais dit de voyager avec une corde attachée. »
…Une corde ?
Qu’est-ce qu’elle est, un chien… ?
Cela dit, avec le nombre de fois où elle se perd, peut-être que…
Ignorant mes pensées, Namgung Bi-ah répondit à son frère.
« …Quand même, c’est un peu gênant. »
« Ah oui ? C’est pour ça que tu as disparu après un seul jour de voyage ? C’est toi qui avais dit qu’on n’avait pas à s’inquiéter que tu te perdes cette fois. »
« …Désolée. »
Namgung Bi-ah baissa la tête à ces paroles strictes.
Namgung Cheonjun, qui semblait seulement maintenant nous remarquer, s’inclina poliment.
« Je suis Namgung Cheonjun du clan Namgung. »
Je le savais — ce garçon était l’Épée Foudroyante.
Ce garçon allait devenir le futur représentant de la faction orthodoxe, et aussi l’un des cinq maîtres épéistes du Murim. Donc, en ce moment, il devait avoir…
« Je suis Gu Ya-, Gu Jeolyub du clan Gu… Seriez-vous celui qu’on appelle le Dragon de l’Éclair ? »
Je me repris rapidement en me souvenant du nom que j’avais donné à Namgung Bi-ah.
À ma question, le visage de Namgung Cheonjun se teinta légèrement de rouge. C’était agaçant, de voir un gars aussi beau rougir.
« …C’est un peu embarrassant et immérité, mais on m’appelle ainsi. »
Il était gêné, mais faisait quand même preuve de fierté et de confiance.
Les Cinq Dragons et les Trois Phénix.
C’était ainsi qu’on appelait les huit plus grands artistes martiaux de cette époque.
Ce groupe incluait ma grande sœur, Gu Huibi, le Phénix de l’Épée.
Le Dragon de l’Éclair, Namgung Cheonjun, je crois qu’il avait deux ans de plus que moi.
Je ne me souvenais pas exactement, mais je suis presque sûr que c’était deux ans.
Je sentis que quelqu’un me regardait bizarrement, alors je me retournai.
Wi Seol-Ah me regardait avec des yeux étranges.
C’était probablement à cause du nom faux que j’avais donné.
« …? »
On aurait dit qu’un point d’interrogation flottait au-dessus de sa tête, alors je lui fis discrètement signe de se taire.
Elle comprit, fort heureusement, et resta silencieuse.
Namgung Cheonjun me posa alors une question.
« Ah, un artiste martial du clan Gu. Si cela ne vous dérange pas, puis-je vous demander comment ma sœur s’est retrouvée à voyager avec votre caravane ? »
Cette folle était apparue soudainement avec un tas de démons, puis avait commencé à nous suivre.
« Nous l’avons rencontrée par hasard alors qu’elle était perdue, donc nous avons décidé de voyager ensemble. »
Je ne pouvais pas dire ce que je pensais vraiment, alors j’ai dû arranger ça joliment.
Et puis j’ai senti que Namgung Bi-ah me regardait bizarrement, exactement comme Wi Seol-Ah auparavant.
Je priai mentalement tous les Dieux pour qu’elle garde la bouche fermée, vu qu’elle avait mangé tellement de nos raviolis en chemin.
Il semblait que j’avais sous-estimé ce que pouvait provoquer une combinaison de malchance et d’une idiote.
« Non… ? Il a dit que nous– »
« Bien, Jeune Dame de Namgung, ce fut un plaisir de voyager avec vous. Faites attention à ne pas vous perdre la prochaine fois. »
Évidemment, je n’allais pas rester là sans rien faire et la laisser finir.
Namgung Cheonjun, quant à lui, sourit et parla après avoir observé la scène.
« Merci d’avoir pris soin de ma sœur… Viendriez-vous peut-être assister à l’Exposition Militaire du Clan Tang ? »
« Euh, eh bien… Oui. »
Namgung Bi-ah sursauta à ma réponse.
Était-ce parce que je lui avais menti en disant que je n’allais pas au Sichuan ?
Enfin, qu’est-ce que tu veux que j’y fasse ? Je ne t’aime pas.
« Avez-vous déjà trouvé un endroit où loger ? Nous n’avons rien à vous offrir pour le moment, mais nous pouvons vous proposer des chambres. Allons-y ensemble puisque nous avons la même destination. »
Namgung Cheonjun proposa cela avec le sourire, et en voyant ce sourire, j’eus l’impression qu’il avait carrément loué tout un bâtiment.
…Non, je ne veux plus avoir affaire à ces cinglés.
Je n’avais aucune intention d’accepter cette offre. C’en était déjà bien assez, et je ne voulais pas m’impliquer davantage.
Je m’étais attendu à ce que Namgung Bi-ah participe à l’Exposition Militaire du Clan Tang puisqu’elle avait dit qu’elle allait au Sichuan.
Mais pourquoi emmener deux descendants directs du clan ?
Que ce soit le Dragon de Foudre ou Namgung Bi-ah, ils étaient tous deux des descendants directs par le sang de leur clan, alors qu’est-ce qui justifiait leur présence commune ?
Enfin, ça ne me regarde pas. Ça s’arrête ici.
J’avais déjà un objectif différent en venant ici, et je devais couper les ponts avec Namgung Bi-ah. J’allais forcément trouver un endroit où loger si je cherchais suffisamment.
Muyeon, qui semblait justement avoir trouvé un logement, s’approcha de moi au bon moment. Rassuré, je m’apprêtai aussitôt à décliner poliment l’offre de Namgung Cheonjun.
« Merci pour votre offre, mais il semble que nous ayons trouvé un autre– »
« Jeune Maître… Il n’y avait aucune chambre disponible dans les environs. Devons-nous camper à nouveau près du lac… ? »
« …C’est ce que j’allais dire, mais puisque vous avez proposé cela avec tant de sincérité, je ne peux pas refuser, n’est-ce pas ? Nous vous sommes redevables, Jeune Maître Namgung. »
Putain de vie.
__________
Je pensais qu’il aurait été préférable de dormir tout simplement dans la carriole si on ne trouvait pas de logement.
Mais cela aurait été problématique pour les gardes d’escorte de devoir camper dehors encore une nuit.
Bon, ce n’est qu’une excuse. Moi-même, j’en avais marre de camper dehors la nuit.
Namgung Cheonjun, après nous avoir guidés jusqu’à notre hébergement, emmena Namgung Bi-ah à part et disparut.
J’éprouvai une légère pitié pour Namgung Bi-ah, car elle avait montré une émotion rare — la peur — en voyant le visage courroucé de Namgung Cheonjun. Elle allait clairement se faire passer un savon.
Mais c’était bien fait pour elle, alors je m’en fichais.
Ce qui était étrange, cependant, c’était leur relation.
Ils avaient l’air, à mes yeux, de frères et sœurs sans aucun problème entre eux.
Mais l’Épée Démoniaque dont je me souvenais de ma vie précédente me faisait penser autrement…
La première chose que l’Épée Démoniaque avait faite après être devenue une humaine démoniaque, ce fut d’amener une armée d’humains démoniaques et d’effacer le Clan Namgung de la surface du monde.
Elle s’était fait un nom dans le royaume démoniaque en tuant le Seigneur, les Anciens, et même les serviteurs du clan.
Alors, d’où venait ce sentiment de complicité que je percevais entre eux deux ?
Je n’avais jamais eu de véritable conversation avec Namgung Bi-ah dans ma vie précédente.
Et c’était pareil pour les autres humains démoniaques.
Chacun avait ses propres objectifs et désirs, raison pour laquelle ils s’étaient tournés vers le Démon Céleste, donc ils n’avaient aucune intention de se lier d’amitié.
À cause de cela, je ne connaissais pas vraiment les origines de Namgung Bi-ah, devenue l’Épée Démoniaque… pas que j’en aie envie de toute façon.
J’étais fatigué, alors je me levai pour aller dans ma chambre.
Ma chambre se trouvait à l’étage, et j’étais en train de monter les escaliers quand je vis Namgung Bi-ah en descendre.
« …Ah. »
Namgung Bi-ah, qui croisa mon regard, semblait me témoigner du respect, ce qui me prit de court.
Qu’est-ce que… ?
Namgung Bi-ah parla, malgré ma surprise.
« Merci de m’avoir guidée jusqu’ici, Jeune Maître Gu. »
« …Tu nous as suivis ici sans notre accord. »
« Merci, à la prochaine. »
Non, surtout pas.
Namgung Bi-ah, qui avait meilleure mine que d’habitude — sans doute à cause de la réprimande qu’elle venait de recevoir — passa à côté de moi.
Alors que je recommençais à monter, Namgung Cheonjun me regardait.
Reconnaissant pour son offre, je tentai de le remercier à nouveau.
« Oh, Jeune Maître Namgung– »
Mais Namgung Cheonjun passa à côté de moi en me heurtant l’épaule, comme si mes mots se perdaient dans la nuit.
Puis j’entendis une voix, venant d’un pas en dessous.
« …Reste à ta place. »
La voix de Namgung Cheonjun était bien différente de la chaleur d’avant.
Elle était bien plus glaciale.
« J’ai décidé de te laisser faire la première fois, mais tu ne sembles vraiment pas connaître ta place. Comment oses-tu adresser la parole à ma sœur ? »
Je sentis son intention meurtrière alors que nos regards se croisèrent.
« Je passe l’éponge cette fois, mais si je revois une telle chose se produire, je trancherai ta gorge. »
Après avoir parlé, Namgung Cheonjun partit à la suite de Namgung Bi-ah.
Face à cela, je hochai simplement la tête au lieu de me mettre en colère.
C’était honnêtement mieux comme ça.
…Je savais qu’ils étaient tous cinglés.
Je n’avais jamais rencontré quelqu’un de normal dans le Clan Namgung, que ce soit dans ma vie actuelle ou la précédente.
Ce type, Namgung Cheonjun, n’était qu’un autre d’entre eux.
Et cette brève discussion ne fit que confirmer ma décision : ne plus jamais m’impliquer avec ce clan de fous.