Chapitre 9 – Sel, sucre et sueur brûlante

[Champ de maïs – Entraînement, jour 1]

Le ciel était clair, mais le sol sentait déjà la brûlure.Rook et Ashen se tenaient face à Raiku, le samouraï droit comme un épi de maïs armé.

Il les regardait en silence. Puis parla enfin.

— L’entraînement… c’est comme un repas.

Ashen haussa un sourcil.

— Hein ?

— D’abord, on trouve les ingrédients, on les nettoie, on les prépare, et enfin… on déguste.

Ashen cligna des yeux.

— …J’comprends rien à ce que tu dis.

Raiku soupira. Il sortit une craie, dessina un cercle dans la terre.

— Ashen. Tu veux savoir pourquoi ton feu t’échappe ?

Il pointa la corne du garçon.

— Tu l’allumes comme on craque une allumette. C’est brutal, instinctif.

Ashen hocha.

— Ouais… C’est ça. C’est pile ça.

Raiku répliqua aussitôt :

— Tu utilises ton feu sans savoir d’où il vient.C’est comme manger une viande sans savoir si c’est du bœuf ou du rat mutant.

Ashen grimaça.

— Ah… J’commence à comprendre, ouais.

Raiku sourit. Légèrement.

— Je vais t’apprendre à le contrôler.Plus besoin de colère. Plus besoin d’accidents.Tu vas choisir quand tu brûles.

Il se tourna ensuite vers Rook.

— Toi, tu es compliqué.Tu as deux ADN en toi : mouton et taureau.Le mouton, c’est ton calme. Il est toujours là.Mais le taureau, c’est la colère. Il ne sort que sous pression.

Rook fronça les sourcils.

— Et je dois faire quoi, alors ?

Raiku leva un doigt.

— Tu dois les fusionner.Faire de ta sérénité et de ta rage… une seule bête.Sinon, tu ne contrôleras jamais ton pouvoir. Tu seras toujours en retard sur ton propre corps.

Il fit une pause. Puis ajouta, comme une énigme idiote :

— Et si tu veux mélanger le sel et le sucre, faut trouver l’ingrédient qui lie les deux.Sinon, t’auras juste une pâte infâme.

Ashen et Rook échangèrent un regard.

— …On va vraiment s’entraîner avec des recettes de cuisine ?— J’crois que ouais.

[ENTRAÎNEMENT D’ASHEN – Le cercle de feu]

Ashen fut mené dans une section du champ.Raiku dessina un cercle autour de lui, avec une ligne de poudre noire.

— Voilà. T’as qu’un objectif.Brûle tout. Sans sortir du cercle.

— Genre j’dois pas bouger ?

— Exact. Tu peux hurler, pleurer, suer, mais tu restes là.Et tu apprends à faire naître ton feu… sans colère.

Ashen s’assit. Inspira.Il essaya d’allumer sa corne. Rien.

Il grogna. Encore rien.

Raiku s’éloigna, sans un mot. Laissa le garçon seul.Le vent dans le maïs. La poussière dans les yeux.

Le silence. L'attente.

Et lentement… une flamme.

Petite. Contrôlée.Volontaire.

Ashen ouvrit les yeux.

— …Ça marche.

Mais à peine il sourit… le feu s’éteignit.

— T’as encore faim ? demanda une voix dans sa tête.

Il grogna.

Encore. Encore. Encore.

[ENTRAÎNEMENT DE ROOK – L’arène silencieuse]

Rook, de son côté, fut emmené dans un labyrinthe de haies, creusé dans les maïs.

Raiku lui tendit un casque.

— Mets ça. Tu n’entendras rien.Et dans ce silence… tu dois te provoquer toi-même.Te faire atteindre ton propre point de rupture. Et ne pas exploser.

Rook accepta. Il enfila le casque.

Tout devint silencieux.

Pas de vent. Pas de pas. Pas de pensées.

Juste son souffle. Et son cœur.

Des souvenirs remontèrent. Son père qui tombe. La bombe. Les années à attendre.Il sentit ses bras trembler. Sa peau grincer. Des poils pousser.

— Non. Pas maintenant.— Pas comme ça.

Il se concentra.

Inspire mouton. Expire taureau.

Il sentit les deux s’affronter en lui. Se heurter. Puis…fusionner.

Une aura noire et blanche. Stable.

Il retira le casque.

— J’suis prêt.

[Fin de journée – Retour du vieux Ryuko]

Le soleil tombait.Le champ était calciné d’un côté, soufflé de l’autre.

Rook était allongé dans la terre, en sueur.Ashen, couché sur le dos, regardait le ciel, les bras fumants.

Et Ryuko revint.

Il regarda les deux jeunes. Puis sourit.

— Eh ben.

Il claqua des doigts. Raiku le rejoignit.

— Je crois que…

Il pointa le feu encore chaud, la terre fendue, les cernes sous les yeux.

— …La sauce est prête.