Chapitre 16 — Le Silence Qui Touche la Chair

« Certains corps se croisent, non pour se posséder… mais pour se reconnaître. »

Au moment même où l'Empereur avouait à Liyan l'horrible vérité —

qu'il n'était pas son frère, mais son père —

Dans une autre aile du palais, un autre genre de drame prenait naissance.

Xīyue, la femme de l'Empereur, se parait.

Elle s'était parfumée avec soin.

Avait enfilé une robe de chambre fine, transparente comme un voile de nuit.

Elle attendait l'Empereur. Non pas par amour — cela, elle n'y croyait plus —

Mais parce que c'était son rôle. Sa place dans le théâtre impérial.

Elle avait appris à être belle comme on apprend à manier une lame.

À séduire comme on combat : avec stratégie et silence.

Mais ce soir-là…

Quelqu'un d'autre entra.

Par la fenêtre.

Porté par la lumière blanche de la lune.

Une silhouette.

Noire. Élégante. Inhumaine.

Ses épaules étaient larges. Sa démarche, silencieuse. Son visage, pâle comme la cendre des étoiles.

Ses longs cheveux noirs ne reflétaient aucune lumière. Et ses yeux, noirs eux aussi, semblaient aspirer toute pensée.

Il portait des vêtements simples, mais son corps les transfigurait — comme s'ils avaient été conçus pour un roi sans trône.

— « Xū Fang… ? » souffla Xīyue.

Mais il ne répondit pas.

Il s'avança.

Elle recula d'un pas.

— « Tu n'as pas le droit d'être ici. »

— « Si tu voulais vraiment me chasser… tu aurais crié dès mon arrivée. »

Elle baissa les yeux. C'était vrai.

Cet homme — que le monde appelait Xū Fang —

avait un autre nom que personne ne connaissait.

Même pas son maître.

Son vrai nom était Ken.

Et ce soir-là, il se tenait là, sans masque.

— « Depuis que je suis ici… dans ce monde… je n'ai jamais connu l'amour. »

— « Ni dans mon monde d'origine. Ni ici. »

Il leva les yeux vers elle.

— « Je suis venu l'expérimenter. Pas avec une autre femme. Avec toi. »

Un silence.

Un frisson traversa Xīyue.

— « Un autre monde… ? » murmura-t-elle, sans comprendre, mais déjà touchée.

Elle s'approcha. Lentement. Comme en rêve.

Sa main chaude et tremblante effleura la joue froide de Ken.

— « Moi aussi… je ne l'ai jamais connu. »

— « Pas même en devenant la femme de l'Empereur. »

— « Moi aussi, je veux savoir… ce que ça fait d'aimer. »

Elle le regarda dans les yeux.

Et dit doucement :

— « Merci d'être venu dans notre monde, Xū Fang. »

Une larme coula sur la joue de Ken.

La première… depuis deux vies.

— « Mon vrai nom… c'est Ken. »

— « Merci, Ken, » répondit-elle, dans un souffle.

Et sans un mot de plus, ils tombèrent l'un contre l'autre.

Pas comme deux corps en quête de plaisir.

Mais comme deux âmes… trop longtemps restées en exil.

Pour Ken, c'était la première fois qu'il ressentait cela.

Même dans son monde d'origine, jamais il n'avait connu un sentiment aussi déchirant, aussi doux.

Une douleur qui fait mal…

Et du bien.

Pour Xīyue, depuis son enfance jusqu'à son mariage impérial,

elle n'avait vécu que la solitude, l'apparence, et l'obligation.

Mais là…

Ils savaient.

Ils comprenaient.

C'était ça.

L'amour.

Les conséquences de cette nuit venaient tout juste de naître.

Fin du chapitre 16