De retour à la maison, Yasser et Haïtoutou avaient verrouillé la porte derrière eux comme si un monstre invisible rôdait déjà dans les rues.
Ils racontèrent tout à leur famille, dans les moindres détails :
le marché désert, les rues silencieuses, cet homme en fuite, le regard fou.
Tarki, adossé au mur, secoua la tête, incrédule.
— Sérieusement ? Vous flippez pour un clochard parano ?
— Ce n'était pas un clochard, répondit Yasser avec fermeté. Il avait peur... une vrai peur.
Mohamed, leur père, jusque-là silencieux, fit glisser son chapelet entre ses doigts plus vite qu'à l'accoutumée.
— Quand l'instinct parle... il vaut mieux l'écouter, murmura-t-il.
Un silence pesant s'abattit sur le salon.
Faiza resserra Maryam contre elle, tandis qu'Océane échangeait un regard inquiet avec Echati.
— Même si on exagère... on doit être prêts, dit Yasser, plus déterminé que jamais. Je prépare un kit de survie.
Haïtoutou hocha la tête.
— Faut qu'on mette de côté de l'eau, de la bouffe, des piles...
— Et des armes, ajouta Yasser. On ne sait jamais contre quoi on devra se défendre.
Tarki soupira, les bras croisés.
— Vous êtes en train de me dire qu'on passe en mode guerre pour des rumeurs ?
Halima, jusqu'ici concentrée sur son plat, posa la cuillère avec douceur mais fermeté.
— On se prépare. Et si rien n'arrive... on sera juste plus prudents. Si quelque chose arrive... on sera peut-être encore là pour en parler.
Les mots de leur mère frappèrent plus fort que n'importe quel discours.
Le reste de la soirée se déroula sous tension.
Chacun se préparaient à sa manière, ramassant ce qu'ils pouvaient : lampes torches, conserves, médicaments oubliés dans les tiroirs.
Dehors, la nuit s'étendait, lourde et menaçante.
Chaque courant d'air faisait grincer les volets.
Chaque craquement de bois sonnait comme un avertissement.
— On dirait que la ville retient son souffle... murmura Faiza, blême.
Personne ne trouva vraiment le sommeil cette nuit-là.
Et au fond d'eux, tous savaient que ce n'était que le début.