---
Il y a cette silhouette.
Statique. Imposante. Floue dans le noir.
Tout est silencieux. Jusqu’à cette voix.
Pas un murmure. Pas un conseil.
Un cri.
> — « COURS ! »
Juno reste figé.
Il cherche à comprendre.
Mais son corps refuse de bouger.
> — « COURS, JUNO ! MAINTENANT ! »
La voix claque comme un ordre.
Quelque chose approche. Quelque chose de mauvais.
Il se retourne. Il court.
Le sol se déforme sous ses pieds. L’air devient lourd, presque collant.
PAH ! PAH ! PAH !
Des coups de feu déchirent le silence derrière lui.
Un sifflement près de l’oreille.
Une balle heurte un mur.
Une autre passe trop près.
Et juste là —
Il se réveille en sursaut.
Le souffle coupé.
Le corps trempé de sueur.
Les yeux grands ouverts.
Pas un mot.
Mais dans son regard, on lit clairement :
> Ce cri-là… il l’a déjà entendu.
---
8h41 – Toilettes du 2e (en vidéo)
La vidéo tourne.
Un téléphone. Plein écran.
La scène est floue, tremblante, mais réelle.
On y voit Amine.
À terre. Inconscient. La lèvre ouverte. Le regard vide.
Un surveillant accroupi, en panique.
Un élève qui filme, discret, à moitié planqué derrière une porte.
On entend des voix en fond :
— “Wesh... il s’est fait sécher sec...”
— “C’est l’nouveau, gros. L’autre là... Juno.”
— “C’est chaud frère… c’est la veille hein. C’était HIER.”
La vidéo date du premier jour.
Et depuis ce matin, elle tourne dans tous les groupes.
Snap. Insta. TikTok. WhatsApp.
Même certains profs l’ont vue.
> L’image est floue.
Mais le message, lui, est net :
Quelqu’un a pris le contrôle.
---
10h35 – Extérieur, abri à vélos
Un gars adossé contre un mur.
Première. Silhouette athlétique. Calme dans le regard.
Il tient un téléphone contre l’oreille. Il écoute, sans parler.
De l’autre côté, une voix :
— “Tu seras payé, bien sûr.”
Pause.
Puis seulement :
— “T’inquiète. C’est carré.”
Il raccroche. Range le téléphone.
Il sort lentement une paire de gants de training de son sac.
Pas pour s’échauffer.
Pas pour frimer.
> Juste parce qu’il aime les avoir sur lui quand il sent que ça va cogner.
Un léger sourire lui échappe.
Pas forcé.
> Comme si l’idée d’un vrai combat lui faisait plaisir.
---
11h03 – Cour intérieure
Les groupes parlent bas.
Certains rigolent pour faire genre. D’autres fixent leur écran.
Mais tous savent ce qui se prépare.
> “C’est Kael, j’crois...”
“Le boxeur ?”
“Ouais. Il va voir Juno.”
“Comment tu sais ?”
“J’ai entendu un appel ce matin…”
Fin de la discussion.
Ceux qui savent ne posent pas trop de questions.
---
12h38 – Réfectoire
Pas de rumeurs directes.
Juste des regards.
Certains fixent Kael.
D’autres regardent Juno, seul au fond.
Personne ne parle aux deux.
Mais tout le monde sait : ces deux-là vont se croiser.
---
13h27 – Coin du gymnase
Kael s’échauffe lentement.
Étirements précis. Respiration posée.
Rien de théâtral.
Il ferme les yeux un instant.
Visualise.
Il ne frappe pas pour faire le show.
Il frappe pour faire ce qu’il a à faire.
---
14h10 – Escalier C
Juno monte.
Pas pour fuir.
Pas pour chercher.
Juste pour garder sa trajectoire.
Mais dans son dos, ça parle.
> “Ils vont le faire après les cours.”
“Derrière le gymnase.”
“Y’aura du monde ?”
“C’est déjà prêt.”
---
16h52 – Couloir vide
La sonnerie a retenti. Fin de journée.
Mais personne part.
Les murs restent pleins. Les regards sont tendus.
Les téléphones sont prêts.
Juno marche.
Pas vite. Pas lentement. Juste droit.
Il traverse la cour. Passe entre les groupes.
Personne ne l’arrête.
Tout le monde s’écarte, même sans y penser.
---
17h01 – Derrière le gymnase
Zone grise. Béton sale. Grillage tordu.
Un cercle commence à se former.
Kael est là.
Debout. Bras détendus. Regard vif.
Il rebondit sur ses appuis, lentement.
Quand Juno arrive, il ne dit rien.
Il l’observe. C’est tout.
Puis il avance d’un pas.
Regard franc. Pas de haine. Pas de sourire non plus.
Juste cette phrase, tranquille, comme une évidence :
— “On y va ?”
Juno ne répond pas. Il s’avance.
Autour d’eux, le silence s’installe.
> Deux gars.
Deux mentalités.
Pas de bruit. Pas de cinéma.
Juste un combat.