Chapitre 2 : L'Éveil des Âmes

Le collier explosa de lumière pure.

La déflagration n'était pas seulement visuelle - c'était un tsunami d'énergie qui balaya Ryouta de la tête aux pieds, faisant vibrer chaque cellule de son corps comme s'il était traversé par des milliers de vagues sonores. Il dut fermer les yeux tant l'éclat était aveuglant, une blancheur si intense qu'elle semblait brûler à travers ses paupières closes. Même dans l'obscurité relative de ses yeux fermés, il pouvait parfaitement voir les 108 perles s'élever lentement du bijou comme autant d'étoiles libérées de leur prison millénaire.

Une voix ancienne résonna soudain dans son esprit, si vieille qu'elle semblait venir de l'aube des temps : *"L'Éveil commence. Que celui qui réunit accepte le fardeau éternel. Que ceux qui s'éveillent choisissent leur voie."*

L'air crépitait d'électricité, lui hérissant les poils et créant un goût métallique sur sa langue. Chaque perle traçait son propre arc lumineux dans le ciel transformé - certaines dorées comme un soleil couchant, d'autres argentées comme la lune, quelques-unes rouge sang, bleues océan, vertes forêt, et d'autres de couleurs qu'il n'avait jamais vues. Des fragments de souvenirs qui n'étaient pas les siens lui traversaient l'esprit : une épée qui fendait l'air, des mains tissant des sorts, une voix commandant des armées. Cent huit vies différentes qui défilaient en accéléré dans sa conscience.

Le sol sous ses pieds vibrait rythmiquement, comme si la planète battait au rythme d'un cœur géant. Cette énergie portait des échos de batailles oubliées, de royaumes perdus, de héros morts depuis des millénaires. Elle sentait le fer et le sang, la magie et la gloire, la victoire et la défaite.

Une par une, avec une grâce qui défiait les lois de la gravité, les perles touchaient le sol pavé autour de lui. Là où elles atterrissaient, l'air ondulait et se déformait, déchirant temporairement le tissu de la réalité et révélant des aperçus fugaces d'autres mondes - des montagnes flottantes dans un ciel pourpre, des océans de lave sous trois lunes, des forêts d'arbres cristallins qui chantaient dans le vent.

Puis, dans chaque zone de distorsion, les formes commencèrent à apparaître.

La première silhouette scintillait comme un hologramme défaillant, puis se précisa d'un coup. Une femme aux cheveux d'argent pur qui cascadaient jusqu'au milieu de son dos comme une rivière de métal liquide. Elle portait une robe élégante d'un blanc immaculé, ornée de runes complexes qui bougeaient lentement sur le tissu comme si elles étaient vivantes. Elle se tenait parfaitement droite, immobile comme une statue, mais Ryouta pouvait sentir l'aura qui émanait d'elle - le genre de présence qui faisait instinctivement plier le genou aux rois et trembler les dragons.

Une deuxième forme se matérialisa. Un homme grand et massif dont le torse nu était couvert d'un réseau complexe de cicatrices anciennes - chacune racontant l'histoire d'une bataille, d'un ennemi vaincu, d'une victoire arrachée de haute lutte. Ses vêtements étaient d'une simplicité spartiate mais de qualité évidente - tunique et pantalon de toile résistante, bottes de cuir usées par des milliers de kilomètres. Ses mains calleuses portaient les traces d'années passées à manier l'épée, la hache et probablement une douzaine d'autres armes. Ses yeux bruns perçants scrutaient déjà les environs, évaluant instinctivement les menaces potentielles et les voies d'évasion.

La matérialisation continua, révélant une diversité saisissante. Un homme aux traits fins et aristocratiques dont la posture parfaite trahissait une éducation noble dans quelque cour royale oubliée. Il portait des vêtements de soie bleue brodés d'or qui avaient dû coûter plus cher que le salaire annuel de Ryouta. À l'opposé, une femme aux bras musclés et aux mains calleuses, visiblement habituée au travail manuel le plus dur. Sa peau hâlée et ses cheveux décolorés par le soleil parlaient de longues années en extérieur, et une hache de guerre pendait naturellement à sa ceinture.

Plus loin, quelqu'un qui avait vécu sous un climat tropical, à en juger par sa peau bronzée et ses vêtements de lin blanc. Des tatouages tribaux complexes couvraient ses avant-bras. Un autre portait les fourrures épaisses de quelqu'un qui avait survécu dans les terres gelées du grand nord.

Certains évoquaient les légendes orientales : un samouraï en hakama traditionnel, les cheveux noués en chignon strict, deux katanas glissés dans sa ceinture ; un moine au crâne rasé et aux robes safran, dont les bras nus révélaient une musculature fine mais parfaitement développée.

D'autres rappelaient les épopées nordiques : un berserker aux cheveux blonds tressés, torse nu, des runes tatouées sur les bras ; une völva aux cheveux blancs et aux yeux d'un bleu glacial, tenant un bâton runique orné de crânes d'animaux.

Il y avait aussi des représentants de traditions plus exotiques : un chaman aux plumes multicolores et aux peintures de guerre ; une danseuse du désert aux voiles translucides et aux bijoux carillonnants ; un alchimiste aux doigts tachés, portant une ceinture d'outils étranges et de fioles luminescentes.

Tous, sans exception, semblaient avoir été ramenés à la fleur de l'âge - la vingtaine environ - dans la plénitude de leur force. Leurs ethnies variaient énormément : traits asiatiques délicats, visages européens anguleux, pommettes africaines hautes, et certains aux caractéristiques si particulières qu'ils venaient probablement d'autres mondes - peau bleutée, oreilles légèrement pointues, yeux violets ou dorés.

Certains portaient les robes de mages ou de prêtres, d'autres les armures cabossées de guerriers, quelques-uns les vêtements simples d'artisans ou d'aventuriers. Il y avait des visages jeunes et optimistes, d'autres marqués par la sagesse et l'expérience, quelques-uns portant les stigmates de tragédies personnelles.

Finalement, la cent-huitième et dernière forme se stabilisa.

Un silence absolu tomba alors sur le champ comme une chape de plomb, aussi soudain que si quelqu'un avait coupé le volume du monde entier. Même les bruits de la ville transformée - les cris lointains, les rugissements de monstres, le fracas des combats - semblaient avoir été mis en sourdine par la présence de ces êtres extraordinaires.

Ryouta se retrouvait au centre géométrique parfait d'un cercle formé par 108 personnes, toutes parfaitement immobiles, les yeux fermés, dans une attitude qui évoquait la méditation profonde. Elles ne respiraient même pas visiblement. Elles ressemblaient à des statues vivantes, figées dans un moment d'éternité.

Il attendit, le cœur battant de plus en plus fort dans le silence oppressant. Une minute. Deux. Trois. Le soleil doré de ce nouveau monde continuait sa lente descente vers l'horizon, projetant des ombres de plus en plus longues entre les bâtiments impossibles. Ryouta n'osait pas bouger, n'osait pas parler, n'osait même pas respirer trop fort de peur de briser ce moment solennel.

Puis, dans un synchronisme parfait qui évoquait un ballet millénaire répété des milliers de fois, les 108 personnes ouvrirent simultanément les yeux.

Et tous, sans exception, le regardèrent.

Le cœur de Ryouta s'arrêta littéralement pendant une seconde qui lui parut durer une heure. Une centaine de paires d'yeux de toutes les couleurs imaginables - bruns profonds comme la terre, bleus clairs comme le ciel d'hiver, verts émeraude comme la forêt, noirs comme la nuit sans lune, dorés comme le miel, et certains d'une teinte qu'il n'avait jamais vue sur un visage humain, comme ce violet profond d'améthyste ou ce gris orageux qui semblait contenir des éclairs - étaient fixée sur lui avec une intensité qui le fit involontairement reculer d'un pas.

Cette attention collective était physiquement oppressante. Ryouta avait l'impression d'être un insecte épinglé sous plusieurs dizaines de microscopes, chaque détail de son être analysé, catalogué, jugé. Il pouvait presque sentir leurs regards comme des poids tangibles sur sa peau.

L'homme massif aux cicatrices plissa légèrement ses yeux bruns, comme s'il évaluait la valeur militaire de Ryouta en tant que compagnon d'armes potentiel. Son regard professionnel semblait mesurer la musculature de Ryouta, sa posture, ses réflexes, cherchant des signes d'entraînement au combat ou de faiblesse fatale.

La femme aux cheveux d'argent inclina imperceptiblement sa tête noble, un geste si subtil qu'il était presque invisible mais qui portait le poids de siècles d'étiquette royale. Ses yeux argentés le sondaient avec une intelligence perçante qui semblait voir à travers son âme.

Un homme plus jeune aux traits orientaux délicats croisa ses bras musclés et le fixa avec une expression parfaitement indéchiffrable, comme un maître d'échecs étudiant un adversaire dont il ne peut pas encore deviner la stratégie.

Ils réfléchissaient. Ils l'étudiaient. Ils le jaugeaient.

Le silence s'étira comme un élastique sur le point de se rompre. Ryouta ouvrit la bouche pour dire quelque chose - n'importe quoi pour briser cette tension insupportable - mais se ravisa au dernier moment. Une intuition profonde lui disait qu'il ne fallait pas parler en premier. Que dans cette rencontre historique entre un homme ordinaire et ses 108 anciennes existences héroïques, les règles de préséance étaient cruciales.

Finalement, l'homme massif aux cicatrices bougea. Il fit un seul pas en avant, un mouvement fluide qui faisait rouler ses muscles impressionnants sous sa tunique. Ses yeux bruns n'avaient pas quitté ceux de Ryouta une seule seconde.

« Alors, » dit-il d'une voix grave et rocailleuse qui portait l'autorité naturelle du commandement militaire, « c'est toi. »

C'est toi. Pas "qui es-tu" ou "que veux-tu". Une simple constatation, comme s'il reconnaissait quelqu'un qu'il avait toujours su qu'il rencontrerait un jour.

« Je... oui. Je suis Ryouta Hayashi. » Sa propre voix lui sembla étrangement petite après la basse profonde du guerrier.

L'homme hocha lentement sa tête grisonnante. « Nous savons qui tu es. »

Nous savons qui tu es. Ces mots simples contenaient une charge émotionnelle que Ryouta ne comprenait pas encore.

« Vous... savez ? » balbutia-t-il, sa voix trahissant sa confusion.

« Nous savons beaucoup de choses, » dit la femme aux cheveux d'argent sans bouger d'un millimètre. Sa voix était mélodieuse comme un chant d'oiseau mais froide comme un matin d'hiver. « Nous savons dans quel monde nous sommes maintenant. Nous savons ce qui se passe dans ce monde. Nous savons pourquoi nous sommes ici, dans cette existence renouvelée. »

Elle marqua une pause calculée, ses yeux argentés sondant ceux de Ryouta.

« Ce que nous ne savons pas encore, c'est quel genre d'homme tu es vraiment. »

La gorge de Ryouta se serra. « Je ne comprends pas. Comment pouvez-vous savoir tout ça alors que vous venez juste d'être... invoqués ? »

L'homme aux traits orientaux - qui portait des vêtements simples mais élégants rappelant ceux d'un moine guerrier, avec une tunique sans manches qui révélait des bras couverts de petites cicatrices d'entraînement - prit la parole pour la première fois. Sa voix était plus douce que celle du guerrier massif, mais elle portait une autorité différente, celle de la sagesse et de la discipline spirituelle.

« L'invocation nous a transmis certaines... informations essentielles. Des connaissances sur la situation actuelle. Sur ce monde et ses nouvelles règles. Sur le système magique qui régit maintenant la réalité comme un grand jeu. »

Il marqua une pause, étudiant attentivement la réaction de Ryouta avec des yeux noirs perçants.

« Et sur toi. Nous connaissons ta vie, Ryouta Hayashi. Tes habitudes quotidiennes, tes peurs secrètes, tes rêves inavoués. Nous savons que tu es un... développeur. Nous savons que tu as perdu ton père récemment et que sa mort t'a profondément marqué. Nous savons que tu as eu des périodes... difficiles dans ta jeunesse. »

Le cœur de Ryouta manqua un battement et se remit à battre de façon irrégulière. Avaient-ils eu accès à sa mémoire et ses souvenirs ?

« Mais connaître les faits bruts et comprendre vraiment l'homme sont deux choses différentes, » continua le moine guerrier avec une sagesse qui portait le poids de nombreuses vies vécues. « Nous voulons entendre de ta propre bouche quelles sont tes véritables intentions. Pourquoi nous as-tu ramenés ? Que comptes-tu faire de nous ? »

L'homme massif hocha gravement sa tête marquée par les batailles. « Exactement. Tu viens de nous arracher à notre repos éternel, à notre paix bien méritée après des vies entières passées à nous battre. Nous voulons savoir pourquoi. Nous voulons savoir ce que tu attends vraiment de nous. »

Il se pencha légèrement vers Ryouta, sa stature imposante projetant une ombre qui englobait le jeune développeur. Sa voix se fit plus grave, plus menaçante.

« Veux-tu que nous soyons tes serviteurs obéissants ? Tes soldats dociles ? Tes pions sur un échiquier dont tu serais le maître ? »

La question flotta dans l'air chargé d'électricité magique comme une épée de Damoclès. Ryouta sentit physiquement le poids de 108 regards posés sur lui, attendant sa réponse. L'enjeu de ce moment était énorme - sa réponse déterminerait probablement la nature de sa relation avec ces héros pour le reste de cette nouvelle existence.

Il prit une profonde inspiration, laissant l'air magique emplir ses poumons, et décida de laisser son cœur parler plutôt que sa tête.

« Je ne veux pas de serviteurs. Je ne veux pas de soldats dociles ou de pions manipulables non plus. »

Il commença à tourner lentement sur lui-même, essayant de croiser le regard de chacun des 108 héros, voulant que sa sincérité soit visible dans ses yeux.

« Ce que je veux... c'est vivre l'aventure que j'ai toujours rêvé de vivre. Explorer ce nouveau monde mystérieux, découvrir ses secrets cachés, combattre ses dangers. »

Un sourire sincère et lumineux éclaira progressivement son visage, le transformant complètement.

« Et je veux le faire avec des compagnons véritables. Pas des subordonnés - des compagnons d'égal à égal. Des gens sur qui je peux compter et qui peuvent compter sur moi en retour. »

Il s'arrêta directement devant l'homme massif, soutenant son regard intense sans ciller.

« Je sais que vous êtes tous des héros légendaires. Je sais que vous avez vécu des vies extraordinaires, accomplissant des exploits que je ne peux même pas imaginer. Je ne prétends pas être votre supérieur. »

Sa voix se fit plus ferme, plus assurée, portant une conviction qui surprit même Ryouta.

« Mais cette vie, cette existence dans ce nouveau monde fantastique, c'est la mienne. Et si vous voulez bien m'accompagner dans cette aventure, alors amusons nous ! Vivons quelque chose de merveilleux ensemble ! »

Le silence qui suivit cette déclaration fut différent du précédent. Moins tendu, moins lourd de menaces potentielles. Plus contemplatif, plus évaluateur. Ryouta pouvait presque sentir l'atmosphère changer autour de lui, devenir moins oppressante et plus... chaleureuse ?

L'homme massif le fixa encore quelques longues secondes, ses yeux bruns sondant les siens comme s'il cherchait le moindre signe de mensonge ou de manipulation. Puis, lentement, un sourire commença à étirer ses lèvres marquées par les batailles.

« Tu sais, » dit-il d'une voix soudain plus chaude, « dans ma jeunesse, j'étais exactement comme toi. Avide d'aventure, prêt à tout pour repousser les limites du possible. »

Il croisa ses bras musclés, mais toute son attitude corporelle s'était détendue, devenant presque amicale.

« J'ai conquis des royaumes entiers, terrassé des dragons millénaires, exploré des dimensions interdites où aucun mortel n'avait jamais mis les pieds... Et tu sais ce dont je me souviens le mieux de toutes ces aventures épiques ? »

Ryouta secoua la tête, captivé par ce premier aperçu de l'histoire de l'une de ses vies antérieures.

« Les rires partagés avec mes compagnons autour d'un feu de camp. La satisfaction d'un travail bien fait en équipe quand nous sauvions un village entier. La joie pure de découvrir quelque chose de nouveau et de merveilleux avec des gens qui comprenaient exactement cette joie. »

Le sourire du guerrier s'élargit, transformant son visage sévère en quelque chose de presque paternel. « Il semblerait qu'au moins, avec toi, on ne s'ennuiera pas. »

Ces mots simples brisèrent une digue invisible qui avait retenu les émotions collectives. Autour du cercle, d'autres voix commencèrent à s'élever, chacune apportant sa propre perspective sur cette situation inédite.

« Parle pour toi ! » grommela un homme aux tempes grisonnantes qui avait visiblement été un stratège militaire dans sa vie antérieure. « On va devoir recommencer depuis le début, tout réapprendre... »

« Et alors ? » répliqua vivement une femme aux yeux verts perçants et aux cheveux roux flamboyants. « Moi, ça me fait vraiment plaisir de recommencer ! Ma dernière vie s'était terminée de façon peu satisfaisante. »

Il y avait une note d'amertume dans sa voix qui suggérait une tragédie personnelle, une défaite ou une perte qui l'avait marquée jusqu'à la mort.

« Tu parles d'une chance incroyable ! » s'exclama une femme rousse aux bras remarquablement musclés, visiblement une guerrière ou une artisane habituée aux travaux de force. « Une nouvelle existence complète, un nouveau monde plein de possibilités, et en plus on garde tous nos souvenirs ! C'est le rêve absolu de tout aventurier ! »

« Le rêve, tu dis ? » soupira avec une élégance un peu affectée un homme aux manières aristocratiques qui portait des vêtements de soie brodée d'or. « Nous étions des héros respectés, craints et admirés, et maintenant nous voilà niveau 1 comme de vulgaires débutants... »

« Oh, arrête de te plaindre ! » l'interrompit une femme aux cheveux tressés de façon complexe, avec des perles et des petits objets métalliques qui tintaient à chaque mouvement. « Tu préfères être mort pour l'éternité ? Moi, je trouve que c'est une seconde chance magnifique ! »

Les voix se superposaient maintenant, créant un brouhaha familial qui rappelait à Ryouta les réunions de famille de son enfance. Il écoutait, fasciné par la diversité incroyable des réactions et des personnalités. Certains semblaient excités par cette nouvelle aventure, d'autres inquiets, quelques-uns nostalgiques de leur ancienne grandeur.

Une voix claire et autoritaire s'éleva soudain au-dessus du tumulte croissant. « Silence. »

Le calme revint instantanément, comme si un interrupteur avait été actionné. Tous les regards se tournèrent respectueusement vers l'homme qui avait parlé - celui aux traits fins et intelligents qui portait un étrange mélange entre robe de mage et tenue de combat pratique, avec une cape sombre ornée de symboles mystiques.

« Mes chers autres moi, » dit-il avec une ironie affectueuse, « nous pouvons débattre philosophiquement toute la nuit sur les avantages et inconvénients de notre situation. Mais il y a des questions beaucoup plus pressantes et pratiques à aborder. »

Il se tourna vers Ryouta, et ses yeux - d'un bleu si profond qu'ils semblaient contenir des océans - le fixèrent avec une intensité troublante.

« Nous devons t'informer de certaines... particularités importantes de notre invocation. Des détails que tu dois connaître avant de prendre d'autres décisions. »

Le ton grave du sorcier-guerrier fit courir un frisson désagréable le long de la colonne vertébrale de Ryouta. « Quelles particularités ? »

« Il vaut mieux que tu voies par toi-même. Regardons tous nos fenêtres de statut. »

D'un geste collectif parfaitement synchronisé, les 108 héros firent apparaître leurs interfaces de jeu personnelles. Ryouta fit de même, de plus en plus curieux et inquiet.

Ce qu'il découvrit le stupéfia.

Ils étaient tous niveau 1. Sans exception, si ce n'était que ça... Mais en plus, leurs sections compétences étaient... vides. Pas une seule capacité spéciale, pas un seul sort, pas une seule technique de combat. Rien.

« Comment est-ce possible ? » murmura-t-il, sa voix trahissant son incompréhension. « Vous étiez des héros légendaires ! Vous avez accompli des exploits extraordinaires ! »

La femme aux cheveux d'argent soupira profondément, un son qui portait le poids de siècles de sagesse et d'expérience.

« Nous gardons effectivement tous nos souvenirs, toutes nos connaissances théoriques, toutes nos techniques apprises. Mais nos corps sont neufs, vierges de toute expérience physique. Ils doivent réapprendre laborieusement ce que nos esprits savent déjà parfaitement. »

Pour illustrer son propos, elle tendit gracieusement une main pâle et se concentra visiblement, ses sourcils se fronçant sous l'effort. Ryouta sentit une légère fluctuation dans l'air autour d'eux, comme une promesse de quelque chose de grand...

Puis rien. Juste une minuscule étincelle qui clignotait brièvement au bout de ses doigts avant de s'éteindre piteusement.

« Autrefois, dans ma vie précédente, je pouvais raser une montagne entière d'un seul geste. Maintenant, j'arrive à peine à allumer une bougie de cire ordinaire. »

La frustration dans sa voix était palpable, celle d'un maître artisan forcé à redevenir apprenti.

« Pareil pour moi, » grommela un homme aux bras épais comme des troncs d'arbre. « Mon corps se souvient parfaitement de chaque technique de combat, de chaque mouvement, de chaque parade. Mais ma force physique... tout est à reconstruire depuis zéro, muscle par muscle. »

« Il y a autre chose, » dit le sorcier-guerrier, et son ton indiquait clairement que le pire était encore à venir. « Quelque chose de crucial que tu dois savoir. »

Il marqua une pause dramatique, laissant ses mots suivants résonner dans le silence tendu.

« Si tu meurs, Ryouta Hayashi... nous disparaitront tous avec toi. »

Le silence qui suivit fut assourdissant. Ryouta sentit le sang se retirer de son visage.

« Quoi ? »

« Le lien qui nous unit est absolu, » expliqua la femme aux cheveux d'argent. « Ta mort entraînerait automatiquement la nôtre. Nous partageons ton destin, que nous le voulions ou non. »

« C'est... c'est énorme, » balbutia Ryouta. « On ne m'avait pas prévenu de ça avant ! »

« Nous ne l'avons découvert qu'à notre arrivée aussi, » répliqua sèchement l'aristocrate. « Et de toute façon, c'est fait maintenant. Nous sommes liés pour le meilleur et pour le pire. »

L'homme massif hocha gravement la tête. « Ce qui signifie que nous avons tous un intérêt vital à te maintenir en vie et à t'entraîner correctement. »

Il sourit, mais c'était un sourire de prédateur.

« J'espère que tu es prêt à travailler dur, gamin. Parce que nous allons faire de toi un vrai combattant, que ça te plaise ou non. »

Ryouta déglutit péniblement. Il avait voulu l'aventure ?

Il allait être servi.