Chapitre deux : Gabriel

Je respire profondément en m’éloignant du bureau de Monsieur Lefebvre. Mon cœur bat encore à tout rompre, mais je suis soulagé. L’entretien s’est bien passé, mieux que je ne l’aurais espéré. Pourtant, une partie de moi est encore sur les nerfs. Il y avait quelque chose dans son regard… une sorte de tension sous-jacente que je n’arrive pas à expliquer. C’est peut-être juste le stress de l’entretien, mais une sensation étrange persiste.

Je passe la main sur mon front en sortant du bâtiment de **Summit Global Corporation**. Le vent frais de l’automne mord légèrement ma peau et je suis soudainement reconnaissant d’avoir prévu une écharpe. La fraîcheur me ramène à la réalité, m’éloignant de la nervosité qui m’a envahi pendant toute la durée de l’entretien.

Je m’arrête un instant sur le trottoir, laissant mes pensées dériver. Je ne peux pas m’empêcher de repenser à Monsieur Lefebvre. Cet homme… imposant, charismatique, mais aussi un peu intimidant. Il dégage quelque chose que je n’arrive pas à définir. Je suis certain qu’il fait cet effet à tous ceux qui croisent son chemin, mais dans mon cas, il y a autre chose.

Je soupire et secoue la tête. Ce n’est pas le moment de me laisser distraire. Je viens de décrocher le stage dont j’ai besoin pour terminer mes études. C’est tout ce qui devrait compter, pas la manière dont ses yeux sombres semblaient, parfois, me percer comme s’il cherchait quelque chose en moi.

Alors que je continue à marcher, mes pensées s’éloignent de l’entretien pour revenir, comme une vague persistante, à la semaine dernière. Ce bal masqué.

Je me surprends à sourire. C’était une soirée comme je n’en avais jamais vécue. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre, mais tout, du décor à l’ambiance feutrée, avait semblé hors du temps. Et puis, il y avait lui. Cet homme au masque noir. Imposant, mystérieux. Dès que nos regards s’étaient croisés, une alchimie instantanée s’était installée. Je me souviens encore de la chaleur de son corps contre le mien pendant que nous dansions, de la douceur de sa voix lorsqu’il me parlait, et surtout de ce baiser… un baiser si intense que j’en frissonne encore rien que d’y penser.

Je m’arrête, planté au milieu du trottoir, une main crispée sur mon téléphone. Il m’a donné son numéro avant de disparaître dans la nuit. Je pourrais lui envoyer un message, le revoir… mais je ne l’ai pas fait. Pas encore. J’ai hésité plusieurs fois à lui écrire, mais à chaque fois, je me suis retenu. Une partie de moi préfère peut-être que cette nuit reste un souvenir parfait, sans complications.

Pourtant, je ne peux pas m’empêcher de me demander qui il est vraiment. Il pourrait être n’importe qui… ou peut-être que je ne le reverrai jamais.

Je laisse échapper un soupir et remets mon téléphone dans ma poche. C’est ridicule de rester bloqué là-dessus. Ce qui compte maintenant, c’est ce stage, pas des fantaisies sur un inconnu rencontré dans un bal. **Summit Global Corporation** est une opportunité incroyable. Travailler avec un PDG aussi important que Vincent Lefebvre pourrait changer ma carrière, et je ne peux pas me permettre de tout gâcher en me distrayant avec des pensées inutiles.

Je finis par reprendre le chemin vers l’appartement que je partage avec mon ami et colocataire, Maxime. Lorsque j’entre, Max est assis sur le canapé, une manette de jeu vidéo à la main et un sourire malicieux sur le visage.

"Alors ? Comment ça s’est passé, mon cher stagiaire en devenir ?" dit-il en se tournant vers moi.

Je pose mon sac et m’effondre sur le fauteuil en face de lui. "Ça s’est bien passé, je crois. Il m’a dit de venir demain à huit heures pour commencer."

"Pas mal ! Pas mal !" dit-il en hochant la tête, toujours concentré sur son jeu. "Et le grand patron ? Il est aussi impressionnant que ce qu’on raconte ?"

Je repense immédiatement à Monsieur Lefebvre. À sa stature imposante, à son regard perçant… et à cette étrange impression qui ne me quitte pas.

"Oui," je murmure. "Il est… impressionnant, c’est sûr. Très professionnel, mais…"

"Mais quoi ?" Max met le jeu en pause et se tourne vers moi, curieux.

Je fronce les sourcils, essayant de mettre des mots sur ce que j’ai ressenti pendant l’entretien. « Je ne sais pas. Il y avait quelque chose… je ne sais pas comment l’expliquer. C’est peut-être juste moi qui étais nerveux."

Max lève les sourcils, un sourire taquin sur les lèvres. "Ne me dis pas que tu as déjà un faible pour ton boss."

Je secoue la tête, amusé. "Non, ce n’est pas ça. Juste… il avait un regard vraiment intense. Ça m’a déstabilisé, je crois."

"Ah, les hommes puissants et mystérieux," plaisante Max en riant. "Fais gaffe, tu vas te faire des films."

Je ris à mon tour, mais une partie de moi reste troublée. Ce n’est pas que je sois attiré par Monsieur Lefebvre, pas vraiment. Mais il y avait quelque chose d’indéfinissable dans son regard, quelque chose qui m’a rappelé… Je secoue la tête pour me débarrasser de cette pensée. C’est absurde de faire un lien entre lui et l’homme du bal masqué. Ce n’est qu’une coïncidence.

Je finis par me lever du fauteuil. "Je vais me coucher tôt ce soir. Demain, c’est le grand jour."

"Bonne chance, mon pote," me lance Max en me faisant un signe de la main avant de reprendre son jeu.

Dans ma chambre, je m’allonge sur mon lit, mais mes pensées ne sont pas prêtes à se calmer. L’image de Monsieur Lefebvre continue de se mêler à celle de l’homme masqué, et je me sens encore plus troublé. Je chasse ces pensées de mon esprit une fois de plus, en me répétant que demain est une nouvelle journée. Une journée importante.

Mais dans le fond, je ne peux m’empêcher de me demander si je n’ai pas déjà croisé le chemin de cet homme mystérieux sans même m’en rendre compte.