Chapitre onze : Vincent

Assis à mon bureau, je feins de consulter des documents sur l'écran de mon ordinateur, mais mon attention est ailleurs. Depuis plusieurs jours, je surprends Gabriel à me regarder. Au début, j'avais pensé que ce n'était qu'une coïncidence, une brève distraction pendant qu'il travaillait. Mais maintenant, c'est devenu quelque chose de plus constant, presque intentionnel. Chaque fois que nos yeux se croisent, une tension monte en moi, difficile à ignorer.

Ce matin encore, alors que je lui expliquais les priorités pour la journée, j'ai senti son regard sur moi, attentif mais chargé de quelque chose de plus. Nous partageons cet espace, et plus les jours passent, plus cette tension devient palpable, presque insupportable. C'est comme si une barrière invisible nous retenait à distance l'un de l'autre, mais cette barrière s'effrite peu à peu.

Je ressens cette attirance croissante. Une attirance que je dois réprimer, tout comme Gabriel semble le faire. C'est évident. Il est mon employé, et je suis son patron. Il y a des règles que nous devons respecter, des lignes que nous ne pouvons pas franchir. Mais chaque fois que nos regards se croisent, chaque fois que nos mains s'effleurent, c'est comme si cette règle devenait de plus en plus floue.

Je soupire intérieurement, me forçant à me concentrer sur mon travail. Mais c'est difficile quand Gabriel est juste là, à quelques mètres de moi, et que je sens constamment sa présence.

À un moment donné, alors que je me penche pour attraper un dossier, nos bras se frôlent. Le contact est léger, mais immédiat. Une décharge me traverse le corps, et je sais qu'il l'a ressenti lui aussi. Je vois son regard vaciller un instant avant qu'il ne se reprenne. Nous continuons comme si de rien n'était, mais ce simple contact a réveillé quelque chose en moi.

Le silence dans la pièce devient de plus en plus lourd, et je sens cette tension monter à chaque seconde. Pourtant, aucun de nous ne dit rien. Aucun de nous ne cède.

Gabriel finit par se lever pour aller chercher des documents dans une autre pièce, et je profite de cette brève solitude pour prendre mon téléphone. Mon cœur bat plus vite que d'habitude alors que j'ouvre l'application de messagerie. Un message non lu de l'inconnu masqué m'attend.

Je ressens une excitation étrange en voyant qu'il a répondu. C'est la première fois qu'il m'envoie un message aussi personnel.

**De : Inconnu Masqué**

Moi aussi, j'adore les soirées que nous passons ensemble. C'est quelque chose d'unique, quelque chose que je n'ai jamais ressenti avant. Mais pour le moment, je préfère garder mon identité secrète. Le mystère fait partie de la magie. Un jour, peut-être, quand je me sentirai prêt, nous pourrons nous voir sans nos masques.

Je relis le message plusieurs fois. Je ressens un mélange d'excitation et de compréhension. Il veut garder cette part de mystère, cette part de magie qui nous lie. Et je comprends cela. Je ressens la même chose, même si une partie de moi meurt d'envie de savoir qui se cache derrière ce masque.

Je tape une réponse rapidement, mes doigts hésitant légèrement sur l’écran.

**À : Inconnu Masqué**

Je comprends parfaitement. Le mystère a quelque chose de spécial, et je respecte ton choix. Prends ton temps. Quand tu te sentiras prêt, je serai là. En attendant, j'ai hâte de te revoir.

J'envoie le message, puis repose mon téléphone sur le bureau. Il y a quelque chose d'apaisant dans cet échange. Même si nous restons dans le mystère, il y a cette promesse silencieuse, ce lien que nous avons créé, et qui ne cesse de grandir à chaque rencontre.

Gabriel revient dans le bureau, et immédiatement, la tension entre nous refait surface. Nos regards se croisent une nouvelle fois, et cette fois, je ne fais pas semblant de l'ignorer. Il y a quelque chose dans la manière dont il me regarde, quelque chose que je n'arrive pas à définir. Peut-être ressent-il la même attirance que moi. Peut-être lutte-t-il, tout comme moi, contre ce désir qui grandit.

Nous continuons de travailler en silence, mais chaque frôlement, chaque geste devient de plus en plus chargé d'une intensité presque insupportable. À plusieurs reprises, nos mains se touchent par inadvertance, et à chaque fois, je ressens cette décharge électrique qui me traverse.

Il est évident que nous sommes tous les deux pris au piège de cette tension, mais ni l'un ni l'autre ne semble prêt à céder. Il est mon employé. Je suis son patron. Cette simple vérité devrait suffire à nous tenir à distance, mais ce n'est pas le cas.

Lorsque la fin de la journée approche, je remarque Gabriel jeter un dernier coup d'œil à son téléphone, puis il range ses affaires. Moi aussi, je me prépare à partir. Mais avant de quitter le bureau, je saisis mon téléphone une dernière fois pour envoyer un autre message à l'inconnu masqué.

**À : Inconnu Masqué**

Je pense à toi. J'ai hâte de te revoir, même si c'est encore avec nos masques. À bientôt.

Je quitte le bureau, laissant derrière moi une journée marquée par des regards échangés et des frôlements évités de justesse. Mais une chose est sûre : cette tension entre nous ne peut pas durer éternellement.