XLVIII

Après s'être fait refouler à l'entrée d'une taverne car on avait mentionné le fait qu'on était des chasseurs, on a fini par en trouver une où manger avant de reprendre notre chemin. Habituellement très bruyant et vivante, l'artère que l'on emprunte et cette fois calme, on croise quelques personnes qui nous regardent mais personne d'autre.

Trish : La viande qu'ils nous ont servi était vraiment bonne, pas vrai ?

Jules : Mouais...

Elle me jette un rapide coup d'oeil tout en continuant à marcher.

Trish : Tu n'as plus de goûts ?

Jules : Oui… 

Je n'y fais même plus attention, je ne ressens plus la faim ni la sensation d'être comblé après un repas. Je penche légèrement la tête en arrière pour observer le soleil qui est toujours aussi haut dans le ciel. C'était fade et je le savais, j'ai juste fais ça pour lui faire plaisir.

Trish : Ah... Je vois... Je suis désolé, je n'ai pensé qu'à moi en te proposant d'aller manger tous les deux.

Jules : Non, ce n'est rien… Et puis, on finit par s'y habituer.

Je ne sais même plus depuis combien de temps je ne ressens plus le goût de nourriture et je n'arrive même plus à l'imaginer.

Jules : C'est plutôt à moi de m'excuser, j'aurais pas dû dire au gérant de la première taverne qu'on était des chasseurs.

Trish : De toute façon il le savait déjà, il nous avait repéré dès qu'on a mis un pied dans son établissement. Tu nous a même sauvé à vrai dire, peut être qu'il nous aurait fait payer plus cher sans nous le dire.

Jules : Ouais enfin j'aurais préféré payer plus que recevoir une chaise dans la tête. Les gens sont vraiment fous, tous les clients se sont déchainer sur nous quand ils ont appris qu'on avait du mana en nous.

Trish : Oui…

Elle observe alors une de ses mains et fait apparaître des veines de mana sur celle-ci.

Trish : Tous fous, tous manipulés… 

Au même moment, on tourne dans une rue bien plus étroite et bien plus calme, où personne ne passe.

Jules : Si je me souviens bien, c'est dans cette rue qu'est le magasin.

Trish : Dis, tu penses que la papauté à raison ?

Jules : Sur quel mensonge ?

Ma petite réflexion l'a fait sourire un court instant.

Trish : Sur le fait que l'on ne soit pas comme les humains "normaux" ?

Jules : Qui est ce que tu sous-entends par "normaux" ?

Trish : Ceux n'ayant pas de mana.

Jules : Ah, donc ça veut dire que nous ne sommes pas normaux, nous ne sommes pas dignes d'être des humains ?

Trish : Non, enfin, comment dire…

Jules : Tu penses que tes parents sont plus humains que toi parce qu'ils n'ont pas de mana ?

Elle avance tête baissée.

Jules : Des parents qui abandonnent leurs enfants… J'appelle pas ça des humains moi.

On finit par se retrouver en face de la boutique, c'est là que je suis allé acheter ces plantes médicinales que m'avait conseillé Petra. J'observe l'intérieur du bâtiment mais il n'y plus rien. Tout semble vide. Il n'y a plus de plantes posées sur les meubles car il n'y a plus de meubles, plus de trace de vendeur, rien.

Jules : Tiens…

 Un peu gêné, je me tourne vers Trish qui était restée un peu en retrait.

Jules : Je crois que c'est fermer, désolé de t'avoir fait trotter pour rien.

Voix de vieille femme : Oh oui, ça fais quelques jours déjà...

Surpris, se tourne alors vers une vieille dame qui passait par là.

Vieille femme : Le jeune homme qui tenait cette boutique à été arrêter par les gardes de la ville.

Trish : Arrêter ?

Vieille femme : Oui ma grande.

Jules : Vous savez pourquoi ?

Vieille femme : Il y a une rumeur qui circule disant qu'il utilisait ses connaissances en botanique pour droguer et enlever des jeunes filles, les gardes ont trouver plusieurs d'entres elles mortes chez lui. Ils pensent même qu'il les aurait violés.

Trish : C'est horrible...

Petra a vraiment donné sa boutique à ce genre de personne ? J'ai du mal à le croire… 

Vieille femme : D'ailleur, ça ne m'étonnerais pas que les produits qu'il vendait soient sans effet… 

"les prendre ne te soulagera pas"... 

Jules : Dites, vous savez où l'on pourrait trouver un herboriste ?

Vieille femme : Hum... Il n'y en a pas dans les environs, pas que je sache. La plupart des produits qu'ils vendent se font si rares ces temps-ci que beaucoup d'entre eux ne peuvent plus en trouver et doivent fermer leurs magasins et les rares fois où il y a des plantes, l'armée les réquisitionnent.

Trish : Pourquoi l'armée en a-t-elle besoin ?

Vieille femme : Pour soigner les blesser ma grande, la guerre avec le royaume de Kogua fait encore rage au nord ouest.

Trish : Ah oui, c'est vrai… 

Vieille femme : D'ailleur, j'ai entendu dire que toute l'armée est réquisitionné pour se préparé à défendre une évantuelle attaque à la frontière.

Jules : La frontière…

Son regard se pose alors sur moi, elle me scrute de haut en bas.

Vieille femme : Dites moi, vous êtes bizarrement habillé.

Aie, je me sens un peu gêné.

Jules : Ah, oui, vous avez raison.

Vieille femme : Enfin bon… Je vais vous laisser, je ne veux pas trop traîner à cause des chasseurs qui sont de retour dans la ville, ils pourraient bien s'en prendre à nous, ces monstres.

Elle reprend alors son chemin et s'éloigne de nous tout en marchant avec difficulté. Trish la fixe avec insistance, comme si elle voulait l'égorger.

Trish : Tu avais peut-être raison tout à l'heure… Mais du coup, qu'est ce qu'on fait ? On rentre ?

Jules : Ouais, je connais une personne qui saura quoi faire pour lutter contre mes hallucinations mais j'irais la voir un autre jour...

Voix : Tiens…

On se retourne tous les deux et on voit Bûth et Nounou qui viennent vers nous.

Nounou : Qu'est ce que vous faites là ?

Jules : Je voulais faire un tour dans cette boutique mais il faut croire que c'est impossible.

Ils observent tous les deux la devanture.

Bûth : Un herboriste ?

Jules : Oui, c'est pour des raisons personnelles.

Il m'observe du coin de l'œil, intriguer.

Jules : Et vous, où est ce que vous étiez partis ?

Nounou : On est sorti de la ville pour s'entraîner dans le calme, en forêt.

Bûth : Et on comptait rentrer à la guilde, c'est pour y arriver plus rapidement qu'on a emprunté cette petite ruelle et qu'on vous a croisé du coup.

Jules : Ah, ça tombe bien parce qu'on comptait nous aussi rentrer.

Bûth : Parfait… 

Trish : Au fait, Bûth, il y a quelqu'un qui t'attend à l'entrée de la guilde, il veut te parler en privé.

Bûth : Ah… Et il vous a dit qu'il il était ?

Jules : Non.

Bûth : Et pourquoi il voulait me parler ?

Trish : Non plus.

Bûth : Bizarre… Bon, je verrai ça arrivé là-bas.

Sans perdre plus de temps, on se met tous en route pour revenir à la guilde.

Un fois arrivé devant l'entrée, on revoit l'étrange personne qui vient tout de suite nous accoster, c'est alors que Bûth nous surprend en s'arrêtant net en le voyant.

Trish : Bûth, ça va ?

Il observe l'homme attentivement.

Bûth : Ouais… Allez-y, je vais rentrer plus tard…

On se lance tous les trois un regard mutuel.

Trish : D'accord, on te laisse alors… 

On rentre tous les trois dans le bâtiment, confus par sa réaction.

Au même moment, dans une petite ruelle de la capitale, elle aussi vide, où Hitch et Emoni marchent tranquillement.

Emoni : Wow...

Elle est totalement ébahie par les constructions faites par les humains, l'excitation monte petit à petit en elle.

Emoni : Ahah ! C'est trop beau !

Hitch : Ne t'excite pas trop sinon tes yeux vont se révéler...

Emoni : Je sais, ne t'inquiète pas, je garde le contrôle dessus. En aucun cas ils ne deviendront blanc, il vont rester normaux et tout le monde va me prendre pour une humaine.

Hitch : Bien, mais fais aussi attention à ton comportement.

Emoni : Oui, je sais, j'ai compris.

Une fois au bout de l'étroite rue, les deux parasites empruntent alors une grande artère gorgée de monde .

Emoni : Woah, t'as vu tout ce monde !

Hitch : Je t'avais dit de te calmer.

Emoni : Oui, pardon…

Hitch : Bon, il faut qu'on trouve ce chasseur… Il doit sûrement être à la guilde.

Ils se mettent tous les deux à déambuler au milieu de tous les humains. C'est alors qu'Emoni, attiré du coin de l'œil, part en direction d'une vitrine d'un boulanger pour observer le pain qui sort tout juste du four, le tout sans avoir prévenu son compère. Celui-ci remarque rapidement l'absence de la parasite et s'arrête.

Hitch : Hey !

Elle se tourne vers le Symviosi et le rejoint, dépitée, avant qu'ils ne reprennent leur recherche.

Hitch : On est pas là pour flâner… 

Emoni : Désolé, c'est juste que je trouve la société humaine fascinante…

Il lui jette un rapide regard.

Hitch : Tu n'as jamais quitté les grottes, pas vrai ?

Emoni : Si mais je n'ai jamais été en contact avec la société humaine.

Hitch : Je vois…

Il reprennent alors une autre ruelle plus calme, à l'abri des regards, sans pour autant oublier leur objectif.

Hitch : Et pourquoi tu fantasme tant sur les humains ?

Emoni : Je ne sais pas... Surement de mon ancienne vie, celle que j'avais quand j'étais encore humaine.

Hitch : Celle que tu as oublié, comme les autres.

Elle fait un mouvement de tête allant de haut en bas pour lui répondre.

Emoni : Dis... Pourquoi es-tu devenu un parasite ?

Il soupire.

Hitch : Je te l'ai déjà dit, je veux ramener une personne qui m'est chère.

Emoni : Et tu étais d'accord avec la vision du monde qu'a Heceol ?

Hitch ne répond pas et se crispe légèrement, énervé, chose qu'elle remarque.

Emoni : Désolé, je ne voul...

Hitch : Pourquoi es-tu devenu un parasite ?

Elle est prise par surprise.

Emoni : Mais... Tu sais bien que je ne peux pas m'en souvenir !

Hitch : Et bien pose toi la question, tous les Symviosi sont d'anciens humains qui ont été transformés en parasite par Heceol, et quelle est la nécessité pour qu'un humain devienne un parasite ?

Emoni : Du désespoir... Lorsqu'un humain est pris par le désespoir, son corps peut accepter un des quatorzes mana originel qu'a Heceol. C'est après avoir accepté un de ces mana qu'il entame sa transformation en Symviosi...

Hitch : Et qu'elle a été la cause de ton désespoir ?

Elle ne répond pas et réfléchit, sans trouver la réponse. Au même moment, ils tournent dans une autre ruelle qui croisait celle qu'ils empruntaient initialement.

Hitch : Qu'est ce qui cause le plus malheureux sur ces terres ?

Emoni : Le... Le vice humain ?

Elle relève la tête et observe ce qui l'entoure.

Emoni : Mais... Alors pourquoi je… Pourquoi j'admire ce qu'ils font ? Et pourquoi est-ce que j'ai de la pitié pour eux ?

Hitch : C'est à toi de trouver la réponse au fond de toi. Pour en revenir à ta question, non je ne suis pas d'accord avec la vision qu'a Heceol. Il veut combattre le vice humain pour purifier ces terres mais le combat qu'il mène avec les parasites montre bien une chose... Il n'a pas quitté sa nature humaine, il veut se venger pour ce qu'il a vécu en faisant payer la race humaine, c'est de la pure vengeance. Le problème c'est qu'une fois que l'on goûte à la nature humaine, on ne peut plus faire marche arrière même si on le veut. Il fait les mêmes péchés qu'il reproche aux hommes. il est cupide, avare, jaloux, égocentrique, manipulateur et j'en passe. Je pense que tu es aussi dans le même cas que lui mais à quelques choses près, tu hais la société humaine tout en fantasmant dessus… 

Elle s'arrête et observe ses mains, Hitch s'arrête aussi et la regarde.

Emoni : Qu'est ce que je dois en penser de tout ça ? Qu'est ce que je dois faire alors ?

Hitch pose alors une de ses mains sur sa propre poitrine.

Hitch : Laisse ton cœur te guider et choisis en conséquence… C'est tout ce que je peux te dire… 

Elle observe à nouveau ses mains puis les colle contre sa poitrine.

Emoni : Mon coeur ?