Le prix d’un seul geste

"Splotch ! Splotch ! Splotch ! "

« Putain. »

Le mot jaillit d'entre mes dents serrées, s'échappant tel le son s'échappant, raillé, d'un instrument mal huilé et bien trop obstrué. Mon besoin d'évacuer mon stress submergea momentanément mon envie de me taire, voulant garder des forces pour des actions bien plus utiles, mais l'émotion prenant brièvement le pouvoir face à la logique.

La voix est rauque, hachée par ma respiration chancelante, usée par la fatigue que je ne peux qu'encaisser. Mes jambes martèlent la boue alors que je me déplace, usant de forces que je ne connaissais pas pour pousser le plus loin sans perdre de temps, mes semelles glissent à chaque pas, me faisant presque tomber, seul la situation et l'adrénaline provoquée par celle-ci me permettant de me maintenir debout pour la ligne droite que je me dois de suivre. 

Je cours. Je m’arrache presque du sol à chaque pas qui s'imprime dans le mélange de terre et d'eau. Je passe d'un environnement à l'autre sans regarder derrière moi, traversant la forêt avec la vitesse que seule la peur peut donner. L'air m’écorche les poumons, à force d'entrer et de sortir incessamment, ma gorge sèche et irritée.

Je respire tel un animal traqué, pris entre la peur et l’épuisement, ce qui décrit plutôt bien ma situation actuelle.

J'en ai quasiment le souffle coupé à force d'user de mes poumons et de mes jambes jusqu'à leurs limites, luttant pour inspirer profondément, mais je ne peux me permettre de m'arrêter.

Pas même quelques secondes.

Car, derrière moi, ne se trouve que l’enfer.

Mais pas un enfer de furies et de flammes, mais celui du lourd silence, du prédateur qui attend, guettant sa proie, tapi dans l'ombre.

Derrière moi, il n’y a ni cris, ni pas de précipitation, seulement un calme plat, aucun bruit, ni d'oiseau, ni de feuilles, le silence. Un silence bien trop dense pour être vide ou naturel, un silence habité, rampant, qui s’étire comme une ombre affamée. 

Le silence ne me dérange pas, ce n'est pas la peur de celui-ci qui me pousse à fuir, mais celle du froid, le froid qui imbibe ce silence glacé, qui me suit, qui s’accroche à mes pas comme une main invisible, celle d’un danger trop rusé ou expérimenté pour se faire voir ou entendre, un tentacule, non, des tentacules, d'invisibles mains se rapprochant inexorablement. 

Le silence est pire que le bruit. Rien. Pas un cri, pas un éclat de voix. Juste une sensation. Comme si la forêt elle-même retenait son souffle. Comme si elle m'avertissait de l'inévitable.

Mais ce n'est pas le cas, car je m'en tirerai, coute que coute. 

Je cours, mais je sais que ce n’est pas quelques mètres qui me sauveront, pas avec ces types-là. Derrière moi, un calme trompeur règne, chaque seconde, chaque pas, retentissant.

Je saute au-dessus d’une racine noueuse, évite de justesse un tronc éclaté par la foudre quelques secondes plus tôt, encore fumant, le feu se propageant difficilement sur l'herbe mouillée. Mes muscles brûlent, mes jambes hurlent presque. Mon dos est trempé, mon front est collé par la sueur. Chaque inspiration est un coup de couteau dans mes poumons, chaque expiration une lourde irritation dans la gorge. 

Et malgré tout… je les sens. 

Ils me suivent. Sans un mot, sans un froissement de feuille. Des ombres masquées, sans nom, sans visage.

Ils sont bons. Trop bons. 

Je frissonne lorsque mes sens détectent une brusque intention de tuer. Instinctivement, je plonge à terre.

L'aiguille me frôle la nuque avant de se planter dans un arbre à l’endroit où se trouvait ma tête une demi-seconde plus tôt. Aucun sifflement, même pas un vague bruit de lancer, rien...

Putain.

Je me redresse en une roulade, les mains couvertes de boue, et repars aussitôt. Des fougères hautes commencent à me fouetter les hanches, les ronces à s'agripper aux tissus sur mes jambes, alors que l'écorce des troncs défile sous mes yeux. Le vent est chargé d’humidité et d’ozone, le ciel au-dessus se referme lentement comme une gueule de loup.

Il va pleuvoir.

Mais bordel mais qu'est-ce qu'on s'en fout ! C'est pas le moment d'admirer les nuages !

Allez, allez, allez, réflechisn ! Il doit bien y avoir un truc que tu peux faire !

Un jutsu à balancer, une technique pour les semer, un tour de passe passe pour te dissimuler, quelque chose !

Il pleut déjà ? Ou bien c’est moi qui transpire la peur ?

Le rouleau est pressé contre ma poitrine sous ma veste, tel un parasite, rappelant silencieusement ma situation actuelle. J’ai envie de le jeter, de le déchirer, de le brûler ici même ou de l'envoyer bouler dans un buisson à côté.

Mais non, je le serre plus fort.

C'est trop tard... Trop tard.

Ce rouleau, je l’ai pris, je l'ai ramassé, je l’ai touché.

Je suis marqué. 

Dans le futur, je me rappellerai de ne plus me soucier de ce qui ne me regarde pas. 

Si j'ai encore un futur devant moi.

J'aurai beau faire ce que je veux avec ce torchon, il est lié à moi autant que je suis lié à lui maintenant, et ils ne reculeront rien pour l'arracher sur mon cadavre. Et ils ne s'arrêteront pas avant que je sois six pieds sous terre, que j'aie lu ce maudit bout de papier ou non, qu'ils le récupèrent ou non, tout cela n'a pas d'importance, ma mort est leur priorité. 

Je glisse presque sur un tapis de feuilles mortes, courant encore quelques secondes avant de prendre un jutsu futon, m'envoyant m’écraser contre un rocher moussu à quelques mètres de là.

Mon épaule proteste, alors que je l'entends claquer dans un bruit qui laisse peu de place à l'imagination.

Je sens du sang couler lentement sur ma lèvre. L'ai-je mordue sans m'en rendre compte ? Me suis-je blessé en tombant ? Pas le temps de se poser ce genre de questions. 

Je prends mon bras au niveau du poignet avec l'autre main, avant de tirer d'un coup sec.

Je retiens un cri alors que je ressens et entends à nouveau le même bruit que précédemment, ma mâchoire grinçant alors que je serre des dents, avant de me redresser et de repartir. Je ne sais pas si c'était efficace, mais c'est tout ce que je peux faire pour le moment.

Ma main tremble. Est-ce sous l'effet du stress ? Ou bien de la douleur ? Je n'en sais rien... 

Rien.

Rien, c'est tout ce que je sais actuellement. Le silence de la forêt tel un gouffre immense.

Mais ils sont là. Tout autour. Des prédateurs, cachés dans l'ombre.

Je tends la main alors que je continue à courir. Mon chakra pulse. Doucement.

Je le sens se répandre lentement dans l’air moite, trop lentement, s’échappant par ma peau, telle de la sueur, sortant de ma bouche et de mes narines, tel un simple souffle jeté dans l'air, un simple soupir. 

Mais ce n'est pas le cas, je suis en mauvaise posture, la pire dans laquelle j'ai pu finir de toute ma vie.

Le cancer en phase terminale de ma vie précédente compte... ou bien était-ce une tumeur ?

Quoi qu'il en soit, ma situation est terrible, certes, mais je ne me laisserai pas enterrer si facilement.

Mon souffle ralentit, j'inspire et j'expire petit à petit, forçant ma respiration à se calmer malgré l'envie de souffler alors que je continue ma course de forcené, mais j'ai besoin de cela, pour ma dernière carte en stock, j'ai besoin d'être calme, de contrôler ma respiration.

Je peux le faire, je le sais.

Je les entoure. 

Je me répands, lentement, dans la forêt, et rien n'arrête cette partie de moi.

La brume Yamizu glisse sur mes talons.

Discrète comme à son habitude, elle glisse, elle s’insinue, elle se répand. Un doux et invisible filet de soie grise rampant sur mes pas, allant dans toutes les directions, se développant dans la végétation, glissant sur les racines et les pierres, se posant tranquillement sur les branches.

Inodore. Subtile. Un vague murmure dans le lointain.

Tu veux te la jouer discret ? On sera deux à jouer alors.

Je crache doucement, rajoutant une couche de plus de mon venin à la brume, colorant ce filet invisible, cette caresse mortelle. Un gaz que je suis le seul à pouvoir aimer.

"Plus vite... plus" me dis-je. Mais je suis à bout, je ne saurais aller plus vite, aller plus loin, ou distiller mon poison plus rapidement et intensément.

Foutu corps d'enfant.

Si seulement j'avais eu de la chance de grandir un peu, je ne me coltinerai pas une endurance pareille.

Je tourne brusquement, plongeant à nouveau entre les arbres, brisant quelques branches sur mon chemin. Un kunai vole, je l’entends à peine, je passe sous, puis j’escalade un talus abrupt. La roche me glisse sous les doigts. Je m’écorche. Je grimpe quand même. Mon sang, ma sueur, mon venin. La même chose, maintenant.

Je saute de nouveau, atterrissant entre deux rochers. Je me cache quelques secondes, usant de ce bref temps pour reprendre une bouffée d'air avant de repartir.

La brume se lève autour de moi, plus visible, plus épaisse, elle en est presque belle.

Et mortelle avec, j'en ai la confirmation alors que je vois un corps tomber non loin lors de ma course, un oiseau, venant de s'arreter brusquement en plein vol.

Je ne suis pas encore au quartier général. Pas même proche.

C'est le moment, qu'importe qu'ils puissent voir ma brume ou non, tant que cela est assez pour m'offrir du temps, que ce soit par la mort ou la diversion.

Je mets la main dans une poche et en ressort un kunai, le métal froid dans ma paume, j'essuie la sueur sur mon front d'un revers sec du dos de la main.

Ils sont là. Très proches. Trop proches.

Ils ont arrêté de me suivre, nan, ils se sont simplement brièvement arrêtés. Ils doivent commencer à percevoir ma brume, que ce soit à l'oeil nu ou via la détection de chakra. Ou du moins, de se montrer.

Je m’agenouille dans un énième repli de terrain, entre quelques rochers, dissimulés derrière un rideau d’arbustes détrempés. Les fougères me caressent les jambes. Ma main cherche à l’aveugle dans mes vêtements, avant d'en ressortir un rouleau. 

Je l'ouvre et applique une pincée de chakra avec ma main sur le sceau, tout en faisant garde à ne pas en envoyer trop, évitant de me faire repérer trop vite, celui-ci s'ouvre de suite dans une petite explosion de fumée.

"Il faut vraiment que je trouve des sceaux plus discrets"

Je pense avant de sortir les trois bouts de papier, attachant en un éclair chacun d'entre eux à un kunai, il ne m'en reste que quatre.

Trois parchemins explosifs, quatre kunai.

C’est amplement suffisant.

Je me remets à courir avant de lancer un premier kunai vers la gauche, celui-ci atterrissant dans le creux d’un tronc, cet endroit sonnera comme une erreur, il n'y a aucune raison que je pense que quelqu'un soit caché dans cet endroit et il est à l'opposé d'où devraient se situer mes poursuivants.

Cela ne montrera qu'une seule chose, une désespérée et très mauvaise tentative de diversion.

Ils mordront.

Une fois le kunai figé dans le bois, il ne faut que quelques secondes avant que l'explosion se produise.

BOOM !

L’explosion crache une soudaine lumière soudaine dans la végétation sombre et verte, envoyant des débris dans toutes les directions.

Je bouge sans attendre.

Je laisse encore quelques secondes pour que la brume s’étende encore un peu plus. Ensuite j'envoie les deux autres kunai, l'un à ma droite et l'autre derrière moi.

Bientôt, les explosions retentiront de nouveau pour briser ce silence mortel.

 C'est avant cela que j'agis, me cachant quelques secondes derrière un arbre alors que j'inspirer et expire lentement.

Je me concentre, évacuant toute pensée et toute distraction alors que je me focusse sur une zone de mon corps en particulier, sentant mon chakra l'inonder alors que je pompe dans mes réserves de plus en plus vides, envoyer les restes de mon énergie dans toutes les couches supérieures de mon épiderme.

Les effets prenant de longues secondes à se faire ressentir, ce genre de processus est lent, très lent, un peu trop pour ce genre de situation à mon gout, je perds momentanément le contrôle sous le stress avant de le reprendre, mettant en pratiques ces heures perdues à apprendre la respiration et la médiation.

Ma peau palpite, picotant comme si on y passait de l'eau légèrement trop chaude, mon chakra ondule sur et sous mes pores, passant dans les nerfs et dans les couches, inondant l'épiderme.

Le premiers signes se voient sur ma main. Celle-ci commençant légèrement à perdre de sa superbe, le blanc le devenant encore plus, pâle maladif avant d'aller encore plus loin, quelque chose de non naturel, avant d'aller au-delà du concept de blanc de peau. Comme se décolorant petit à petit, avant de prendre une teinte transparente.

Enfin ce serait ce que je dirai si je ne savais pas la vérité, elle ne prend s pas une teinte transparente, elle ne fait que prendre la teinte du rocher proche d'elle, celle-ci étant déjà grandement disparue, alors que le reste de mon corps et de mes vêtements font de même. 

Les vêtements sont toujours le plus compliqué, les plus longs, les plus difficiles et les plus couteux en énergie à transformer.

Mais je ne pense pas avoir le temps de les enlever, donc je suppose que mes réserves de chakra devront endurer et mettre les bouchées doubles

Je suis en partie soulagé alors que mon corps absorbe peu à peu complètement la légère lumière qui transparait encore dans ces bois, mimant les textures, épousant la courbe des ombres, certaines parties se brunissant lorsque proche des arbres, d'autres grises pour les pierres, le bas couleur de la boue et de la brume, mon corps devant un mélange disparate de gris, vert, brun et noir.

Je ne suis plus ici. Plus maintenant.

Je frissonne légèrement, alors que tous mes sens me hurlent dessus, me faisant ressentir la présence maintenant glissante à mes côtés.

Son chakra me frôle, me caresse et me lèche presque.

Je le sens, proche de moi, une lame cherchant une gorge, une épée de Damocles au-dessus de moi.

Heureusement que j'ai eu quelques millisecondes pour dissimuler mon chakra...

Un glissement résonne derrière moi, cachée par l'arbre avant de brouiller ma vision. Une silhouette passe en un coup de vent, trop rapide, je ne le vois presque pas.

Le second ANBU atterrit non loin, ses pieds faisant un bruti flasque lorsqu'ils entrent en contact avec la boue proche de moi. Son masque est à m'effigie d'une sorte de ron gueur, une souris ?

Il ne fait pas un geste, il évalue, il scrute, il attend.

BOOM.

La deuxième explosion arrive enfin. Il bondit par réflexe, je peine à me retenir de ne pas faire de même. 

C’est à ce moment là, ce moment de surprise de leur, que je bouge.

Je rampe lentement, millimètres par millimètres, avec la vitesse et la précision des instruments d'un chirurgien opérant un cœur, sachant que ma vie en dépend tout autant, jaugeant, avançant, dans une lenteur qui brise mes nerfs, fais couler de la sueur, me fait presque claquer des dents sous le stress.

Je le ressens, leur intention de tuer, elle maintenant ouverte, pleine, remplissant toute la zone. Je sais qu'ils le font exprès, attendant une branche qui craque, un sursaut, un souffle expiré. Pour bondir.

Je me déplace entre les fougères, mes mains effleurant la mousse. Mon chakra pulse dans ma langue, je me sens épuisé, peureux, je me retiens de crier sous la pression. Mes sens sont comme décuplés, subissant toute l'horreur de ce qui m'entoure, je ressens l’humidité qui me claque les os, le métal près à tomber sur ma nuque, le sang proche me rappelant que le mien est près de couler dans les minutes qui viennent.

Non

Non ! non ! non ! non!

Tu ne saigneras pas, tu ne mourras pas.

Calme toi.

Je suis invisible, je suis caché dans la végétation, je suis caché dans la brume, et la brume est moi.

Une odeur imperceptible, absente du nez d'humain normaux, mais présente pour moi, me touche les narines, mon poison se répand, il se diffuse.

Une autre forme passe au-dessus de moi, un pied touche le sol à quelques centimètres de mon crane, manquant de m'écraser le visage dans la boue.

Je l’entends repasser derrière un arbre, alors que les deux autres formes continuent de se déplacer tout autour, tout en continuant de scruter tout autour d'eux, prêts à faire tomber les têtes.

Trois, ils sont trois ANBU de ce côté.

Ils croient m’encercler, que je suis encore entre les rochers, ou bien entrain de fuir à l'opposé de l'endroit où j'ai envoyé ma première explosion.

Le dernier sceau craque finalement, explosant proche de nous dans une tornade de lumière et de sons.

Confusion et encore plus de méfiance.

Je m'en rends compte quand je les vois se déplacer de manière plus erratique et mesurée, semblant éviter certaines zones du bois.

Soit, ils ont eu peur que j'aie miné l'endroit, soit ils ont découvert la brume et se rendent bien compte qu'ils ne doivent pas s'en approcher.

Quoiqu'il en soit, la distraction a fonctionné. 

Je me glisse entre deux racines, ma taille étant pour une fois une bénédiction, je me déplace de plus en plus bas. Prenant une pente terre boueuse, donnant sur une cavité que j’ai repérée plus tôt. Un trou béant coincé entre deux-trois rochers et une souche ancienne.

Je me glisse dedans. Prenat une sorte de sentier remplis de ronces et d'ortilles.

Les ombrent autour courent, se déplaçant dans tous les sens. Ils se croisent, se font de silencieux signes entre eux.

Je me retiens de grogner alors que je commence à ramper sur et sous l'étendue de ronces devant moi, un chemin vers la sortie.

Peu importe ce qu'il y a dans ce parchemin, une fois que j'ai remis ce torchon aux jonin en charge, ils ont intérêt à me filer un jour de congé en compensation pour cette longue journée de merde

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Note de l'auteur

J'ai essayé de rendre les anbu aussi menaçants, puissants et à craindre que je me les imagine.

Je trouve personnellement que dans l'oeuvre originale, leur puissance et leur potentiel est un peu gâché ou assez peu mis en valeur.

Ce qui est ennuyant car ce sont littéralement les ninjas d'élite d'un village.

Ou peut-être est-ce juste le fait que c'est un Shonen qui les rends moins importants à mesure que l'hsitoire avance ? Spécialement dans Shippuden...

Après tout, même Zabuza est plus très impressionnant une fois qu'on est dans Shippuden, même seulement à la moitié de l'intrigue.