Le silence assourdissant qui avait suivi les paroles de Monsieur M s'effrita comme une vieille pierre sous le poids des murmures. Dans la grande salle, l'air vibrait encore de l'écho des portails, une odeur âcre de métal brûlé flottant comme un spectre invisible.
Les torches vacillaient, projetant des ombres difformes sur les murs, et les élèves de Nymeria – ceux qui avaient refusé les tunnels – fixaient les nouveaux venus avec un mélange de méfiance et de curiosité malsaine. Qui étaient-ils ? D'où sortaient-ils ? Et pourquoi leurs yeux portaient-ils cette lueur étrange, comme s'ils avaient vu l'envers du monde ?
Lira ajusta ses lunettes d'une main tremblante, ses lèvres pincées alors qu'elle observait un garçon au regard hagard tituber hors du premier portail. "Ils… ils ont l'air perdus," murmura-t-elle, plus pour elle-même que pour quiconque.
"Perdus ?" Jace ricana, son briquet claquant nerveusement entre ses doigts. "Regarde-les, Lira. Ils ont l'air de revenir d'un cauchemar." Il jeta un coup d'œil vers les armures alignées contre les murs, leurs silhouettes massives semblant absorber la lumière. "Ou peut-être qu'ils savent quelque chose qu'on ignore."
Tarek, bras croisés, grogna sans quitter les nouveaux arrivants des yeux. "S'ils veulent causer, qu'ils parlent. Sinon, qu'ils dégagent de mon chemin."
Sa voix résonna, grave et autoritaire, mais un frisson dans ses épaules trahissait une tension qu'il ne voulait pas admettre.
Zelio, adossé contre un pilier, ses boucles blondes dansant sous la lueur des flammes, laissa échapper un rire sec. "Ah là là, Tarek, toujours aussi subtil. Peut-être qu'ils viennent juste nous annoncer qu'on est tous morts et qu'on ne le sait pas encore." Son sourire narquois vacilla quand une fille aux vêtements déchirés passa près de lui, ses poings serrés et son souffle court.
La foule des nouveaux arrivants commença à se disperser, certains s'effondrant au sol, d'autres échangeant des regards furtifs. Puis, une voix tranchante coupa le brouhaha. "Vous êtes de Nymeria, pas vrai ?"
Tous les yeux se tournèrent vers l'origine du son. Un garçon s'avança, grand, musclé, ses cheveux bleu foncé ébouriffés tombant en mèches désordonnées sur un visage taillé dans la pierre. Koreyz. Il dégageait une aura intense, presque écrasante, comme si l'air lui-même ployait sous son poids.
Pourtant, son regard était calme, d'une profondeur insondable, et quand il croisa celui de Tarek, ce dernier décroisa les bras malgré lui.
"Ouais," répondit Jace avant que Tarek ne puisse ouvrir la bouche. "Et toi, t'es qui ? Un des petits jouets de Monsieur M ?"
"Ouais," répondit Jace avant que Tarek ne puisse ouvrir la bouche. "Et toi, t'es qui ? Un des petits jouets de Monsieur M ?"
Un silence glacial s'abattit. Koreyz tourna légèrement la tête, son regard pesant comme une enclume, mais ce fut Keyron qui réagit. Un sourire lent et sinique étira ses lèvres, dévoilant une élégance froide qui contrastait avec la poussière maculant son manteau noir. Il fit un pas en avant, ses bottes claquant doucement sur le sol, et inclina la tête juste assez pour que ses yeux sombres capturent ceux de Jace comme un prédateur fixant une proie.
Jouets ?" répéta-t-il, un sourire froid aux lèvres. "Intéressant...Un mot audacieux pour quelqu'un dont la vie ne tient qu'à un fil. Je pourrais m'en offusquer… mais disons que, pour l'instant, je trouve ça amusant." Il marqua une pause, laissant le silence s'épaissir, ses doigts effleurant le bord de son manteau comme s'il caressait une arme invisible.
Sans tarder, Jace rétorqua. "Hum! Je vois que tu prends la défense de ton pote, je connais les gars dans ton genre: des grandes paroles, mais se cachent dès que c'est une question de vie ou de mort, c'est pathétique." Un sourire fier éclaira son visage tandis que les autres observaient en silence
"Haaa" soupira Keyron. " Ça m'irrite d'entendre de telles inepties. Mes mots ont plus de poids que ta vie, petit chiot. Prie pour que je continue à les choisir avec soin."
Une aura bleuâtre, presque invisible, jaillit autour de lui, répandant un froid intense qui fit vaciller les flammes des torches.
Le cœur de Jace manqua un battement. Une peur indescriptible s'enroula autour de sa gorge, froide et gluante, sa respiration devenait de plus en plus lourde, comme si des doigts spectraux serraient son souffle. Son briquet échappa à ses doigts tremblants et heurta le sol dans un cliquetis métallique qui résonna fort dans la salle. Ses yeux s'écarquillèrent, incapables de se détourner de Keyron, dont le sourire restait figé – un masque d'élégance cruelle qui promettait des horreurs.
Autour de lui, les autres sentirent le même frisson ramper sous leur peau. Lira recula d'un pas, ses lunettes glissant complètement sur son nez, ses mains cherchant instinctivement quelque chose à quoi se raccrocher. Zelio, pour une fois, perdit son rictus narquois, ses boucles blondes semblant se figer dans l'air lourd. Même Tarek, massif et imposant, déglutit audiblement, ses poings serrés trahissant une tension qu'il ne pouvait masquer.
Keyron ne bougea pas davantage. Il n'en avait pas besoin. Ses mots avaient planté une graine de terreur qui germait déjà dans leurs esprits, et quand il reprit, sa voix glissa comme une caresse empoisonnée. "Mais je suppose qu'ici, nous sommes tous… des invités malchanceux, n'est-ce pas ? Comme vous, je présume." Il inclina la tête, un éclat d'amusement dansant dans ses yeux, mais personne n'osait plus répondre.
"M..malchanceux ?" intervint une fille aux tresses serrées, prenant son courage sa voix tremblante mais déterminée. "V..vous venez d'où ? Ces portails… qu'est-ce qui se passe ?"
Koreyz échangea un regard avec Keyron, puis haussa les épaules, comme si la réponse était à la fois évidente et inutile. L'atmosphère se détendit automatiquement, Keyron prit la parole "On était dans une salle, comme celle-ci: des murs de pierre, des armures, une voix qui promet des jeux et des artefacts. Et puis…" Il marqua une pause, ses poings se serrant imperceptiblement. "Les murs ont tremblé, et on s'est retrouvés aspirés ici."
"Un instant là-dedans, l'instant d'après ici," ajouta-t-il, son ton léger masquant une pointe d'acidité. "Comme si quelqu'un jouait avec des dimensions pour s'amuser. Vous n'avez pas senti les secousses, vous ?"
Lira cligna des yeux, ses lunettes glissant encore sur son nez. "Des dimensions ? Tu veux dire… qu'on était tous dans des salles identiques mais différentes ?"
"Ça expliquerait pourquoi ils ont l'air aussi paumés," marmonna Jace, ramassant son briquet. "Mais pourquoi nous réunir maintenant ?"
"Pour le spectacle," glissa une voix nouvelle, douce comme du miel. Elios s'avança, seul, détaché des autres. Ses cheveux gris argent scintillaient sous la lumière des torches, encadrant un visage d'une beauté presque irréelle. Ses yeux, d'un vert pâle et perçant, balayèrent la foule avec une intensité calculée. "Monsieur M ne semble pas du genre à laisser ses pions s'ennuyer. Réunir les lycées, mélanger les survivants… ça sent la mise en scène. J'ai bien l'impression que tout ça n'est pas réel..." Dit il l'air pensif
Tarek plissa les yeux. "Et t'es qui, toi encore, pour jouer les malins ?"
Elios esquissa un sourire charmeur, inclinant la tête avec une fausse modestie. "Juste un observateur. Mais toi, grand gaillard, tu devrais peut-être poser moins de questions et ouvrir plus les yeux. Ces armures, par exemple…" Il désigna d'un geste élégant les silhouettes métalliques. "Certains d'entre vous pensent qu'elles bougent, non ?"
Un murmure nerveux parcourut les élèves de Nymeria. La fille aux tresses serra les dents, jetant un regard au garçon en sueur près d'elle. "On… on a vu des trucs," admit-elle à contrecœur. "Quand certains ont essayé de forcer les portes, elles ont… frémi."
"Frémi ?" Keyron haussa un sourcil. "Tu veux dire qu'elles sont vivantes ?"
"Je veux dire qu'elles ont bougé," corrigea le garçon à la suie, ses yeux sombres lançant un défi à Keyron. "Pas beaucoup, mais assez pour qu'on recule. Elles nous regardent, j'te dis."
Koreyz croisa les bras, son silence pesant plus lourd que bien des mots. "Dans notre salle, rien n'a bougé," dit-il enfin, sa voix basse grondan. "Mais on a entendu des bruits. Des cliquetis, comme du métal qui se réveille."
"Des cliquetis ?" Jace ricana, mais son rire sonnait faux. "Vous vous foutez de nous, là ? Ce sont des statues, pas des monstres."
"Et pourtant, vous avez peur," glissa Elios, sa voix douce glissant entre eux. Il s'approcha de la fille aux tresses, son sourire s'élargissant légèrement. "Toi, par exemple… comment tu t'appelles ?"
Elle hésita, ses doigts serrant son poignet plus fort. "Nylie," répondit-elle enfin, méfiante.
"Nylie," répéta Elios, son ton caressant le nom comme une mélodie. "Tu as vu ces armures bouger, n'est-ce pas ? Tu ne mens pas. Mais les autres…" Il jeta un regard circulaire, ses yeux brillant d'une lueur vicieuse. "Ils doutent. Ils pensent que vous inventez des histoires pour vous donner de l'importance."
"Pas vrai," grogna Tarek, avançant d'un pas. "On a juste pas envie de flipper pour rien."
"Ohhww, mais si c'est rien, pourquoi ne pas vérifier ?" Elios pivota vers Nylie, son sourire devenant un piège subtilement tendu. "Imagine, Nylie. Si elles bougent vraiment, tu pourrais prouver à tout le monde qu'ils ont tort de se moquer. Et si elles ne bougent pas… eh bien, tu auras montré ton courage. Tout le monde y gagne, non ?" 'elles n'a pas l'air très maligne, j'pense que ça devrait suffire' pensa Elios.
Nylie fronça les sourcils, son regard vacillant entre Elios et les armures. "Vérifier ? Tu veux dire… m'approcher ?"
"Juste un pas ou deux," assura Elios, sa voix enrobée de miel empoisonné. "Rien de bien méchant. À moins que tu ne préfères rester là, à te demander si elles vous écraseront tous pendant que vous dormez ?"
Les autres retinrent leur souffle. Koreyz plissa les yeux, un muscle tressautant dans sa mâchoire, mais il ne dit rien. Keyron, quant à lui, esquissa un sourire amusé, comme s'il regardait une pièce de théâtre se dérouler. Jace et Zelio échangèrent un regard, incertains, tandis que Lira secouait la tête, ses lunettes glissant encore.
Nylie déglutit, ses mains tremblant légèrement. Puis, sous le poids du regard d'Elios – calme, charmeur, mais vicieux comme un serpent –, elle fit un pas hésitant vers l'armure la plus proche, son ombre s'étendant sur le sol comme une offrande à l'inconnu.