Chapitre 59 : Les Cendres du Passé

Sept jours s'étaient écoulés depuis la chute d'Arcanis et la fin de la guerre qui avait ravagé la Région de Fer.

Les villages dévastés se reconstruisaient lentement, les débris balayés par les efforts combinés des Champions de Fer, des Capitaines, de la Légion d'Obsidienne et des nombreux volontaires. Dans chaque territoire, les ruines étaient remplacées par des maisons solides, les routes fissurées retrouvaient leur forme d'antan, et les cendres qui recouvraient les champs laissaient place à de nouvelles pousses, symboles d'un renouveau.

Mais au cœur de cette renaissance, une ombre planait encore.

Dedem.

Son corps ne répondait plus, sa respiration était lourde, son état empirait avec le temps.

Centurion, silencieux et immobile, se tenait devant sa tente improvisée. Il ne bougeait presque pas, attendant le moment où Dedem ouvrirait enfin les yeux. Il n'avait rien dit à personne, mais il avait refusé de quitter le camp, restant toujours à proximité, comme si son instinct lui dictait qu'il devait être là à son réveil.

Troisième jour - Réveil de Koko

Koko ouvrit enfin les yeux après trois jours d'inconscience, mais ce fut un réveil brutal. Son corps était brisé, ses os fracturés, ses muscles déchirés. Chaque mouvement était un supplice.

Des bandages recouvraient tout son corps, et il devait se déplacer à l'aide de béquilles en fer pur forgées spécialement pour lui par les artisans de la Légion. Mais Koko, fidèle à lui-même, ne laissait rien transparaître. Il se contentait de soupirer en grognant de temps en temps, refusant de se plaindre.

Il était accompagné par Lumiel, qui ne l'avait pas quitté depuis son réveil. Au départ, Koko s'était méfié d'elle - une femme capable de lire le passé d'un simple toucher... ça ne l'inspirait pas du tout. Mais peu à peu, à force de conversations et d'échanges involontaires, une étrange complicité s'était installée entre eux. Koko, bien qu'il gardait une certaine distance, se surprenait parfois à apprécier sa présence. Lumiel, quant à elle, semblait s'amuser du tempérament grognon de Koko, lui lançant parfois des piques subtiles qui le faisaient bougonner encore plus.

Pendant ce temps, Kael'Ryn, Kenza et Aergirla avaient quitté le camp principal pour apporter leur aide à un village en ruine. Kenza, bien qu'encore préoccupée par Dedem, se donnait à fond pour aider les habitants à reconstruire, évacuant les débris et apportant du réconfort aux survivants.

Lyria et Célestion, eux, restaient au chevet de Dedem.

Cinquième jour - Un mal inconnu

Au cinquième jour, l'état de Dedem s'aggrava brutalement.

Une chaleur intense commença à irradier de son corps, brûlant le sol sous lui. Même allongé, il dégageait une puissance incontrôlable. Le simple fait de s'approcher de lui devenait difficile, l'air devenant plus lourd autour de son corps inconscient.

Lyria fit tout son possible pour l'aider, utilisant sa magie de l'eau dorée pour refroidir son corps en le maintenant sous une barrière d'eau en suspension. Elle déposait aussi des parchemins de guérison directement sur sa peau, infusés d'une eau sacrée capable d'absorber les excès de magie.

Mais rien ne semblait fonctionner.

Chaque heure qui passait, la chaleur augmentait encore, et même Célestion, qui pourtant était un Dragon, ressentait une étrange pression qui le mettait mal à l'aise.

Lyria ne dormait presque plus, passant ses nuits à surveiller Dedem, les yeux cernés par la fatigue et l'inquiétude.

Sixième jour - Le point critique

Le sixième jour, le phénomène s'intensifia.

Dedem brûlait encore plus, son corps semblait se transformer, mais personne ne savait en quoi. Sa magie était incontrôlable, pulsant comme un cœur instable.

Lyria et Célestion tentèrent plusieurs méthodes pour apaiser son état : des rituels, des barrières d'énergie, des incantations de purification... rien ne fonctionnait.

Le sixième jour, Centurion franchit enfin l'entrée de la tente.

Il se posta près de Dedem, silencieux, et posa une main sur son torse. Il sentait l'énergie qui pulsait sous ses doigts, brute, incontrôlable, imprévisible.

« Qu'est-ce qui t'arrive... Dedem ? » murmura-t-il.

Lyria, de son côté, ne disait rien. Elle avait l'impression que quelque chose était sur le point de se produire.

Septième jour - Un miracle... ou une fin ?

Le septième jour, le camp entier fut plongé dans un silence anormal.

Dedem cessa subitement de bouger.

La chaleur s'arrêta.

Le calme revint.

Lyria et Célestion échangèrent un regard inquiet.

Puis, Dedem... disparut.

Son corps s'effaça, absorbé dans un vide doré.

À l'intérieur de son esprit...

Dedem se retrouva seul, flottant dans une mer infinie de lumière dorée et blanche. Il était plongé dans une aura céleste, ressentant une présence immense au-dessus de lui.

Puis, une figure imposante de trois mètres apparut devant lui.

Un être d'une pureté absolue.

Sa silhouette était d'un blanc éclatant, sa présence sacrée, son regard transcendait le temps lui-même.

Dedem, paralysé par la stupeur, souffla, les yeux écarquillés :

« Omégion... ? »

Mais non.

Ce n'était pas Omégion.

« ...Alpharion. »

La voix résonna comme un écho céleste.

Elle ne portait aucune émotion. Seulement une puissance infinie.

Alpharion fixa Dedem d'un regard indescriptible, puis parla d'une voix soutenue, presque irréaliste.

« Maintenant que tu as découvert la vérité sur ta lignée... il est temps de partir. L'Équilibre ne se trouve pas qu'ici. »

Dedem fronça les sourcils.

« Partir... où ? »

Il voulut lui poser des questions, savoir ce qui allait se passer, mais Alpharion ne répondait pas. Il parlait comme un être programmé, répétant des phrases prédéterminées.

Comme s'il ne faisait que suivre un plan.

Mais alors, quelque chose clocha.

Juste avant de disparaître, Alpharion baissa la tête vers lui et déclara :

« Méfie-toi d'Omégion. »

Dedem ressentit une étrange sensation. Pourquoi Omégion ? Pourquoi maintenant ?

Alpharion tendit une main, et une orbe de lumière verte se matérialisa devant Dedem.

Il la fixa, hésitant... puis tendit les doigts.

Dès qu'il la toucha, elle fusionna avec son être.

Il sentit une vague d'énergie nouvelle, mais surtout... un poids sur son cœur.

« Tu te rapproches de la fin. »

Les derniers mots d'Alpharion.

Avant qu'il ne disparaisse définitivement.

Puis tout s'effondra.

Et Dedem rouvrit les yeux.

Le matin du huitième jour... Dedem se réveilla enfin.

Le matin du huitième jour, la lumière filtrait à travers les trous du tissu de la tente, projetant des rayons dorés sur le sol poussiéreux.

Dedem ouvrit lentement les yeux.

Son corps était lourd, chaque muscle semblait peser une tonne. Il tenta de se relever, mais une douleur sourde traversa sa poitrine, lui rappelant brutalement qu'il n'était pas encore remis de la bataille.

Après plusieurs secondes d'effort, il réussit au moins à se redresser, s'adossant contre un tas de coussins posés derrière lui. Il inspira profondément, sentant enfin l'air dans ses poumons sans cette sensation d'écrasement.

Puis son regard tomba sur son propre corps.

Son armure... elle avait changé.

Elle était différente, mais pourtant, il savait qu'il s'agissait de la sienne. Son design plus raffiné, des détails dorés sculptés avec une précision incroyable, des symboles qu'il ne comprenait pas encore gravés sur les plaques. Une chose était sûre : elle ne l'avait pas quitté, même pendant son inconscience.

"Tu es toujours là, hein ?" murmura-t-il en posant une main dessus. Il ne savait pas si c'était un signe... mais cette armure, elle était une partie de lui.

Ses yeux dérivèrent vers le sol, où reposaient son épée et son bouclier. Ils avaient été soigneusement déposés à ses côtés, comme s'ils veillaient sur lui.

Il tendit une main tremblante et attrapa l'épée par le manche, la levant juste assez pour observer son reflet dans la lame.

Des yeux verts.

Ils brillaient d'une intensité surnaturelle, une lueur étrange, différente de son ancienne apparence.

Dedem laissa échapper un soupir, puis il retira ses gantelets pour observer ses mains nues.

Il n'en revint pas.

Aucune cicatrice.

Elles avaient toutes disparu.

Ces marques qu'il portait depuis des années, témoins de ses combats, de ses épreuves... effacées.

C'était comme s'il avait reçu un nouveau corps.

Mais cela ne changeait rien. Il savait qu'il ne devait pas se fier à cette apparente renaissance.

Il reposa son épée, laissa ses doigts glisser sur son front en fermant un instant les yeux. Puis, un flot de souvenirs revint brutalement.

Le Warden.

Aldaric.

Arcanis.

Il était toujours en vie.

Dedem ouvrit de nouveau les yeux et fixa le plafond percé de la tente, l'air pensif.

Pourquoi Arcanis ne l'avait-il pas tué ? Il aurait pu, à de nombreuses reprises.

Et puis... il y avait Aldaric.

Dedem se souvenait encore du moment où il avait vu un éclat de réflexion chez lui. Ce type n'était pas qu'une brute bestiale. Il calculait, il analysait. Il n'avait pas attaqué Dedem quand il était incontrôlable. Il aurait pu, pourtant.

Et encore plus étrange...

Il avait accepté une alliance.

Dedem passa une main dans ses cheveux, perplexe.

"Pourquoi... ?"

Il n'avait jamais imaginé un jour obtenir son accord, encore moins après avoir combattu contre lui. Il était évident qu'Aldaric n'agissait pas uniquement pour son propre compte. Il avait compris quelque chose.

Mais quoi ?

Dedem secoua légèrement la tête. Il n'avait pas encore toutes les réponses.

Mais il savait une chose.

Arcanis, Aldaric, leur confrontation ne faisait que commencer.

Et il devait être prêt.

Un léger grondement dans son ventre le ramena à la réalité.

Dedem soupira.

"D'abord, manger."

Il leva une main, prononçant d'une voix basse :

« Ruptura Iventarii. »

Une petite brèche de lumière apparut devant lui, et il y plongea la main.

Après quelques instants, il en ressortit une viande de Maka - une viande célèbre pour ses propriétés régénératrices, idéale pour les guerriers épuisés.

Il dévora rapidement son premier morceau, puis enchaîna sans attendre les suivants.

Il en mangea trente, accompagnant son repas de plantes magiques et de l'eau curative de Lyria, qui avait été laissée à côté de lui dans une fiole.

Il termina juste à temps.

Car à cet instant précis, une voix féminine retentit de l'extérieur.

« Je vais voir où en est l'état de Dedem. »

C'était Lyria.

Dedem s'empressa d'engloutir ses dernières bouchées.

La toile de la tente fut écartée, et Lyria entra.

Dès qu'elle posa les yeux sur Dedem, elle s'immobilisa.

Son regard bleu s'agrandit, brillant d'émotion.

Dedem, lui, s'essuya la bouche du revers de sa manche, un peu gêné. Il savait que cette réaction allait arriver, mais il ne s'attendait pas à ce qu'elle soit si intense.

Lyria serra les poings, comme si elle se retenait de lui sauter dessus. Mais elle ne bougea pas. Elle savait qu'il était encore blessé.

Finalement, elle s'avança doucement et s'agenouilla près de lui, son regard toujours figé sur son visage.

Dedem détourna légèrement les yeux.

Il savait ce qui allait venir.

Les questions.

Et elles ne tardèrent pas.

« Qu'est-ce qui s'est passé... exactement ? » demanda-t-elle, sa voix plus douce qu'il ne l'aurait cru.

Dedem resta silencieux.

Puis il répondit simplement :

« Rien. J'avais juste besoin de repos. »

Il gardait la vérité pour lui.

Omégion. Alpharion. L'orbe mystique.

Tout cela, il ne pouvait pas encore en parler.

Lyria le regarda, plissant légèrement les yeux. Elle voyait bien qu'il lui cachait quelque chose.

Mais au lieu d'insister, elle esquissa un petit sourire.

Puis, d'un geste naturel, elle approcha sa main et essuya doucement la commissure de ses lèvres.

Dedem cligna des yeux, surpris.

Lyria, son sourire en coin, commenta en riant doucement :

« Si tu dois te goinfrer, fais-le au moins proprement. »

Dedem haussa un sourcil, puis, sans s'en rendre compte, un léger sourire apparut sur son visage.

Un simple « Merci, Lyria. » s'échappa de ses lèvres.

Elle se redressa et s'installa à côté de lui.

« Tu veux que je te raconte ce qui s'est passé pendant ces huit jours ? »

Dedem hocha la tête.

« Je t'écoute. »

Et ainsi, ils discutèrent, pendant de longues minutes, échangeant sur tout ce qu'il avait raté.

Les événements.

Les villes en reconstruction.

Les décisions des Champions de Fer.

Les tensions politiques qui commençaient à ressurgir.

Dedem écoutait attentivement, son regard fixé sur l'horizon invisible, déjà en train de planifier la suite.

Il savait qu'il devait bientôt repartir.

Car le monde n'était pas encore sauvé.

***

Le coucher de soleil teintait l'horizon d'un orange profond, tandis que Dedem, toujours debout face aux vestiges de la région de Fer, observait les dernières lueurs de la journée se refléter sur les ruines fumantes. Une brise tiède soufflait, soulevant des cendres éparses. L'odeur du fer brûlé et de la terre meurtrie était encore omniprésente, rappelant l'intensité des batailles passées.

Centurion, à ses côtés, demeurait silencieux, observant lui aussi ce paysage brisé. Il était soulagé que Dedem se soit réveillé, mais une inquiétude sourde lui nouait le ventre. La Légion d'Obsidienne avait parlé. Dedem devait partir. Il le savait déjà, mais entendre ces mots à voix haute l'irritait profondément.

Dedem, après un long moment à contempler le ciel, brisa finalement le silence d'une voix calme mais déterminée :

« Je partirai d'abord pour l'Arbre-Monde. »

Centurion tourna légèrement la tête, surpris.

« L'Arbre-Monde... Tu veux récupérer l'Œil Mystique qui s'y trouve ? »

Centurion est au courant grâce a Kenza

Dedem hocha lentement la tête, fixant toujours l'horizon.

« Oui. L'Équilibre doit être restauré, et je n'y arriverai pas sans ces artefacts. L'Arbre-Monde en détient un... et je compte bien le prendre. »

Centurion croisa les bras, réfléchissant à cette décision. L'Arbre-Monde était une terre sacrée, un lieu protégé par des forces anciennes. Si un Œil Mystique s'y trouvait, il ne serait pas si simple de le récupérer.

Mais Dedem poursuivit avant qu'il ne puisse commenter.

« Après ça... Je partirai pour la région de Nekomori Chihō. »

Centurion arqua un sourcil.

« Nekomori Chihō ? »

Dedem acquiesça.

« Thalion m'en a parlé durant mon entraînement. Cette région abrite de nombreux mystères... et j'ai la certitude que des Yeux Mystiques s'y trouvent. »

Centurion le fixa longuement avant de souffler, secouant légèrement la tête.

« Hmph. Je suppose que tu sais ce que tu fais. »

Mais Dedem, lui, ne semblait pas aussi confiant. Il plissa les yeux, son regard glissant lentement sur les terres dévastées.

Puis, doucement, il murmura :

« Mais... Je sais que je reviendrai ici. »

Centurion haussa les sourcils.

« Quoi ? »

Dedem tourna enfin la tête vers lui, ses yeux verts perçants brillants sous les dernières lueurs du soleil.

« Je ne peux pas l'expliquer... mais je le sens. Peu importe où je vais, je reviendrai sur la région de Fer. »

Centurion croisa les bras, soufflant bruyamment.

« Ça ne m'étonne pas. Mais... » Il marqua une pause avant d'ajouter d'une voix plus grave. « Malheureusement, si tu reviens ici... tu seras considéré comme un ennemi. »

Dedem resta silencieux.

Centurion continua, son expression devenant plus sérieuse.

« Et moi, je serai probablement fait prisonnier par les Monarques. »

Dedem plissa légèrement les yeux.

« À cause de ton affrontement contre Arcanis ? »

Centurion serra les poings.

« Non. Parce que j'ai désobéi. J'ai utilisé ma véritable puissance... et j'ai laissé le danger s'échapper. »

Le vent souffla doucement, faisant flotter la cape de Dedem derrière lui.

Puis, d'une voix froide et implacable, Dedem répondit :

« Alors, je te libérerai. »

Centurion ouvrit légèrement les yeux, surpris.

« Peu importe qui se mettra sur mon chemin. »

Les mots de Dedem étaient tranchants, dénués d'hésitation.

Centurion le fixa un long moment avant d'esquisser un léger sourire en coin.

« Hmph. J'aurais dû m'y attendre. »

Dedem ne répondit rien, détournant à nouveau son regard vers l'horizon.

Le crépuscule avançait, teintant le ciel d'une douce lueur violette. Au loin, un griffon solitaire fendait les nuages, ses ailes majestueuses battant lentement alors qu'il survolait les ruines silencieuses.

Dedem observa la créature quelques instants avant de s'asseoir sur un rocher, ses coudes appuyés sur ses genoux, contemplant le ciel.

« Tu devrais aller informer la Légion d'Obsidienne. »

Centurion arqua un sourcil.

« ... Pourquoi ? »

« Comme ça, il n'y aura pas de guerre inutile. »

Centurion l'observa longuement, puis poussa un soupir en secouant la tête.

« Tch. Très bien. »

Il fit quelques pas en arrière, puis tourna légèrement la tête vers Dedem.

« Je préparerai ton retour. »

Puis, sans un mot de plus, il s'éloigna lentement, disparaissant dans l'ombre du soir, en direction de la Légion d'Obsidienne.

Dedem, toujours assis, laissa échapper un souffle long, observant le griffon s'envoler au loin.

Il était enfin temps de partir.

Dedem leva les yeux vers le ciel, là où Célestion planait encore. Il inspira profondément avant de crier d'une voix forte :

« Célestion ! »

Presque immédiatement, le dragon descendit en piqué, battant des ailes avec puissance avant d'atterrir à côté de Dedem, provoquant une légère secousse.

« Des ordres, Dedem ? » demanda-t-il en le regardant.

Dedem hocha lentement la tête avant de répondre d'un ton ferme :

« Nous partons pour une nouvelle région. Mais avant ça, va préparer Lyria. Elle doit être prête à voyager dès mon retour. »

Célestion acquiesça sans poser de questions.

« Et toi ? »

Dedem baissa légèrement la tête.

« J'ai un détour à faire. »

Célestion n'insista pas. Il savait que Dedem avait ses raisons. Il déploya ses ailes et s'envola en direction du campement où se trouvait Lyria.

Dedem, lui, resta immobile quelques instants. Il inspira profondément, puis tendit la main devant lui.

« Magie de vent : Celeritatis. »

Une bourrasque de vent entoura son corps, soulevant la poussière autour de lui. Puis, en une fraction de seconde, une tornade explosa à l'endroit où il se tenait.

Il s'élança à une vitesse folle à travers la région.

Il ne savait pas exactement où se trouvait le village de l'Épervier, mais il fouilla chaque recoin, traversant les plaines, longeant les montagnes, scrutant les rivières... jusqu'à ce qu'il aperçoive ce qu'il cherchait.

Mais son cœur se serra violemment.

Ce n'était plus le village de l'Épervier qu'il connaissait.

Autrefois, ce village débordait de vie, illuminé par des lanternes suspendues, les rires des enfants et le son des marchands qui vantaient leurs produits.

Mais maintenant...

Ce n'étaient que des ruines.

Les cendres volaient dans l'air, formant un brouillard sombre autour de ce qui restait des maisons. Les bâtiments étaient dévastés, les rues jonchées de cadavres, certains à peine reconnaissables.

Des bras, des jambes, des têtes tranchées gisaient ici et là, laissant une odeur insupportable de sang et de chair brûlée.

Les golems, autrefois protecteurs du village, étaient désarticulés, leurs corps de fer brisés en morceaux, éparpillés au sol comme de simples carcasses.

Dedem gardait son calme, mais il sentait une douleur profonde lui ronger l'intérieur.

Il avança lentement, ses pas résonnant dans le silence lugubre du village détruit.

Puis, soudainement, un faible cri attira son attention.

Un gémissement, provenant d'un tas de décombres.

Dedem réagit immédiatement, se précipitant vers l'endroit. Il posa ses mains sur les gravats et souleva avec force une poutre brisée.

Sous celle-ci, une petite fille aux cheveux ébouriffés le regardait avec des yeux remplis de larmes et de peur.

« Aide-moi... » murmura-t-elle d'une voix tremblante.

Dedem tendit la main et l'attrapa avec douceur pour la tirer hors des décombres.

Mais un cri déchirant fendit l'air.

La petite hurla de douleur, son corps se tordant sous l'agonie.

Ce n'est qu'alors que Dedem remarqua l'énorme bout de bois enfoncé profondément dans son flanc.

Il avait tenté de la sauver sans voir qu'il empirait sa blessure.

Son souffle se coupa.

Il posa une main sur la blessure et canalisa son équilibre.

Une lueur verte enveloppa la plaie, stoppant le saignement et apaisant la douleur.

Les cris de la petite fille s'atténuèrent peu à peu, remplacés par de faibles sanglots.

Sans dire un mot, Dedem la blottit contre lui, caressant doucement ses cheveux en cendres.

« C'est fini... Tu es en sécurité. »

Elle se serra contre lui, tremblante.

Puis, Dedem la confia à un garde-chevalier qui s'occupait des rares survivants.

Il se releva... et son regard fut attiré par un homme assis sur un banc, un manuscrit entre les mains.

Un garde, en train d'écrire quelque chose.

Intrigué, Dedem s'approcha et demanda d'une voix calme :

« Que fais-tu ? »

Le garde releva les yeux, surpris de voir Dedem.

« J'établis la liste des morts. Nous en sommes à cent cinquante pour l'instant. »

Note : le village de l'Épervier compte 500 habitants

Dedem resta immobile.

Il observa la liste manuscrite, une litanie de noms rayés de l'existence.

Puis, il posa la question qu'il redoutait.

« Eldan et Lyanna... sont-ils dedans ? »

Le garde tourna quelques pages, cherchant les noms. Puis, il hocha lentement la tête.

« Oui. Ils sont morts. »

Les yeux de Dedem tremblèrent légèrement.

Sa gorge se serra, mais aucune émotion ne traversa son visage.

Il s'y attendait.

Mais l'entendre... le confirmer...

C'était comme une lame transperçant son âme.

Puis, un souvenir remonta.

Des mois plus tôt.

Après la bataille contre Astral, Dedem et Thalion s'étaient rendus au village de l'Épervier.

Dedem devait annoncer la mort d'Eldric.

Thalion l'attendait à l'entrée du village.

« Je t'attends ici. »

Dedem hocha la tête et avança seul.

Dedem se tenait devant la porte en bois de la maison des parents d'Eldric. Sa main tremblait légèrement avant qu'il ne frappe trois coups. Il entendit des bruits de pas précipités à l'intérieur, puis la porte s'ouvrit.

« Dedem ! »

Lyanna l'accueillit avec un sourire chaleureux, mais son expression changea instantanément lorsqu'elle remarqua son état. Il était couvert de blessures, des bandages entourant ses bras et son torse, et son regard portait une lourdeur inhabituelle. Elle posa instinctivement ses mains sur ses épaules. « Ça fait longtemps, mon garçon... Mon Dieu, mais regarde-toi ! Entre vite, tu ne devrais pas rester dehors dans cet état ! » Dedem ouvrit la bouche pour parler, mais aucun mot ne sortit. Lyanna l'attrapa doucement par le bras et l'entraîna à l'intérieur.

À peine eut-il franchi le seuil qu'une voix grave descendit du haut des escaliers. « Dedem ? » C'était Eldan, son regard fatigué mais bienveillant posé sur lui. Il descendit lentement les marches, un léger sourire sur le visage. « Viens t'asseoir, le repas est prêt. Tu arrives à temps. »

Dedem resta figé un instant. Son cœur battait trop vite. Il baissa légèrement la tête et inspira profondément. « Je... je ne peux pas. » Lyanna et Eldan échangèrent un regard confus. « Dedem, qu'est-ce qu'il y a ? »

Le silence s'étira. Puis, Dedem serra les poings et releva lentement la tête. « Eldric... est mort. »

Le temps sembla s'arrêter. Lyanna eut un haut-le-cœur, portant une main tremblante à sa bouche, ses yeux s'écarquillant sous le choc. Eldan, lui, ne bougea pas. Il resta debout, droit, son expression se durcissant légèrement. Lyanna fit un pas en arrière, secouant la tête. « Non... non, tu mens. Tu... tu es juste blessé, fatigué. Il... il va revenir, n'est-ce pas ? »

Dedem baissa la tête, incapable de la regarder dans les yeux. « Je suis désolé. » Lyanna recula jusqu'à heurter le mur. Son souffle était saccadé, des larmes silencieuses coulant le long de ses joues. « Ce n'est pas possible... pas notre Eldric... »

Eldan, toujours immobile, demanda d'une voix grave et contenue : « Comment est-il mort ? » Dedem releva lentement les yeux et répondit d'une voix rauque. « Il s'est sacrifié... pour vaincre Astral. » Eldan fronça légèrement les sourcils, mais il ne dit rien, attendant que Dedem continue.

Dedem prit une grande inspiration avant de poursuivre : « Nous étions en plein combat... Astral était trop puissant. Nous avons tout tenté, mais rien ne fonctionnait. Eldric... il a décidé d'utiliser toute l'énergie qu'il possédait. Il s'est chargé de lumière, son corps entier brûlait d'une puissance que je n'avais jamais vue. » Les larmes de Lyanna redoublèrent.

« Il a tout donné. Il a déversé cette lumière sur Astral, le consumant entièrement... mais en même temps... il s'est consumé lui aussi. Il n'est... rien resté de lui. »

Lyanna s'effondra sur une chaise, son corps tremblant sous l'émotion. Eldan resta silencieux un moment, fixant le sol. Puis, après un long silence, il ferma les yeux et prit une profonde inspiration. « C'est ainsi. » Dedem leva les yeux vers lui, surpris par le calme de sa voix. Eldan ouvrit lentement les paupières, posant sur Dedem un regard empreint d'acceptation. « Si c'était le choix d'Eldric... alors nous n'avons rien à redire. »

Lyanna, malgré la douleur, hocha la tête en essuyant ses larmes. « Nous resterons une famille soudée. C'est ce qu'Eldric aurait voulu. » Dedem sentit sa gorge se serrer encore plus. Ils ne lui en voulaient pas. Ils acceptaient. Et c'était peut-être ce qui faisait le plus mal.

Avant qu'il ne parte, Lyanna s'approcha et posa une main tremblante sur son visage. « Merci... d'avoir veillé sur lui. » Dedem ne sut pas quoi répondre. Puis il quitta la maison, laissant derrière lui une famille brisée.

De retour dans le présent.

Debout au milieu des ruines, Dedem observait les cendres, là où cette famille autrefois vivait. Il avait tout perdu. Ce village... ces souvenirs... ces gens... Tout était parti. Il inspira profondément. Puis il tourna les talons. Il était temps de partir.

À suivre...