Développements étranges

C'était dans des moments comme celui-ci que Lith ressentait à quel point un goulot d'étranglement pouvait être agaçant. Normalement, dans une telle situation, il utiliserait Accumulation, transformant son temps mort en une session d'entraînement tout en étudiant comment son corps évoluait.

Mais maintenant cette option n'était pas disponible, et étant coincé dans un tel état depuis presque un an, il connaissait son corps par cœur, au point qu'il avait mémorisé où chaque impureté se trouvait.

Après une demi-heure, il était sur le point de s'endormir.

'J'espère que le Comte ne me reprochera pas de ronfler un peu.' Il pensa.

'Lith, pourquoi ne pas ouvrir le cadeau d'adieu de Nana ? Je suis vraiment curieuse.' Solus dit.

'Moi pas. Cette vieille radine m'a juste donné un morceau de papier. Je parie que c'est une liste de souvenirs qu'elle veut que je lui achète.'

Un petit pari amical valait mieux que de ne rien faire, alors il sortit la petite enveloppe et lut son contenu. Lith avait perdu le pari, c'était une brève lettre.

"Cher Lith,

"Maintenant que tu vas à l'Académie de Magie, loin des regards indiscrets de tes parents, tu mérites de connaître la vérité. La magie des corvées contient un sortilège interdit que je ne t'ai jamais enseigné. Maintenant tu es assez âgé pour savoir."

Il suivait une description courte mais précise de la manière d'utiliser la magie des ténèbres sur lui-même pour éviter les conséquences indésirables de partager l'intimité avec les filles. C'était un sortilège de contrôle des naissances. La lettre se terminait par

"N'oublie pas d'être toujours un gentleman et amuse-toi ! Tu me remercieras plus tard.

Avec amour, Nana"

'Quelle vieille coquine. Je n'ai même pas douze ans.' Lith ne pouvait s'empêcher d'éclater de rire. L'idée que Nana soit celle qui se soucie de sa vie sexuelle était hilarante.

"Est-ce à propos de quelque chose que Dame Nerea a écrit ? Une anecdote ? Puis-je la voir aussi ?" Le Comte était très curieux, voir Lith rire était un événement très rare.

Après avoir lu le message, le Comte Lark devint violet de gêne. La scène faisait rire Lith encore plus fort.

'Oh mon dieu, le Comte est un tel tendre. S'énerver pour une chose aussi stupide. Parfois, il semble tout droit sorti d'un manga.'

"Lith, ce n'est pas une affaire de rire." Le Comte dit.

"J'apprécie l'inquiétude de Dame Nerea, mais je la trouve malheureuse et vulgairement exprimée. Les affaires du cœur devraient être traitées avec plus de tact, surtout avec quelqu'un d'aussi jeune que toi."

Lith ne put s'empêcher de renouveler son rire.

'Il a vraiment appelé ça 'affaires du cœur' ! Ce n'est que du sexe, mec !'

L'ambiance légère ne dura pas longtemps, le long voyage finit par endormir les deux hommes.

Lorsque le cocher les réveilla, ils étaient déjà arrivés.

La vue de l'académie Griffon Foudroyant était vraiment impressionnante.

Le bâtiment lui-même semblait être un énorme château, droit sorti des rêves humides d'un ingénieur médiéval. Pourtant, il était impossible de le voir clairement, ils étaient encore trop loin.

L'académie était au centre d'une immense forêt qui s'étendait dans toutes les directions aussi loin que l'œil pouvait voir.

'Cela explique pourquoi elle est si éloignée des zones peuplées, c'est essentiellement un comté à elle seule. La forêt pourrait même avoir une extension supérieure aux bois de Trawn.' Lith pensa.

"Pourquoi nous arrêtons-nous ici ? Nous sommes encore très loin, comment sommes-nous censés atteindre l'académie ?"

Le Comte était excité comme un enfant dans un magasin de bonbons.

"Ne t'inquiète pas et suis-moi."

Il emmena Lith à une petite maison en briques à l'orée de la forêt, où deux hommes buvaient du thé en bavardant tranquillement.

Le Comte se présenta et leur montra leurs permis.

L'homme qui tenait maintenant les papiers murmura quelques mots, l'encre se réarrangea, sortant de la feuille et formant une sorte de cercle magique au sol.

'Même les permis sont un objet magique ?' Lith était choqué.

'J'ai senti un peu de mana en provenance d'eux, mais je pensais que c'était juste une sorte de sceau magique d'authenticité, rien d'aussi complexe.' Solus expliqua.

'Merde ! Nous sommes complètement dans l'ignorance concernant les objets magiques, et il n'en est mentionné dans aucun livre que nous avons lu jusqu'à présent. Soit nous trouvons un moyen de corriger cette situation, soit nos voyages seront bien plus difficiles à l'avenir.'

Suivant les instructions de l'homme, Lith et le Comte entrèrent dans le cercle, qui devint instantanément une sphère jaune translucide.

Elle s'éleva doucement dans les airs, avant de commencer à voler à une vitesse vertigineuse en direction du château. Malgré qu'ils se déplaçaient plus rapidement que Lith ne l'avait jamais fait auparavant, ils ne se sentaient pas différents que s'ils étaient sur le sol.

'Cette chose est comme gyro-stabilisée ! Quelle idée brillante !' Pour la première fois, Lith regrettait presque son choix. Presque.

Le trajet était court, mais Lith managea tout de même à apercevoir de nombreuses grandes bêtes magiques courant dans la forêt. Ils étaient même proches de heurter un aigle de la taille d'un avion Piper. Ses yeux étaient pleins de mépris et il poussa quelque chose qui ressemblait à un reproche envers eux.

"C'est moi, ou il n'y a que des bêtes magiques là-dedans ?" Lith demanda au Comte, qui acquiesça.

"Oui, des bêtes magiques et des Bêtes Empereur, bien sûr. Ils t'expliqueront tout une fois que tu seras inscrit." Le Comte avait un ton paternel, mais Lith pouvait également entendre clairement une pointe de condescendance 'Je te l'avais bien dit'.

La sphère atterrit sur un balcon avant de se dissiper. Une jeune femme dans la vingtaine, portant une robe de magicienne, les attendait.

Elle les guida à travers des escalators magiques et des couloirs, avant de les conduire dans l'antichambre de la Directrice. Elle avait parlé via un petit amulette communicatrice tout le temps, donnant des ordres sur des tâches subalternes.

D'après l'expérience de Lith, cela signifiait de mauvaises nouvelles. Chaque fois qu'il avait un entretien d'embauche, l'attitude de la secrétaire envers les candidats indiquait comment l'entreprise traitait ses employés et quelles étaient ses attentes envers un candidat.

Elle les avait ignorés tout le temps, ne leur donnant ni visite guidée, ni explication sur les merveilles magiques auxquelles ils avaient été confrontés.

Pour quelqu'un qui voulait être rejeté, cependant, c'était une bonne nouvelle.

Le Comte était trop hypnotisé par l'intérieur du château pour remarquer le comportement impoli de la magicienne. Ses yeux se déplaçaient sur chaque pièce de mobilier, sa bouche grande ouverte d'admiration. La salle elle-même était un prodige.

Malgré aucune source de lumière visible, que ce soit des fenêtres, des torches ou des pierres lumineuses, chaque recoin était éclairé, comme si le soleil du matin brillait au-dessus de leurs têtes.

"Que penses-tu de ça ?" Le Comte demanda comme une question rhétorique, s'attendant à ce que Lith montre un enthousiasme égal sinon supérieur au sien.

"Honnêtement ? Je trouve ça prétentieux et hautain. Tout dans la pièce donne l'impression que leur maître nous toise, essayant d'intimider l'invité et de le remettre à sa place."

"Vraiment ?" La bulle de rêve du Comte éclata brusquement.

"Oui. Je veux dire, un peu de splendeur, c'est bien, mais ça ? C'est trop." Il pointa la décoration en or qui continuait à se transformer en argent et en platine, et les pierres précieuses brodées à chaque coin, comme des yeux brillants les regardant avec mépris.

"Et comment expliques-tu l'attitude impolie de cette fille ? Elle ne nous a même pas regardés une seule fois."

"Oh mon Dieu." Le Comte avala sa salive. "Maintenant que tu le dis, cette salle ressemble beaucoup à l'antichambre du Roi pour les invités indésirables."

"Y a-t-il vraiment cela ?" Lith était curieux.

"Oui, c'est en quelque sorte un secret de polichinelle. La chambre du Roi possède plusieurs salons d'attente, selon l'intérêt qu'il porte au visiteur. Celui pour les invités indésirables est rempli de choses de mauvais goût comme celles-ci, pour rappeler au visiteur le pouvoir de la Couronne.

"Il est également rempli de peintures représentant les Rois et Reines précédents massacrant des nobles ou des mages rebelles. Cela dépend de qui il veut mettre sous pression."

"Comme celles-ci ?" Lith pointa plusieurs tableaux magiques, tous représentant de courts films montrant comment l'Association des Mages avait éradiqué des familles entières de nobles turbulents à travers l'histoire.

L'événement dépeint allait jusqu'à montrer le carnage et les manoirs en flammes, avant de recommencer à raconter leur histoire depuis le début.

"Exactement." Le Comte avala bruyamment sa salive.

Se préparant à devoir attendre des heures, Lith s'installa confortablement, essayant de se rendormir. Il ne fut pas déçu. Lorsque le Comte le réveilla, il pouvait voir sur son visage qu'il avait accumulé pas mal de stress.

Il avait attendu patiemment assez longtemps pour comprendre le message.

"Ne dis pas un mot. Si nous voulons sauver cette situation, nous avons besoin de tact et de diplomatie. Laisse tout à moi." Le Comte Lark dit à peine à voix haute.

Le bureau de la Directrice était beaucoup moins de mauvais goût que son antichambre, ressemblant beaucoup à un bureau de directeur ordinaire de la Terre. C'était une femme au moins aussi âgée que Nana, mais le temps avait été plus clément envers elle.

Son visage était plein de rides, mais ses yeux étaient pleins d'énergie et de vie. Contrairement à Nana, elle était prête à vivre une longue vie et se tenait droite comme un poteau.

Ses cheveux étaient presque complètement gris, seule une nuance de jaune subsistait encore. Elle portait une robe aux couleurs de son académie. Elle était d'un bleu clair, tandis que toutes les décorations étaient d'un jaune vif, probablement de l'or.

La façon dont son tissu avait été tissé donnait l'impression que chaque mouvement de la Directrice était le vent se déplaçant à travers le ciel, tandis que les broderies dorées apparaissaient et disparaissaient comme des éclairs soudains.

Elle n'avait que des sourires et de gentils mots, mais l'instinct de Lith ne pouvait détecter aucune chaleur en elle.

"Cher Comte, cela fait si longtemps que nous ne nous sommes pas rencontrés !" Elle lui tendit la main.

"Vous êtes trop aimable. C'est entièrement ma faute si je ne peux pas vous amener assez de jeunes prometteurs." Le poker face du Comte était impeccable. Toutes traces de stress et d'anxiété avaient disparu. Ses paroles étaient calmes et douces comme s'il rencontrait une sœur perdue depuis longtemps.

"Je vous en prie, asseyez-vous. Désolée pour la longue attente, mais comme vous le savez, c'est la période la plus chargée de l'année." L'excuse sonnait fausse comme un billet de trois dollars.

"Ne vous excusez pas, je comprends parfaitement. Maintenant, désolé si je passe directement aux affaires, je ne veux pas perdre plus de votre temps précieux."

Le Comte sortit un dossier qui contenait une chronique de tous les exploits accomplis par Lith, ainsi que son décompte officiel de mérites.

La Directrice repoussa le dossier.

"Pas besoin. Nous faisons toujours une vérification complète des antécédents de chaque candidat. Je dois dire que vous m'avez amené quelqu'un de vraiment intéressant."

Cette fois, ce fut au tour de Lith d'avaler bruyamment sa salive, une sueur froide coulant le long de son échine.

'Qu'est-ce que j'ai bien pu faire de mal ?' pensa-t-il.

Elle sortit elle-même un dossier, beaucoup plus épais que le précédent.

"Je vois que ce jeune homme, Lith, a mérité beaucoup de distinctions en soignant les pauvres et en se débarrassant de nombreuses menaces qui pesaient sur votre Comté. Saviez-vous que le milieu criminel l'a surnommé Fléau ?"

'Fichtre, comment diable mon titre de bête a atteint leurs oreilles. Comment des délinquants et des bêtes magiques peuvent-ils me voir de la même manière ?' pensa Lith.

"Il semble qu'il aime ses primes mortes comme un clou, et c'est bien. Être clément avec la racaille de cette terre ne peut que se retourner contre vous, tôt ou tard. Il a également eu un certain nombre de défis magiques avec quelques jeunes nobles."

"Et c'est mauvais, n'est-ce pas ?" Lith serra le poing, rempli d'attente.

"C'est bien aussi. Un vrai mage ne doit pas avoir peur de se défendre ou de défendre son nom, dans notre métier le talent et la puissance sont plus importants que l'étiquette.

"Sans parler du fait que ceux qui n'ont pas les compétences, ne devraient pas voler trop près du soleil et ensuite se plaindre de se brûler."

Lith eut l'impression que la terre s'effondrait sous ses pieds.

'Alors au lieu de saboter, je me suis auto-promu tout ce temps ?! M*rde alors !'

"Mais…" Soudain, les espoirs de Lith renaquirent, tels un phénix sorti de ses cendres.

"... malheureusement, je dois dire qu'il ne répond pas aux critères pour une bourse d'études. Je suis vraiment désolée."

'M*rde oui ! Je te pardonne, salope trompeuse ! J'ai réussi, et c'est ce qui compte.'

Le Comte devint pâle comme un fantôme.

"Puis-je savoir pourquoi ? Talent, compétence, cœur. J'ose dire qu'il est le meilleur candidat que j'ai jamais amené ici jusqu'à présent." Sa voix était brisée, Lith eut de la peine pour le pauvre homme.

"Bien sûr que vous pouvez. Vous méritez de savoir. Vous voyez, le vrai problème ne réside pas dans votre protégé, mais plutôt dans son mentor."

"Excusez-moi ?" Le sang reflua dans le visage du Comte.

"Nerea est une mage tombée, semblable à un fils désavoué de l'académie, sinon de toute l'Association des Mages. Comme il est interdit aux nobles d'aider les membres bannis de leur famille, il en va de même pour nous, ou du moins pour moi.

"Elle a apporté la honte à l'institution, et jusqu'à ce jour même, elle continue de s'immiscer avec nous. Pour aggraver les choses, même si indirectement, Lith a été impliqué dans la purge de deux maisons nobles.

"En tant que mage, je ne peux pas assez insister sur combien je trouve méprisable de traîner l'Association des Mages dans chaque querelle insignifiante. C'est un abus de pouvoir, et je veux envoyer un message à tous les mages renégats là-bas en rejetant son disciple.

"Vous pouvez essayer de l'amener dans d'autres académies, mais je pense que leur réponse sera la même."

"Quoi ?" Le Comte était maintenant rouge vif, ses yeux presque sortis de rage.

"Dame Nerea a protégé et aidé le Comté de Lustria pendant des années, alors que tout le monde ne faisait rien ! Ce jeune homme a sauvé ma vie, ma famille.

"Il a fait ce qu'il a fait uniquement pour sa propre préservation, et vous me dites que vous êtes prêt à ruiner sa vie pour votre propre petite revanche ? Pour de la politique ?"

"Comment osez-vous me parler ainsi dans mon bureau !" La Directrice bondit de son fauteuil, ses yeux brillant de puissance.

"J'ose ! Je double le pari et j'appelle ça des conneries !" Lith n'avait jamais pensé que le Comte était un combattant aussi courageux.

"Vous sacrifiez juste un mage, et un puissant qui plus est, pour votre propre gain politique ! Lith, partons. L'air est vicié ici."

Avant de sortir par la porte, le Comte se retourna, criant.

"Ça ne se termine pas ici ! Je ferai savoir à tout le monde jusqu'où le Griffon Foudroyant est tombé bas. Vous ne recevrez plus un seul sou de mon Comté ou de mes vassaux. Et au fait, il est l'inventeur de l'échiquier sur votre bureau."

La porte se claqua derrière eux, sans lui donner l'opportunité de répliquer au Comte.

'Mec, sérieusement ? Tant pis pour le tact et la diplomatie. Tu es un petit rouage dans une grande machine. Tes menaces ne sont rien de plus que des vœux pieux.' pensa Lith.

La joie de Lith était assombrie par ses inquiétudes concernant les conséquences que le coup de colère du Comte pourrait avoir sur son pays natal et son ami. Le Comte Lark avait combattu pour lui avec acharnement, et c'était quelque chose que Lith n'oublierait jamais.