Chapitre 9

Point de vue Lila

L'eau est fraîche autour de moi, contrastant avec la chaleur du soleil qui tape sur ma peau. Ethan est juste en face, sa planche flottant à côté de la mienne, un sourire confiant accroché aux lèvres.

-Ethan: D'accord, écoute-moi bien.

Sa voix est calme, posée, mais je perçois une lueur amusée dans son regard. Il sait que je ne suis pas du tout à l'aise, et il savoure probablement ce moment.

-Lila: Je t'écoute...

Lui dis-je en retenant un soupir.

-Ethan: D'abord, allonge-toi sur la planche. Il faut que tu trouves ton équilibre avant même de penser à te lever.

Je fais ce qu'il me dit et m'allonge prudemment. La planche tangue légèrement sous mon poids, et mes mains s'agrippent immédiatement aux bords, comme si cela allait m'empêcher de tomber.

-Ethan: Rilassati, (Détends-toi) Si tu te crispes, tu perdras l'équilibre.

Souffle-t-il en posant une main sur ma cheville. Facile à dire.

-Lila: Et maintenant ?

Demandais-je en essayant de garder mon ton neutre.

-Ethan: Maintenant, tu vas ramer avec les bras pour prendre un peu de vitesse.

Je m'exécute maladroitement, sentant déjà mes muscles se tendre sous l'effort. Ethan nage à mes côtés, surveillant chacun de mes mouvements.

-Ethan: Bene. Quand tu sens une vague arriver, il faut que tu te prépares à te lever.

-Lila: Se préparer comment ?

-Ethan: Comme ça.

En une fraction de seconde, il se hisse sur sa propre planche avec une aisance déconcertante, adoptant immédiatement une posture parfaite. Je le regarde, à la fois impressionnée et exaspérée.

-Lila: Facile pour toi.

Grognais-je en levant les yeux au ciel. Il rit et l'éclat de sa voix résonne contre les vagues.

-Ethan: Allez, Lila. À toi maintenant.

Je prends une grande inspiration et attends la prochaine vague. Lorsqu'elle arrive je tente de me redresser, mais ma jambe glisse, et avant même de comprendre ce qui se passe, je me retrouve projetée dans l'eau.

Je refais surface en toussant, les cheveux plaqués sur mon visage. Ethan rit aux éclats, je lui lance un regard noir.

-Lila: Arrête de te moquer et aide-moi !

Toujours amusé, il s'approche et me tend la main.

Ethan: Va bene, va bene. (D'accord, d'accord.) On va recommencer ensemble.

Et sans prévenir, il place ses mains sur mes hanches et me stabilise sur la planche. Un frisson me traverse, mais je fais tout pour l'ignorer.

-Ethan: Concentrati su di me. (Concentre-toi sur moi.)

Il est bien trop près. Trop envahissant. Mais bizarrement, je ne veux pas qu'il s'éloigne. Je déglutis difficilement, fixant ses mains qui me tiennent fermement. L'eau clapote doucement autour de nous, et malgré la brise marine, sa proximité me brûle la peau.

-Lila: D'accord...

Soufflais-je en essayant de me concentrer sur autre chose que sur la pression de ses doigts contre moi.

-Ethan: Bene. (Bien.)

Son ton est plus doux maintenant, plus patient.

-Ethan: Quand la vague arrive, je vais te guider. Tu dois te redresser doucement, garder le regard droit devant toi et plier les genoux pour stabiliser ton équilibre.

J'acquiesce, reprenant une profonde inspiration.

-Ethan: Tu es prête ?

-Lila: Je crois...

-Ethan: Tu crois ou tu es prête ?

-Lila: Je suis prête.

Rectifiais-je en serrant les mâchoires. Ethan esquisse un sourire satisfait, puis tourne la tête vers l'horizon.

-Ethan: La voilà. Quand je te dis "maintenant", tu te lèves.

Je sens la vague arriver sous la planche, l'eau m'emporte lentement, et tout se passe en une fraction de seconde.

-Ethan: Ora! (Maintenant !)

Je pousse sur mes bras, essayant de me relever avec la même fluidité que lui, mais tout mon corps tremble sous l'effort. Je plie les genoux comme il l'a dit, cherchant mon équilibre, et... miracle, je tiens debout !

-Ethan: Lila, tu y es !

S'exclame-t-il avec un éclat de fierté dans la voix. Mais je n'ai pas le temps de savourer l'instant que mon pied glisse à nouveau, et dans un cri, je bascule en arrière, percutant la surface de l'eau dans un grand plouf. Cette fois, quand je refais surface, Ethan rit si fort qu'il en a du mal à respirer.

-Ethan: Va bene, hai quasi riuscito! (C'était bien, tu y étais presque !)

Je le fusille du regard en lui envoyant une gerbe d'eau au visage.

-Lila: Arrête de te moquer ou je te coule !

Il essuie son visage d'un revers de main, un sourire toujours pendu aux lèvres.

-Ethan: Oh sì ! (Ah oui !)

Je détourne les yeux, les joues rougissantes. Il sait comment me déstabilisé.

-Ethan: D'accord. Une dernière fois, et après, je te laisse tranquille.

Je soupire, secouant la tête, mais au fond de moi, je sens quelque chose de différent. Pour la première fois depuis longtemps, je me sens bien. Enfin je crois.

C'est repartie, mais cette fois, je ne lutte plus contre l'eau ni contre ma maladresse. J'accepte l'échec comme une étape, et ça change tout.

Ethan m'aide à remonter sur ma planche, ses gestes assurés et précis, comme s'il connaissait mon corps mieux que moi-même. Sa main effleure mon bras alors qu'il ajuste ma posture. Je frissonne, mais ce n'est pas à cause de la brise marine.

-Ethan: Respire, Lila. Non c'è fretta. (Il n'y a pas d'urgence.)

Je hoche la tête, inspirant profondément l'air salé. Je peux le faire. Quand la vague approche, Ethan ne parle pas, mais son regard posé sur moi suffit. Cette fois, je me redresse avec plus de confiance. Mes jambes tremblent moins, mon centre de gravité est plus stable, et... je tiens !

Un rire incontrôlé s'échappe de ma gorge.

-Lila: Ethan ! Je le fais !

Il lève les bras en signe de victoire, nageant à mes côtés.

-Ethan: Sapevo che ce l'avresti fatta! (Je savais que tu y arriverais !)

Je ferme les yeux une fraction de seconde, savourant l'instant... et bien sûr, c'est une erreur. Mon équilibre me trahit, et je m'écrase dans l'eau une nouvelle fois. Mais cette fois, je ris en remontant à la surface.

Ethan est là, toujours aussi hilare.

-Lila: Bon, d'accord, peut-être pas encore une surfeuse pro.

Dis-je en essuyant l'eau de mon visage.

-Ethan: Non, mais tu as réussi, et c'est ça qui compte.

Je ne sais pas pourquoi, mais ses mots me touchent beaucoup. Ce n'est qu'un sport, après tout, pas une révélation spirituelle. Pourtant, je sens un poids invisible s'alléger en moi.

-Ethan: Allez venire. (viens.) On va se poser un peu sur la plage.

Je prends sa main sans réfléchir, et il me tire vers lui avec une force naturelle.

Trop proche, aidez-moi!

L'eau perle sur sa peau dorée, ses mèches trempées collées à son front. Ses yeux accrochent les miens un instant trop long et trop intense.

Mon cœur s'emballe.

-Ethan: On y va ?

Me souffle-t-il avec une lueur amusée dans le regard.

-Lila: Sì... allons-y.

Et alors qu'on regagne la plage, une évidence s'impose à moi : Ethan Carter est bien plus dangereux que l'océan.

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Luca s'approche de moi, ruisselant d'eau salée et avec ce sourire éclatant qui lui donne l'air de sortir tout droit d'une publicité. Je lève les yeux au ciel en voyant quelques femmes sur la plage qui lui jette des regards admiratifs. Si elles savaient que c'est plutôt les hommes sont délire.

-Lila: Sempre il solito, eh? (Toujours le même, hein ?)

Dis-je en croisant les bras. Il éclate de rire, secouant ses cheveux trempés sur moi avant de me tendre la main.

-Luca: Che posso dire? Sono irresistibile. (Que veux-tu, je suis irrésistible.)

Je l'ignore et attrape une serviette pour lui jeter dessus. Il la récupère en riant et s'essuie rapidement avant de me fixer avec un regard plus sérieux.

-Luca: Ti sei divertita? (Tu t'es amusée ?)

Je marque un temps d'hésitation, puis je hoche la tête.

-Lila: Sì... c'était bien.

Luca plisse légèrement les yeux avant de poser une main sur mon épaule.

-Luca: Et avec lui ?

Me dit-il en jetant un coup d'œil en direction d'Ethan qui est toujours assis à côté de Jade avec un sourire au coin des lèvres alors qu'elle proteste contre ses chatouilles. Je fronce les sourcils.

-Lila: Pourquoi cette question ?

-Luca: Perché ti osservo, Lila. (Parce que je t'observe, Lila.)

Il marque une pause, puis ajoute, plus doucement :

-Luca: Tu as l'air différente avec lui.

Mon estomac se contracte.

-Lila: è ridicolo. (C'est ridicule.)

Dis-je en détournant les yeux.

-Luca: Lo è? (Vraiment ?)

Je n'ai pas de réponse à ça. Parce que la vérité, c'est que je ne sais pas. Luca soupire, puis m'attire dans une étreinte rapide avant d'ébouriffer mes cheveux.

-Luca: Basta pensare, andiamo a mangiare qualcosa. (Arrête de trop réfléchir, allons manger quelque chose.)

Je souris malgré moi et le suis vers la villa, mais au fond de moi, cette conversation me trouble. Parce que Luca a raison. Ethan me trouble bien plus que je ne voudrais l'admettre.

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Point de vue Ethan

Le lendemain matin, l'air est encore frais malgré la chaleur naissante des Maldives. Le sable légèrement humide sous mes pieds amortit chacun de mes pas tandis que je cours le long de la plage, laissant derrière moi une traînée d'empreintes vite effacées par les vagues. C'est mon rituel. Chaque matin, avant que le monde ne se réveille, avant que les pensées ne m'envahissent, je cours.

Le souffle régulier, je me concentre sur le bruit des vagues, sur le rythme de mes battements de cœur, sur cette sensation de liberté éphémère. Ici, loin des flashs et des projecteurs, je peux être autre chose qu'un mannequin figé dans des poses parfaites.

Après plusieurs kilomètres, je ralentis, reprenant mon souffle, et me dirige vers un rocher qui surplombe l'eau et m'y appuie, observant l'horizon où le soleil commence à peindre le ciel de teintes dorées et rosées. Un spectacle dont je ne me lasse jamais.

C'est alors que je la vois. Lila. Je la reconnaîtrais entre mille.

Assise un peu plus loin sur le sable, ses jambes repliées contre elle, les bras autour de ses genoux, fixant l'océan avec une intensité silencieuse. Son visage est caché par ses mèches blondes emmêlées par le vent.

Je fronce légèrement les sourcils. Elle s'est réveillée tôt. Beaucoup trop tôt. Sans trop réfléchir, je m'approche, mes pas étouffés par le sable. Elle ne bouge pas, mais je sens qu'elle sait que je suis là.

-Ethan: Non riesci a dormire? (Tu n'arrives pas à dormir ?)

Sa tête se tourne vers moi, ses yeux clairs captant la lueur du matin. Elle hésite, puis hausse légèrement les épaules.

-Lila: Pas vraiment.

Je ne réponds rien et m'assois à ses côtés, observant l'horizon à mon tour. Le silence entre nous n'est pas pesant, juste... présent. Comme si aucun mot n'était nécessaire. Après un moment, elle murmure :

-Lila: Tu cours tous les matins ?

Je hoche la tête.

-Ethan: C'est mon moyen de... respirer.

Elle acquiesce lentement, comme si elle comprenait exactement ce que je voulais dire.

-Ethan: Et toi ? Pourquoi tu es là si tôt ?

Elle détourne les yeux, jouant nerveusement avec un grain de sable entre ses doigts.

-Lila: Les cauchemars.

Son aveu est à peine un souffle, mais il me frappe en plein cœur. Je sens la douceur de sa peau sous mes doigts alors que je serre doucement sa main dans la mienne, mes doigts s'entrelaçant avec les siens. Il y a une certaine chaleur, une connexion tacite, et ce simple geste, ce contact, semble plus puissant que des mots.

Elle tourne légèrement la tête vers moi, ses yeux se posent sur ma main qui tient la sienne. Une légère tension se forme dans l'air, mais elle ne se retire pas, son regard plein de questions.

-Lila: Perché sei così gentile con me? (Pourquoi es-tu aussi gentil avec moi ?)

Je prends un moment avant de répondre, réfléchissant à ce que je ressens. Ce n'est pas de la gentillesse calculée, ni de la pitié. C'est juste... naturel.

-Ethan: Non lo so... (Je ne sais pas...) Peut-être parce que... j'aime bien voir les gens heureux. Et toi, tu mérites d'être heureuse.

Elle reste silencieuse un instant, comme si mes mots résonnaient dans sa tête. Puis, lentement, elle lâche un petit rire, presque imperceptible, comme une brise légère.

-Lila: Je ne crois pas mériter grand-chose, Ethan.

Elle baisse les yeux, comme si elle se sentait honteuse de cette confession. Je serre un peu plus fort sa main, mais sans insistance, juste pour lui montrer que je suis là.

-Ethan: Tu te trompes. Tout le monde mérite d'être heureux, même toi.

Je parle avec une douceur que je ne pensais pas capable de montrer, même avec elle. Lila relève enfin les yeux vers moi. Un moment de vulnérabilité, comme une porte entrouverte qu'elle hésite à franchir. Mais je ne la force pas.

-Lila: Mais pourquoi moi, alors ?

Sa voix est faible, incertaine. Alors que je la regarde un instant, laissant mes pensées s'apaiser.

-Ethan: Parce que je vois au fond de tes yeux, Lila... je vois la beauté de ton âme. Et je pense que tu as besoin d'aide pour te retrouver.

Un silence lourd et doux s'installe entre nous. Les vagues frappent doucement la plage, et pendant un instant, rien d'autre n'existe.

Je l'observe, et lentement je remarque des larmes silencieuses commencent à rouler sur ses joues. Chaque goutte semble exprimer une douleur qu'elle porte depuis trop longtemps, un fardeau qu'elle cache si bien derrière son sourire fragile. Mon cœur se serre en la voyant ainsi, vulnérable, brisée d'une manière que je n'avais pas imaginée.

Je n'hésite pas une seconde. Mes doigts glissent doucement sur sa joue, essuyant les larmes qui tombent comme des perles fragiles. J'ai l'impression que ce simple geste pourrait d'une manière ou d'une autre alléger son fardeau. Mais je sais que c'est plus compliqué que ça. Je la regarde avec intensité, laissant mes mots être sincères, sans fard, sans jeu.

-Ethan: Tu es belle, Lila. Ne pense pas autrement.

Ma voix est douce, comme un murmure, et je sens son corps se tendre légèrement. Un souffle court, une hésitation. Puis, lentement, elle dépose sa tête contre mon épaule, son corps se pressant contre le mien comme si elle cherchait un refuge.

Je reste là, immobile, lui offrant ce que je peux. Mon bras se pose doucement autour de ses épaules pour la serrer un peu plus contre moi, mais sans forcer, juste pour lui montrer que je suis là. Que je serai toujours là, dans les moments comme celui-ci.

Elle ferme les yeux, et je sens son souffle se calmer lentement contre ma peau. Il y a quelque chose de paisible dans ce silence partagé, une sorte d'intimité silencieuse entre deux âmes brisées mais prêtes à se comprendre.

Elle murmure enfin, d'une voix tremblante :

-Lila: Je... je ne sais même pas si je mérite... tout ça.

Je lui caresse doucement les cheveux, essayant de la réconforter, même si je ne sais pas vraiment comment.

-Ethan: Tu mérites tout, Lila. Et plus encore que tu ne le penses.

Elle ne répond pas tout de suite, mais je sens son corps se détendre lentement, comme si mes mots s'étaient en quelque sorte immiscés en elle, trouvant une place dans son cœur meurtri.

Le vent léger porte une odeur de sel et d'iode, et pour un instant, tout semble s'éclaircir.

Elle est là, dans mes bras, et c'est tout ce qui compte.

A suivre...