"La peur n’a pas sa place"

La nuit laisse place à une nouvelle aube, où la lumière de Lumenis peine à percer l'épaisse brume recouvrant Umbra. Aleya n'a presque pas dormi. Les mots d'Erhan tournent en boucle dans sa tête, s'insinuant dans chaque recoin de son esprit tourmenté.

"La seule vérité qui compte, c'est celle du sang et du fer." Ces mots, répétés sans cesse par Erhan, résonnent comme une menace.

Le froid mordant d'Umbra filtre à travers la pierre de la demeure, mais ce n'est pas ce qui la fait frissonner. C'est autre chose. Une ombre pesante, un doute insidieux qui refuse de s'éteindre.

Elle se lève lentement, ses muscles endoloris par le manque de sommeil. Dehors, le vent hurle, transportant avec lui des murmures indistincts. Umbra semble toujours parler, mais cette nuit, elle n'a rien chuchoté de rassurant.

Lorsqu'Aleya descend dans la pièce principale, elle trouve son père en train d'aiguiser une lame massive, l'acier crissant contre la pierre d'affûtage. Vael lève les yeux vers elle et hausse un sourcil.

— Tu es debout plus tôt que d'habitude.

Elle hoche simplement la tête. Il observe son visage fatigué, puis pose la lame avec soin avant de se lever.

— Viens avec moi.

Sans attendre de réponse, il sort, l'invitant à le suivre. Aleya hésite un instant avant de lui emboîter le pas.

Le froid extérieur la saisit immédiatement. La brume rampe sur le sol, ondulante, presque vivante. Vael marche d'un pas assuré vers l'arrière de la demeure, où un petit terrain d'entraînement a été aménagé.

— La peur n'a pas sa place ici, déclare-t-il en se retournant vers elle.

Aleya lève un regard incertain vers son père.

— Je n'ai pas peur…, murmure-t-elle, mais même elle sait que c'est un mensonge. Vael croise les bras, l'observant avec intensité.

— Tu veux savoir pourquoi Erhan te pousse autant ?

Aleya hoche la tête, serrant ses petits poings.

— Parce qu'il croit que c'est la seule façon de survivre.

Elle avale difficilement sa salive.

— Et il a raison ?

Un silence s'installe. Puis Vael tend soudainement la main, attrape un morceau de métal usé près du râtelier d'armes et le lance à Aleya. Elle le rattrape de justesse, le poids surprenant ses bras frêles.

— Montre-moi ce que tu sais faire.

Aleya reste figée, incertaine. Son père ne l'a jamais entraînée comme Erhan. Il l'a protégée, lui a enseigné d'autres choses. Mais maintenant… il lui demande de se battre ?

— Allez, attaque-moi, ordonne-t-il d'un ton calme.

Elle hésite, puis serre les dents et s'élance. Le métal qu'elle tient tremble dans ses mains. Son coup est maladroit, hésitant. Vael le bloque d'un simple mouvement du bras, repoussant l'arme sans effort.

— Plus fort.

Elle recommence. Encore. Et encore. Mais à chaque tentative, il l'arrête, implacable, comme si elle n'était rien d'autre qu'un souffle de vent.

— La peur t'empêche d'être forte, déclare-t-il en reculant d'un pas. Ce n'est pas ta faiblesse qui te freine, c'est ton doute.

Aleya baisse son arme, à bout de souffle, chaque respiration difficile et lourde.

— Je…

— Encore.

Elle lève les yeux vers lui, cherchant quelque chose, une réponse, une explication. Mais tout ce qu'elle voit, c'est l'attente. Il ne veut pas la blesser. Il veut qu'elle comprenne.

Elle prend une profonde inspiration et fonce de nouveau. Cette fois, quelque chose est différent. Son coup est plus vif, plus déterminé. Vael esquive avec aisance, mais un sourire effleure ses lèvres.

— Mieux.

Elle s'arrête, le cœur battant. Une chaleur nouvelle naît en elle. Elle n'est pas encore forte. Mais elle peut le devenir.

Vael s'agenouille face à elle, posant une main sur son épaule.

— Erhan voit la force comme une armure. Mais moi, je vois autre chose en toi. Une flamme qui ne demande qu'à grandir.

Aleya sent ses doigts se resserrer sur l'arme.

Elle ne laissera plus la peur la contrôler.