Le silence pèse sur la demeure, seulement troublé par le crépitement du feu dans l'âtre. Aleya fixe l'entrée, les mains crispées sur le rebord de la table. Cela fait plusieurs jours qu'Erhan n'est pas revenu. Ses frères, sont partis le chercher avec leur père, inquiet, laissant Aleya et sa mère, Liza, seules dans l'attente.
— Il reviendra, souffle Liza d'une voix douce, passant une main apaisante dans les cheveux de sa fille.
Aleya hoche la tête, mais une boule d'angoisse lui noue la gorge. Quelque chose ne va pas.
Puis, enfin, des bruits de pas résonnent à l'extérieur. Le grincement de la porte qui s'ouvre lentement laisse entrer un vent glacial. Erhan vient de rentrer, accompagné de ses frères. Mais Vael… Vael n'est pas là.
Liza se lève d'un bond.
— Où est votre père ? demande-t-elle, la voix tremblante.
Aucune réponse. Les frères d'Erhan évitent son regard. Erian, le plus jeune, semble terrifié. Keldros, Valhen et Orvas gardent un silence froid. Mais c'est Erhan qui attire immédiatement l'attention d'Aleya.
Il se tient là, une étrange épée noire à la main, son aura plus sombre que jamais. Sa silhouette est rigide, son regard dur et… vide.
— Erhan… murmure Liza, le regardant avec une inquiétude grandissante. Qu'as-tu fait ?
L'aîné relève les yeux vers elle, et un sourire étrange effleure ses lèvres. Un sourire qui n'est pas le sien.
— Père est faible, déclare-t-il enfin. Il n'a pas compris ce que signifie être fort.
Son ton est froid, mécanique.
— Où est-il ? insiste Liza, un frisson parcourant son échine.
Erhan fait un pas en avant, levant légèrement l'épée. Son tranchant luit d'une lumière spectrale, pulsant comme un cœur battant.
— Père n'a pas voulu comprendre. Alors Mizerith l'a puni.
Un silence de mort s'abat sur la pièce.
Aleya sent son sang se glacer. Cette épée… Elle dégage quelque chose d'anormal. Comme si elle était vivante, comme si elle murmurait des promesses interdites à son frère.
Liza se place instinctivement devant sa fille, son instinct maternel en alerte.
— Cette chose… Ce n'est pas toi, Erhan. Pose cette épée, supplie-t-elle.
Mais le sourire de son fils s'élargit.
— Tu ne comprends pas, Mère. Elle m'a choisi. Elle me rend plus fort. Et bientôt, je n'aurai plus de rivaux.
Il lève lentement la lame, et un frisson malsain parcourt l'assemblée.
— À commencer par vous.
L'épée noire s'illumine d'un éclat sinistre. En une fraction de seconde, Erhan traverse la pièce. Un cri fend l'air.
Liza porte une main à sa poitrine, une expression de stupeur gravée sur son visage. Son propre fils vient de la transpercer de part en part.
— M-Mon… fils…
Aleya hurle. Elle voit le corps de sa mère s'effondrer, du sang s'écoulant sur le sol froid. Liza tourne un dernier regard vers elle, un regard brisé, puis la vie quitte ses yeux.
Un silence insupportable s'abat.
Erhan tourne alors son regard vers Aleya, la lame encore dégoulinante. Son sourire s'est effacé. Ce n'est plus son frère. C'est autre chose. Un monstre dévoré par sa propre jalousie.
— Tu ris avec elle, mais moi… Moi, j'étais seul, gronde-t-il. Mizerith m'a montré la vérité. Il n'y a pas de place pour les faibles. Seulement pour ceux qui prennent ce qu'ils méritent !
Il lève l'épée, prêt à frapper.
L'instinct prend le dessus. Elle esquive de justesse, roulant sur le côté alors que la lame s'abat à l'endroit où elle se tenait un instant plus tôt. L'entraînement de Vael. Ses réflexes l'ont sauvée. Le sol se fissure sous l'impact de l'épée, dégageant une onde d'énergie sombre.
— Tu ne peux pas fuir, petite sœur… souffle Erhan d'une voix presque chantante.
Mais elle ne compte pas rester là.
Sans attendre, elle court. Elle franchit la porte, le vent glacé d'Umbra lui fouettant le visage. Derrière elle, les pas d'Erhan résonnent.
Aleya ne réfléchit plus. Son corps se meut seul, guidé par une seule pensée : fuir.
Elle s'élance vers la forêt entourant Zephior, non loin de leur demeure. Là-bas, peut-être, elle aura une chance de lui échapper. Peut-être…
On raconte que Mizerith, l'épée maudite, naquit des ténèbres de la jalousie d'un démon avide de vengeance. Lors de la Grande Guerre, son premier porteur, empli de haine, sema un massacre sans fin. Mais sa soif de sang le conduisit à sa perte : le souffle dévastateur du dragon du Chaos, lors de l'impact de Zephior, foudroya celui qui brandissait l'épée. Pourtant, Mizerith survécut, imprégnée de la puissance du dragon et des âmes perdues dans le sillage de la jalousie. De cette époque sombre naquit l'arme légendaire, dormant depuis dans les abîmes de la faille.