"Cours, Petite Souris"

L'obscurité de la forêt avale Aleya alors qu'elle court à perdre haleine. Les arbres décharnés se dressent autour d'elle, et chaque pas qu'elle fait semble l'enfoncer plus profondément dans cet enfer végétal. Son cœur bat à tout rompre, et sa respiration résonne dans le silence oppressant. Elle sait qu'ils sont derrière elle. Elle sait qu'il est derrière elle.

Puis, un rire éclate dans l'air, glacé, distordu, presque inhumain.

Ah... Ahaha... AHHAHAHAHAHA !

— Tu crois vraiment pouvoir nous échapper, Aleya ?!

La voix d'Erhan se faufile entre les arbres comme un murmure venimeux, ricochant d'un tronc à l'autre. Un frisson parcourt son échine. Il ne crie pas. Il ne s'énerve pas. Il s'amuse.

— Petite sœur…

Le rire recommence, plus proche, plus sinistre.

Aleya ravale un sanglot et accélère, les branches griffant son visage. Chaque ombre est une menace, chaque bruissement un avertissement. Ils jouent avec elle. Ils la traquent comme une proie.

Un sifflement fend l'air. Une pierre jaillit d'entre les ténèbres et s'écrase à quelques centimètres d'elle, explosant contre l'écorce d'un arbre dans un bruit sourd. Valhen. Son pouvoir de renforcement rend ses projectiles aussi meurtriers que des boulets de canon.

D'autres pierres fusent. L'une d'elles effleure son épaule, mais une autre trouve sa cible. Une douleur fulgurante explose dans son bras droit. Un craquement atroce résonne dans son corps.

Elle étouffe un cri et titube. Sa vision se brouille, des larmes de douleur coulant sur ses joues. Son bras pend mollement le long de son corps, inutilisable. Son pouvoir naturel de régénération commence déjà à agir, mais elle sait que ce ne sera pas instantané. Son niveau est trop bas comparé à celui de Valhen. Elle est une proie blessée, traînant son propre corps vers une issue inexistante.

Prenant plaisir à cette chasse, Erhan murmura, sa voix se répercutant entre les arbres

— Tu ralenti...

L'écho glissa entre les troncs, s'étirant dans de la forêt avec un amusement sadique.

— Tu souffres, Aleya ?

Serrant sa mâchoire de toutes ses forces, elle reprend sa course. Peu importe la douleur. Peu importe la peur. Elle doit survivre.

Mais le sol devient traître sous ses pieds. Une racine surgit de l'ombre. Elle n'a pas le temps de l'éviter.

Elle s'écroule violemment, dévalant la pente sur plusieurs mètres Avant de heurter une souche tête la première. Un goût métallique envahit sa bouche. Elle veut se relever, mais ses jambes tremblent, son corps refuse de bouger immédiatement. Le rire d'Erhan retentit de nouveau, plus fort, plus proche.

— Te voilà prise au piège…

Elle lève les yeux, son sang se glaçant dans ses veines.

Devant elle, un gouffre s'ouvre dans la terre, béant, sans fond. L'entrée de la faille de Zephior. Un abîme de ténèbres qu'elle ne peut franchir. Et derrière elle, les ombres de ses frères se dessinent entre les arbres.

Erhan s'avance le premier, un sourire cruel étirant ses lèvres. Son regard brille d'une folie dévorante, et l'épée noire vibre entre ses doigts, avide de sang.

— Alors, petite sœur…

Il lève Mizerith, la lame pulsant comme une créature vivante…

— Cours, petite souris…

Mais Aleya ne bouge pas. Elle sait qu'elle n'a plus d'échappatoire.

Le vent souffle, soulevant la poussière autour d'elle. Son bras tremble, toujours brisé, son corps endolori ne lui laisse que peu d'options, mais elle refuse de céder à la panique.

Un pas. Puis un autre. Erhan s'approche lentement, savourant chaque seconde, sa silhouette s'allongeant sous l'éclat de la lune. Derrière lui, Valhen et Orvas se placent en arc de cercle, Keldros, quant à lui, reste en retrait. Bloquant toute retraite.

Le regard d'Erhan s'assombrit, sa poigne sur Mizerith se raffermit. Il n'y aura pas de clémence.

Aleya déglutit. L'air est si froid, si lourd, que chacun de ses souffles lui fait mal. Elle recule d'un pas, frôlant le vide de la faille. Un pas de plus, et elle basculera dans l'inconnu.

Son regard s'accroche à Erhan. A cette expression qu'elle n'avait jamais vue chez lui, ce mélange de triomphe et d'un plaisir malade.

Elle serre les poings. Non. Elle refuse de lui donner cette satisfaction.

Son pied glisse. Un instant suspendu dans l'air, l'abîme l'appelle.

Et Aleya fait son choix.

Dans un dernier regard vers Erhan, elle se laisse tomber en arrière, disparaissant dans les ténèbres de la faille de Zephior.