Le vide l'aspire.
L'air siffle à ses oreilles alors qu'elle chute. L'adrénaline pulse dans ses veines, mais elle ne peut rien faire. Rien d'autre qu'attendre l'impact.
Le premier choc vient trop vite. Son épaule percute une paroi rocheuse, arrachant un cri. La douleur explose dans son bras déjà blessé. Mais la chute continue. Une racine tordue surgit des ténèbres, lui lacérant la jambe en la renvoyant contre la roche. Un craquement sourd résonne. Ses os se brisent un à un sous l'impact.
Sa tête heurte violemment une aspérité, et des éclats de lumière dansent devant ses yeux. Du sang chaud coule sur son front, se mêlant à la sueur et à la crasse. La descente semble interminable, chaque rebond lui arrachant un gémissement de douleur. Ses mains cherchent à agripper quelque chose, n'importe quoi, mais seules des pierres coupantes lui répondent. Ses doigts s'éraflent, sa peau se déchire, ses forces l'abandonnent peu à peu.
Enfin, l'ultime impact. Son dos s'écrase brutalement contre le sol, soulevant un nuage de poussière. L'onde de choc la traverse tout entière.
Elle ne bouge plus.
Le silence s'abat sur la clairière.
Seule l'odeur du sang persiste, se mêlant à une étrange fraîcheur végétale. La douleur est insoutenable. Chaque respiration est une lutte, chaque battement de cœur un supplice. Son bras est toujours brisé, ses jambes refusent de répondre.
Elle ouvre les yeux, le regard embué.
Autour d'elle, un paysage étrange. Une clairière cachée dans les profondeurs de la faille, où la végétation semble différente du reste de l'environnement. Les parois s'élèvent en un mur infranchissable, engloutissant l'endroit dans une pénombre étouffante. Pourtant, quelques plantes luisent faiblement, comme si elles captaient la moindre bribe de lumière venue d'au-delà des hauteurs.
Aleya tente de se redresser, mais son corps proteste violemment. Sa respiration siffle dans le silence. Chaque mouvement est un supplice. Elle a besoin de temps…
Et du temps, elle va en avoir.
Là-haut, bien loin de cet enfer souterrain, ses frères la traquent encore.
— Elle n'a pas pu survivre à cette chute, grogne Valhen.
— Peut-être, mais mieux vaut s'assurer qu'elle n'ait pas trouvé un moyen de s'en sortir, répond Orvas d'un ton neutre.
Erhan, lui, observe l'abîme d'un regard intense, son sourire toujours présent.
Mais un autre regard les observe tous. Un regard fauve, analytique. Celui d'Erian.
Le plus silencieux du groupe, celui dont l'avis compte lorsqu'il s'agit de traquer une proie. Son pouvoir ne lui a jamais fait défaut. Et pourtant…
— Elle a dû tomber de l'autre côté, là où la roche s'est effondrée, dit-il en désignant une direction opposée à la clairière.
Orvas hoche la tête, convaincu.
— On suit cette piste. On la trouvera plus bas si elle est encore en vie.
Erhan ne bouge pas immédiatement. Son regard glisse sur la faille, son instinct lui hurlant que quelque chose cloche. Mais il se détourne finalement, un rictus aux lèvres.
— Très bien. Allons chasser.
Erian reste en arrière quelques secondes de plus, fixant les profondeurs de la faille. Puis il tourne les talons, cachant son choix derrière une expression impassible.
Le temps d'Aleya est compté, mais il lui en a offert un peu plus.
Aleya rouvre lentement les yeux, sa conscience vacillant entre la douleur et l'épuisement. Sa régénération fonctionne, mais elle est lente. Très lente.
Un bruissement attire son attention.
Dans l'ombre d'un rocher, une petite silhouette se tapit.
Aleya plisse les yeux, tentant d'ignorer la douleur qui vrille son crâne. La créature est minuscule, recroquevillée derrière la pierre. De grands yeux inquiets l'observent avec une prudence teintée de curiosité.
Lentement, la petite chose recule, se fondant presque dans l'obscurité. Mais elle ne fuit pas.
Aleya et l'étrange créature se dévisagent en silence.
Et dans ce moment suspendu entre la peur et l'inconnu, l'abîme semble retenir son souffle.