"Lueur au bord du feu"

La lumière décline. L'horizon s'embrase doucement, repeignant les cimes d'une teinte orangé. Aleya suit le groupe sans un mot, à bonne distance. Ses pas foulent les feuilles mortes avec précaution, comme si elle marchait sur du verre. Elira, à l'avant, jette parfois un coup d'œil en arrière, un sourire en coin, comme si elle savait déjà ce qu'Aleya pensait.

Le chemin débouche sur une petite étendue d'herbes. Un cercle de pierres noircies témoigne d'un ancien feu de camp. Sans attendre, Brandon dépose son sac, roule des épaules et se met à l'œuvre. Il sait ce qu'il fait. Son regard balaie les alentours avec calme, comme s'il pouvait lire dans la forêt.

— "Elira, bois sec. Lian, si t'attrapes encore un lièvre vivant, essaie au moins de pas le ramener en te marrant comme un gosse."

— "C'est pas ma faute s'il me saute dans les bras, j'ai un charme naturel." Lian ricane en disparaissant derrière les arbres.

Aleya reste figée, un peu en retrait. Elle observe sans intervenir. Ces trois là fonctionnent comme un rouage bien huilé. Aucun ordre, juste une routine presque instinctive. Et ce ton… familial, détendu. Presque irréel.

Elira, se penche vers Aleya avec un sourire léger.

— "Tu peux rester là à jouer la statue toute la soirée, ou nous rejoindre avant que Lian décide que t'es un esprit de la forêt. Il aime bien parler tout seul aux arbres."

Aleya fronce les sourcils, mais Elira ne recule pas. Elle s'accroupit, allume le feu avec deux pierres, tout en parlant d'un ton tranquille, presque amusé.

— "J'ai connu des bestioles plus agressives que toi qui ont fini par ronronner près du feu." Elle redresse les yeux. "Personne va te forcer à parler. Mais t'es pas en danger ici."

Aleya ne répond pas, mais elle s'avance finalement, à pas lents. Elle reste debout, les bras croisés, tandis que les premières flammes apparaissent. Brandon revient avec des pierres plates qu'il dispose pour entourer le foyer. Il adresse un regard chaleureux à Aleya.

— "Ça fait plaisir de voir un visage neuf. Elira mord pas. Enfin… sauf si elle a vraiment faim."

Elira lui balance un caillou, sans grande conviction. Brandon éclate de rire.

— "Voyez ? Elle m'adore. "

Lian surgit dans la clairière avec un petit paquet en toile, du gibier déjà prêt. Il l'agite fièrement.

— "On mange chaud ce soir. Et pas de champignons bizarres, cette fois."

Le feu crépite. L'odeur du bois brûlé se mêle à celle du gibier grillé. Aleya s'assied enfin, en silence. Elle ne regarde pas les autres, mais ses épaules sont moins tendues. Brandon s'en aperçoit. Il lui tend une gamelle.

— "C'est pas un banquet royal, mais tu verras, on s'en sort."

Elle hésite, prend le plat sans un mot. Le goût est simple. Chaud. Réconfortant. Et ce silence… ce n'est pas un silence pesant, comme elle en a l'habitude. C'est celui d'une respiration partagée, d'un instant volé à la guerre et à la fuite.

Elira l'observe à travers les flammes, les bras posés derrière la tête.

— "Demain, on bougera à l'aube. On passe par les hauteurs pour éviter la brume. Tu peux rester avec nous. Si tu restes… va falloir apprendre à supporter nos blagues pourries."

Brandon ajoute avec un sourire en coin :

— "Et les ronflements d'Elira. C'est un rite de passage."

— "Je vous jure que si je me réveille et que vous m'avez coincé une plume dans le nez, je vous étripe."

Lian s'étale dans l'herbe en rigolant.

La nuit tombe pour de bon. Le feu lance des ombres mouvantes. Aleya sent une tension étrange en elle. Une forme de relâchement. Inquiétant… mais agréable. Elle ne parle toujours pas. Mais elle reste. Elle regarde les flammes. Écoute leurs voix.

Et, peut-être pour la première fois depuis longtemps, elle ne se sent pas seule.