Pendant qu'Iris jouait son drame improvisé, j'avais eu suffisamment de temps pour préparer des explosifs assez puissants pour faire s'effondrer les bâtiments alentour et ensevelir la foule sous les déclins. Cette opération n'aurait pas été possible sans les caches d'armes de Victor, dont lui seul connaît la véritable raison d'existence.
J'étais perché sur le toit d'un hôpital, à un kilomètre de la scène, offrant une vue panoramique sur la grande place. Assez loin pour éviter d'être repéré grâce aux bâtiments environnants, mais suffisamment proche pour bénéficier d'un excellent point de tir. Personne ne pourrait imaginer qu'un tireur d'élite était positionné ici. Et si ma couverture venait à être compromise, je pourrais toujours me fondre parmi les blessés qui ne manqueraient pas d'affluer après ce que j'allais déclencher.
Je n'avais arrêté de réfléchir, de visualiser chaque détail, d'anticiper la réaction des Exécuteurs. Si j'avais eu plus de temps – ne serait-ce qu'une journée supplémentaire – j'aurais été plus serein. Mais il était trop tard pour tergiverser.
Je me couche sur le béton, un œil fermé, l'autre fixé sur mon viseur. Une grande inspiration gonfla mes poumons, calmant les battements de mon cœur. Autour de moi, les mégaphones hurlaient, la foule scandait des slogans, mais je n'entendais plus rien. Juste un silence sourd, un vide étrange dans ce torrent de bruit. La chaleur était écrasante, la sueur collait à ma peau. Pourtant, la seule chose que je ressentais vraiment, c'était la froideur du métal sous mes doigts.
Les tirs à longue distance n'avaient jamais été mon point fort. J'étais un bon tireur, sans plus. Mais je n'avais pas le droit de douter. Allez, ma belle, je compte sur toi, murmurai-je en caressant doucement la crosse du fusil. Les armes demandent de la douceur. Si tu veux qu'elles obéissent, il faut leur parler avec respect.
Lorsque la faute en colère prend d'assaut l'estrade, je m'efforçai de ne pas laisser mes émotions intervenir. En combat direct, je n'aurais aucune chance contre les Exécuteurs. Mais si les cartes en main ne me permettaient pas de gagner, alors il me restait une seule option : changer les règles du jeu.
Et j'avais un avantage qu'ils n'avaient pas.
Je connaissais leurs priorités. Ils étaient là pour recruter. Ils ne resteraient pas les bras croisés en voyant des gens mourir avant même leur éveil. Autrement dit, si je prends la faute en otage, ils seraient contraints de la protéger. Et protéger une faute paniquée est bien plus difficile que de tuer.
Dès que le public, sous le charme du talent d'actrice d'Iris, se rua sur la scène, j'appuyai sur le détonateur.
Les bâtiments explosèrent dans un grondement assourdissant. Une avalanche de gravits s'abattit sur la place, projetant des éclats de pierre et de métal dans toutes les directions.
Mon cœur manqua un battement. Et si je m'étais trompé ? Si des innocents mouraient pour rien ?
La panique fut immédiate. Ceux qui se retrouvent dans la trajectoire des débris restent tétanisés par la peur, incapables de bouger. D'autres, dans une tentative désespérée de fuite, furent écrasés par la vague humaine qui se précipitait dans tous les sens.
Puis, un éclair fenit le ciel.
La foudre s'abattit avec un fracas terrifiant, pulvérisant les déclins avant qu'ils ne puissent atteindre la faute.
Grégoire.
Il avait réagi au quart de tour, devançant ses collègues. Les autres Exécuteurs ne tardèrent pas à suivre. En un instant, ils se dispersèrent dans six directions différentes, formant un hexagramme. Ils préparent quelque chose. Leur coordination était impressionnante. Aucune hésitation, aucun ordre crié. Comme s'ils communiquaient par un moyen que j'ignorais.
Dès qu'ils furent en place, un bouclier semi-transparent d'une lueur blanche enveloppa la foule
Les explosions n'avaient blessé personne. Certes, plusieurs étaient à terre, évanouis ou piétinés, mais aucun mort.
Je jetai un coup d'oeil vers l'estrade. Brenda avait disparu. Lucy avait dû profiter du chaos pour la sauver pendant que les Exécuteurs se concentraient sur la protection du public.
Il ne me restait plus qu'une chose à faire : effacer tout soupçon.
Iris était toujours là, accroupie, tremblante de peur. Son jeu d'actrice était impeccable. Pourtant, après la catastrophe, elle serait nécessairement associée. Sauf si quelqu'un détournait l'attention.
Mes doigts tremblaient légèrement. Pour la première fois.
Je recentrai mon viseur sur elle.
Si elle devenait une victime, personne ne la soupçonnerait. Au contraire, on accusait l'un des partisans du maire d'avoir tenté de la réduire au silence.
Il m'a fallut tout mon courage. Un sang-froid absolu.
J'appuyais sur la détente.
La balle fusa.
Elle l'atteint exactement là où je le voulais.
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