Promesse

Après avoir fini de parler, Brenda avait perdu à nouveau conscience. Elle ne s'était toujours pas remise du choc psychologique.

Pourquoi avait-il été laissé en vie ? Était-ce juste pour le spectacle ?

Soupir. Pourquoi la vie doit-elle être si compliquée ?

Un silence régnait dans la pièce. Il faudrait du temps pour digérer la nouvelle.

Ainsi, plus d'une heure s'écoula sans qu'un mot ne soit prononcé, jusqu'à ce que Lucy y mette fin.

"Hé, Victor... Lorsque tu m'as confié cette mission, tu savais bien avant que les billets pour la capitale étaient des faux. À ce moment-là, je n'avais pas réfléchi, mais le fait qu'il y en ait trois alors que la personne était seule... De plus, est-ce que tu étais au courant de ce que Brenda prévoyait avant même qu'elle puisse agir ?"

Il ne donna aucune réponse. Plutôt, il prit une gorgée de son café avant d'y ajouter un peu de whisky, le but d'un trait, alluma une cigarette, puis, après avoir inhalé une bonne bouffée, se mit enfin à parler :

"Depuis qu'elle travaille pour moi, elle s'est toujours comportée comme ma propre fille, à tel point que j'ai fini par la considérer comme telle. La raison pour laquelle beaucoup de monde, dans ma profession, ne m'arrive pas à la cheville, c'est que j'ai toujours su pressentir le bon tuyau. Bien sûr, ce n'est rien comparé à l'intuition monstrueuse de notre Iris."

"Je suis au moins capable de savoir quand mon heure est arrivée, mais je sais aussi que vous, les jeunes, avez encore un bout de chemin devant vous."

Pour une surprise, c'en était une : ce vieil homme avait aussi un cœur.

Il resta silencieux avant de poursuivre :

"Alors, les petits, que prévoyez-vous de faire face à ce bordel ?"

"Je ne sais pas."

Le dis-je vraiment ?

"Je pensais que j'aurais des réponses, mais j'en ressors avec plus de questions que je n'en ai appris. Cette situation est trop irrationnelle... Si tu me disais que je suis dans un cauchemar, je n'en douterais pas tant que je pourrais me réveiller."

PFT.

"Qu'est-ce que j'ai dit de si drôle ?"

"Désolé, frérot, ne le prends pas mal, mais c'est trop bizarre de t'entendre reconnaître que tu ne sais pas quoi faire. C'en est hilarant."

"Iris a raison, t'es totalement un... Mmh... Comment je peux le dire sans t'offenser ?"

Tsk. Si ce n'était pas déjà fait...

"Un maniaque du contrôle doublé d'un monsieur je-sais-tout."

"Je vais m'abstenir de répondre, en tant que quelqu'un de mature."

C'est ainsi que nous nous séparâmes, laissant Victor prendre soin de Brenda, et rentrâmes chez nous en évitant, bien sûr, les regards indiscrets.

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J'avais une belle vue depuis le toit de la maison. Le ciel était clair, on ne pouvait voir aucune étoile à l'horizon, seule la lune éclairait ce monde.

"À quoi penses-tu ?"

"À quel point le ciel est beau sans étoiles."

"Lorsqu'on s'appelle Sirius, c'est bizarre de ne pas aimer les étoiles."

"Eh bien, j'aimerais moi aussi savoir pourquoi."

"N'as-tu pas froid ?"

Avant que je puisse répondre, Lucy nous couvrit d'une épaisse couverture, nous obligeant à nous asseoir côte à côte.

"Alors, qu'est-ce qui te trouble autant ?"

Il faisait assez chaud dans cette couverture.

"Je n'arrête pas de me poser sans cesse des questions. D'où peut bien sortir un tel nombre de Calamités ? Astoria n'est pas une ville frontalière où les combats se déroulent. La base militaire du Nord est située à 200 km et sert de bouclier à la ville. Pour dire à quel point Astoria n'a jamais été menacée directement, même l'Ordre n'a pas jugé utile d'y poster une équipe permanente d'Exécuteurs."

"Une telle armée ne peut pas être apparue par magie. Leurs déplacements auraient forcément alerté la base militaire… Alors comment est-ce possible ?"

"Et puis, des Exécuteurs qui s'associent à des Calamités ? C'est insensé. Elles les tueraient à vue. Qu'est-ce qu'elles espèrent accomplir ? Elles peuvent raser cette ville quand elles veulent, alors pourquoi ont-elles besoin que des gens s'éveillent ?"

"Je déteste ça. Je me sens..."

"Impuissant," finit Lucy avant de poursuivre.

"Moi aussi, toute cette journée est si étrange que j'ai l'impression de rêver…"

"L'un vit un cauchemar tandis que l'autre se croit en train de rêver... N'êtes-vous pas mignons ?"

A-t-elle un don pour s'imaginer des choses ?

"Oh, il fait froid ici..."

Iris se blottit aussitôt dans la couverture, se plaçant au milieu de nous.

"Oups, est-ce que je vous ai dérangés par hasard à un moment crucial ?"

Il s'ensuivit un silence assez gênant. Seul les murmures du vent rompait ce monde de silence jusqu'à ce que.

"Sirius, Lucy, vous vous souvenez de ce qu'on s'est juré à l'orphelinat ?"

"Tu fais allusion à la promesse qu'on s'est faite ? On avait quoi... 4 ans ?" répondis-je.

Un instant de silence avant que nous prononcions simultanément, d'une voix déterminée :

"Si un jour je dois mourir, alors je mourrai de ta main."

Nous nous étions juré, ce jour-là, que ni le monde ni les monstres qui tentaient de nous façonner ne nous vaincraient.

"Vous vous en souvenez, n'est-ce pas ? Cette promesse nous a permis de survivre à chaque fois qu'on était sur le point d'abandonner. Et ce n'est pas aujourd'hui que nous allons la briser."

Elle prit une grande inspiration avant de poursuivre :

"J'ai décidé de subir l'Éveil, pas à cause de la volonté de quelqu'un, mais parce que je le veux et j'en ai décidé ainsi."

Elle regarda le ciel, ses cheveux balayés par le vent, avant d'ajouter :

"Si le jeu me condamne à perdre, j'en changerai les règles."

Ces mots... Donc, elle s'en souvient.

"Iris a raison, on ne peut pas toujours se laisser faire."

Qu'est-ce qu'elles ont ? Savez-vous ce qu'on risque ?

J'ouvris la bouche, mais aucun mot ne put en sortir. Au fond de moi, je le savais : il n'y avait pas d'autre moyen. J'avais juste peur de les perdre. La pensée qu'Iris ou Lucy puissent ne pas s'en sortir me terrifiait. Mais ne pas agir nous condamnait tous à mort. Avions-nous seulement un choix à faire ?

Que faire ?

Soupir.

Je me souvenais... Si nous avons pu survivre à cet orphelinat, ce n'était pas parce qu'on était les plus forts ni les plus intelligents. On a dû s'adapter à tout et, par-dessus tout...

Je me levai, un sourire ornant mes lèvres.

"Vous aviez raison. Si le monde entier voulait notre mort, alors je le changerai."

"Et puis, qu'est-ce qui se lève contre nous ? Ce n'est qu'une simple armée de Calamités et un complot dont nous ignorons même la profondeur."

"Nous allons tous subir l'Éveil. Même la mort ne pourra nous retenir."

Nous joignîmes nos mains.

"C'est une promesse."