Le rugissement du vent s'intensifie alors que nous approchons enfin du vieux centre commercial désaffecté. La pluie frappe le pare-brise avec une telle force que même les essuie-glaces peinent à dégager une vision claire. Chaque éclair illumine brièvement les contours du bâtiment délabré, révélant sa façade éventrée par le temps et les intempéries.
Je fixe l'édifice devant nous, les sourcils froncés. Le bâtiment a l'air robuste, mais est-ce qu'il tiendra face à la tempête qui approche ? Les rafales secouent déjà les arbres autour, projetant des débris contre les murs fissurés. Une partie du toit semble abîmée, et les panneaux publicitaires sont éventrés.
Jack serre le volant, les jointures de ses doigts blanchies sous la pression. « Il tiendra. Ce genre de structure est fait pour résister. » Il marque une pause, observant l'entrée béante du centre commercial. « Enfin, j'espère. Mais on n'a pas vraiment d'autre choix. »
Je le fixe un instant avant de tourner mon regard vers l'édifice. La structure a l'air solide, du moins en apparence. Les anciens panneaux publicitaires sont à moitié arrachés, et certaines vitres manquent à l'appel, remplacées par des ouvertures béantes donnant sur une obscurité menaçante. Mais c'est notre seule option.
« On n'a pas vraiment le choix », dis-je en déglutissant.
Il acquiesce en silence et gare la voiture aussi près que possible d'une entrée latérale, à l'abri du vent dominant. Dès qu'il coupe le moteur, le silence oppressant de l'instant est brisé par la furie de la tempête autour de nous.
Nous attrapons nos sacs et nous préparons à sortir. Dès l'instant où j'ouvre la portière, le vent s'engouffre à l'intérieur avec une violence saisissante. La pluie me fouette le visage et s'infiltre dans mes vêtements en quelques secondes. Jack contourne le véhicule et me fait signe de le suivre.
Nous courons à travers les flaques, évitant les morceaux de tôle et de bois projetés par le vent. Arrivés à l'entrée, nous nous heurtons à une porte métallique rouillée, visiblement condamnée depuis des années.
Jack tire dessus sans succès. « Putain... »
Je scrute les alentours, cherchant une alternative. Un peu plus loin, une série de fenêtres brisées laissent entrevoir un accès potentiel. « Là-bas », dis-je en pointant du doigt.
Nous nous précipitons et, avec précaution, Jack repousse quelques morceaux de verre avant de m'aider à passer à l'intérieur. Une fois dedans, je l'aide à mon tour à se faufiler à travers l'ouverture étroite.
L'obscurité nous enveloppe immédiatement. L'air est lourd, chargé d'humidité et de poussière. L'écho du vent s'engouffrant par les brèches donne au lieu une résonance lugubre. Jack allume la lampe de son téléphone, projetant un faisceau tremblant sur les murs couverts de graffitis.
« Super endroit... » souffle-t-il. Il tourne la tête vers moi avec un sourire en coin. « Franchement, Riley, t'aurais pu choisir un lieu plus romantique pour notre petite escapade. »
Je lui lance un regard en coin, secouant légèrement la tête. « Désolé, le restaurant aux chandelles était complet. Et la suite avec vue sur l'océan aussi. »
J'avance lentement, mon cœur battant à un rythme irrégulier. Des flaques d'eau parsèment le sol, s'infiltrant sans doute par les failles du toit. Quelques étagères métalliques éventrées traînent au milieu de la pièce, témoins muets d'un passé révolu.
Un bruit soudain me fait sursauter. Un craquement, quelque part dans l'ombre.
Je me fige. Jack aussi.
Le silence s'étire. Puis un autre bruit. Plus proche cette fois.
Nous ne sommes peut-être pas seuls.
Jack lève légèrement sa lampe, balayant la pièce d'un faisceau incertain. Les ombres projetées par les objets abandonnés dansent sur les murs fissurés, rendant l'atmosphère encore plus oppressante. Je retiens mon souffle, chaque muscle de mon corps tendu, attendant un autre son, un autre signe de présence.
Un léger raclement résonne à quelques mètres de nous, comme si quelque chose glissait sur le sol. Mon regard croise celui de Jack, et sans un mot, il se met lentement en mouvement, avançant prudemment vers l'origine du bruit.
Je serre les poings, ma respiration ralentie pour ne pas perturber le silence pesant. L'air est glacial ici, contrastant avec la chaleur humide laissée par la tempête à l'extérieur. Mes chaussures crissent légèrement sur le sol humide, me donnant l'impression d'être terriblement bruyante.
Jack s'arrête brusquement et me fait signe. Là, juste devant nous, un vieux chariot de supermarché bascule légèrement sur le côté, encore en mouvement, comme si quelque chose venait tout juste de le pousser.
Mon cœur cogne contre ma poitrine. « Il y a quelqu'un ? » ma voix résonne dans l'espace vide, se répercutant sur les murs délabrés.
Silence.
Jack resserre sa prise sur son téléphone, prêt à réagir. « Si quelqu'un est là, on ne cherche pas d'ennuis. On veut juste un endroit où passer la nuit. »
Toujours rien. Seul le vent qui s'engouffre par les fissures du toit et le bruit lointain de la pluie martelant l'extérieur accompagnent notre attente tendue.
Puis, un autre bruit. Mais cette fois, ce n'est pas des pas. Un raclement distinct, comme si quelque chose griffait une surface dure, suivi d'un bruit de petits bonds rapides. Jack fronce les sourcils et braque la lampe vers l'origine du son.
Une ombre fuse entre deux étagères renversées. Mon cœur s'arrête une seconde avant que je n'entende un couinement aigu. Jack souffle un rire nerveux. « Tu veux pas me dire qu'on vient de flipper pour un foutu raton laveur ? »
Je relâche un soupir en posant une main sur ma poitrine, tentant de calmer mon rythme cardiaque. L'animal, visiblement aussi paniqué que nous, détale et disparaît dans l'obscurité, nous laissant avec l'écho de notre propre paranoïa.
Un autre couinement attire mon regard. Je plisse les yeux et avance prudemment, braquant la lampe de mon téléphone vers l'origine du bruit. Entre deux étagères effondrées, une silhouette plus massive que prévu se débat maladroitement, coincée dans un amas de débris.
Jack éclaire à son tour, et nous découvrons un écureuil, trempé et terrorisé, les pattes arrière empêtrées dans un vieux filet de protection effondré. Son pelage est hérissé, ses petits yeux brillent sous la lumière, et son souffle rapide trahit sa panique.
Je soupire en posant une main sur ma poitrine. « Je crois qu'on a trouvé notre squatteur... »
Jack laisse échapper un petit rire, soulagé. « Génial. On lutte déjà contre la tempête, et maintenant, on doit jouer aux sauveteurs d'écureuils. »
Je m'accroupis lentement, parlant doucement pour ne pas l'effrayer davantage. «On va te sortir de là, calme-toi. »
L'écureuil frissonne et tente de bouger, mais le filet emmêlé l'empêche de se dégager. Il pousse un couinement plaintif, visiblement épuisé. Jack soupire et s'accroupit à côté de moi, passant une main sur son visage humide avant de sortir son couteau de poche.
« Tiens la lampe stable, je vais couper ça. »
J'acquiesce et éclaire la scène pendant que Jack entaille soigneusement les fils qui emprisonnent l'animal. L'écureuil tressaute à chaque coupure, mais il ne tente pas de mordre ni de fuir, comme s'il comprenait que nous l'aidions.
Après quelques instants, le filet cède enfin et l'animal bondit hors de la masse de débris. Il s'arrête à quelques pas de nous, nous fixant avec méfiance, puis détale dans l'obscurité sans demander son reste.
Jack se redresse en s'époussetant. « Mission sauvetage accomplie. Tu crois qu'on peut maintenant trouver un endroit où dormir ou t'as encore d'autres rescapés à sauver ? »
Je lui lance un regard amusé. « Si tu tombes sur une famille de hérissons en détresse, je te laisse gérer. »
Il lève les yeux au ciel avec un sourire et range son couteau. La tension retombe un peu, mais la tempête continue de gronder dehors, nous rappelant que nous devons encore nous mettre à l'abri pour la nuit.
Je balaie la pièce du regard. « On devrait essayer de trouver un coin relativement sec et un peu protégé. On ne sait pas combien de temps on va devoir rester ici.»
Jack hoche la tête et nous nous mettons en marche, explorant l'intérieur du centre commercial en quête d'un endroit plus sûr.
Nous avançons prudemment, nos pas résonnant sur le sol humide. L'écho amplifie chaque bruit, donnant l'impression que nous ne sommes pas seuls. La lumière de nos téléphones éclaire les allées désertes, révélant des boutiques abandonnées, leurs vitrines brisées et leurs rayons vides.
Des flaques d'eau stagnante parsèment le sol, signe que le toit fuit à plusieurs endroits. La pluie s'infiltre par les fissures, tombant en gouttes régulières qui résonnent sinistrement dans le silence du bâtiment. L'odeur de moisissure et de poussière rend l'air lourd, presque suffocant.
« On dirait un putain de film d'horreur, » marmonne Jack en éclairant une boutique de vêtements dévastée, où les mannequins cassés gisent sur le sol, leurs silhouettes difformes accentuées par l'ombre projetée de sa lampe.
Je me force à ignorer l'ambiance oppressante et continue d'avancer. « Là-bas, regarde. »
J'indique un petit espace dégagé entre deux colonnes, juste à côté d'une ancienne aire de restauration. Les tables et chaises sont renversées, mais le sol semble relativement sec, protégé de la pluie par un plafond encore intact.
Jack s'approche et inspecte les lieux. « Ça fera l'affaire pour cette nuit. Du moins, tant que rien ne nous tombe dessus. »
Je m'installe sur l'un des bancs métalliques, testant sa stabilité. Il grince légèrement sous mon poids, mais tient bon. Jack, lui, pose son sac et s'étire en soupirant.
« Si j'avais su qu'on finirait notre nuit ici, j'aurais pris un matelas gonflable. »
Je souris faiblement, mais la fatigue commence à peser sur moi. Maintenant que nous avons un semblant de refuge, l'adrénaline retombe légèrement. Pourtant, la tempête dehors continue de nous rappeler que nous ne sommes pas encore tirés d'affaire.
Je me lève lentement et jette un coup d'œil autour de nous. Cet endroit est loin d'être idéal, mais c'est le mieux que nous ayons pour le moment. Jack s'appuie contre une colonne et balaie la pièce du regard.
« Tu veux qu'on explore un peu plus, voir s'il y a quelque chose d'utile ? » propose-t-il en croisant les bras.
Je hoche la tête. « On devrait au moins vérifier s'il y a des restes de provisions ou du matériel abandonné. Avec un peu de chance, on pourrait trouver quelque chose qui nous serve. »
Nous nous remettons en marche, longeant les couloirs obscurs du centre commercial. Nos pas résonnent dans le silence pesant, seulement troublé par le vent qui s'engouffre par les brèches du toit. Chaque ombre projetée par nos lampes semble prendre une forme inquiétante, jouant avec notre imagination déjà mise à rude épreuve.
Nous passons devant une ancienne boutique de sport dont la devanture est éventrée. Jack y jette un coup d'œil et pousse légèrement la porte branlante. « Peut-être qu'il reste des trucs intéressants là-dedans. »
Je le suis à l'intérieur, scrutant les étagères vides et le sol jonché de cartons éventrés. Au fond, un rayon en métal est encore debout, des boîtes de chaussures abandonnées dessus. Jack en prend une, l'ouvre et en sort une paire de baskets poussiéreuses.
« Si on finit par devoir courir sous cette tempête, je te laisse deviner qui sera mieux équipé, » plaisante-t-il en me montrant les chaussures.
Je lève les yeux au ciel, mais ne peux m'empêcher de sourire. Nous continuons de fouiller rapidement, mais à part quelques morceaux de tissu humides et des emballages éventrés, il n'y a rien d'utile.
Nous ressortons de la boutique et continuons d'avancer. Une enseigne à moitié arrachée indique une pharmacie un peu plus loin. Mon cœur se serre légèrement.
« On devrait aller voir là-bas, » dis-je en désignant l'endroit du menton. « S'il reste des médicaments ou même des pansements, ça pourrait toujours être utile. »
Jack acquiesce et nous nous dirigeons prudemment vers l'entrée, conscients que chaque pas nous enfonce un peu plus dans l'inconnu.
Nous nous approchons de l'entrée de la pharmacie, une porte en verre fissurée portant encore l'inscription "Ouvert 24h/24" en lettres décolorées. Jack pousse doucement la porte, qui s'ouvre dans un grincement sinistre.
À l'intérieur, l'obscurité est presque totale, seulement percée par le faisceau de nos lampes. Les étagères, autrefois remplies de médicaments, sont maintenant en désordre, certaines renversées, d'autres vides. Une odeur de moisi et de produits chimiques flotte dans l'air.
«On dirait que cet endroit n'a pas vu âme qui vive depuis des années,» murmure Jack.
Je hoche la tête, scrutant les lieux. «Cherchons des fournitures de premiers secours. Avec la tempête, on ne sait jamais.»
Nous nous séparons pour couvrir plus de terrain. Je m'approche du comptoir principal, où une caisse enregistreuse repose, recouverte de poussière. Derrière, des armoires à pharmacie aux portes entrouvertes laissent entrevoir des boîtes de médicaments.
J'ouvre une armoire et tombe sur une trousse de premiers secours encore scellée. «Jack, regarde ce que j'ai trouvé !»
Il s'approche, tenant une boîte de pansements et quelques flacons d'alcool désinfectant. «Pas mal. Ça pourrait nous être utile.»
Continuant notre fouille, nous découvrons des bandages, des compresses stériles et même quelques antidouleurs encore dans leur emballage d'origine. Je tombe également sur une lampe de poche fonctionnelle et des piles de rechange.
Alors que je me dirige vers l'arrière de la pharmacie, une étagère vacille soudainement, menaçant de s'effondrer. Je recule juste à temps, le cœur battant.
«Tout va bien ?» appelle Jack depuis l'autre côté.
«Oui, juste une étagère instable. Fais attention, cet endroit est vraiment délabré.»
Après une dernière inspection, nous rassemblons nos trouvailles dans un sac en plastique trouvé derrière le comptoir.
Jack jette un coup d'œil à notre sac. «On a ce qu'il nous faut. Retournons à notre campement improvisé.»
Nous reprenons le chemin en sens inverse, mais en longeant un autre couloir, nous tombons sur une enseigne plus imposante. À travers les portes battantes entrouvertes, on distingue de longues rangées d'étagères effondrées et des caddies abandonnés. C'est un hypermarché.
Je m'arrête net. «Jack, on devrait jeter un coup d'œil. Peut-être qu'il reste quelque chose à manger.»
Il hausse un sourcil, puis éclaire l'intérieur du faisceau de sa lampe. «Ouais, et peut-être aussi des rats géants prêts à défendre leur garde-manger.»
Je soupire et avance prudemment. «Si on peut éviter de crever de faim, ça vaut le coup d'essayer.»
L'intérieur du magasin est silencieux, à part le goutte-à-goutte de l'eau tombant d'une fissure dans le plafond. L'odeur de nourriture avariée flotte encore dans l'air, mais certaines allées semblent relativement intactes. Nous nous dirigeons instinctivement vers la section des conserves. Beaucoup d'étagères sont déjà pillées, mais après quelques minutes de fouille, je tombe sur une boîte de haricots encore scellée.
Jack soulève un paquet de chips à moitié éventré. «Bon, ça c'est notre dîner gastronomique. Haricots froids et chips rassies. J'espère que t'as pas prévu un tête-à-tête aux chandelles.»
Je ricane en mettant nos trouvailles dans le sac. «Désolée, le service traiteur n'a pas survécu à l'apocalypse.»
Après encore quelques minutes de recherche, nous mettons la main sur une bouteille d'eau et une barre de céréales intacte. Rien de bien consistant, mais assez pour tenir un moment.
«Allez, on retourne à notre campement avant que la tempête ne décide d'engloutir cet endroit avec nous.»
Nous quittons l'hypermarché en repassant par le couloir sombre, nos trouvailles en main. De retour dans notre coin abrité, Jack s'affale sur un banc métallique en croisant les bras derrière sa tête. «Bon, ça y est, on est officiellement des squatteurs.»
Je laisse échapper un petit rire fatigué. «Je crois que ça rentre plutôt dans la catégorie "survie improvisée".»
Jack ouvre le paquet de chips et m'en tend une poignée. Je secoue la tête avant d'accepter, mordillant le snack détrempé. «J'espère que c'est pas la pire chose qu'on aura à manger dans les jours à venir.»
Jack hausse les épaules en avalant une bouchée. «Dis-toi que ça aurait pu être pire. On aurait pu ne rien trouver du tout. Ou pire... finir par devoir manger du raton laveur.»
Je grimace, et il éclate de rire. «Très rassurant, merci.»
Nous ouvrons la boîte de haricots à l'aide du couteau de Jack et mangeons à même la conserve, en silence, écoutant la tempête rugir dehors. L'obscurité nous enveloppe, seulement troublée par la lumière de nos téléphones. Chaque rafale de vent fait vibrer la structure du bâtiment, et je resserre mes bras autour de moi.
Jack me jette un coup d'œil. «Tu penses qu'on va tenir combien de temps ici ?»
Je prends un instant pour réfléchir avant de répondre. «Je sais pas. Tant qu'on peut. Mais si l'eau commence à monter ou si le toit lâche, il faudra trouver une autre solution.»
Il hoche la tête, pensif, et nous finissons notre repas en silence. Ce n'est pas un dîner de rêve, mais au moins, nous avons quelque chose dans l'estomac. C'est mieux que rien.
Il hausse un sourcil. «Ouais, sauf qu'on n'a pas de feu de camp, pas de marshmallows et franchement, pas de super ambiance non plus.»
Je secoue la tête en sortant une bouteille d'eau de mon sac. «Désolée de pas avoir réservé une chambre cinq étoiles avec vue sur l'apocalypse.»
Jack rit doucement avant de s'installer plus confortablement. Un silence s'installe entre nous, seulement troublé par le bruit de la pluie battant contre la structure métallique et le grondement sourd du tonnerre au loin. L'air est froid et humide, et je resserre instinctivement ma veste autour de moi.
Après un instant, Jack reprend, d'une voix plus calme. «T'as déjà vécu un truc pareil ?»
Je souffle un rire sans joie. «Un ouragan ? Non. Mais des coupures de courant à cause de tempêtes, ou des rues inondées, oui. Toi ?»
Il secoue la tête. «Jamais à ce point. D'habitude, on a le luxe de suivre les infos depuis un canapé, avec une bière à la main. Là, on est en plein dedans.»
Je hoche la tête, repensant à la voiture abandonnée dehors, aux routes impraticables, à la pluie qui semble ne jamais vouloir s'arrêter. «Ça va empirer avant de s'arranger.»
Jack m'observe un instant avant de hausser les épaules. «Alors autant profiter du confort de notre suite cinq étoiles tant qu'on peut.»
Je lève les yeux au ciel avec un sourire fatigué. «Si c'est ta définition du confort, on va avoir un problème.»
Il esquisse un sourire en coin. «Attends demain matin, peut-être qu'on aura un service de petit-déjeuner inclus.»
Je secoue la tête en riant doucement, et malgré l'inquiétude qui me ronge, ce bref échange me fait du bien. Même au milieu du chaos, on réussit à trouver un semblant de normalité.
Jack brise finalement le silence en étirant ses jambes devant lui. «Tu crois qu'on aurait pu éviter tout ça ? Genre, partir plus tôt ? Trouver un autre endroit ?»
Je réfléchis un instant, jouant distraitement avec le bord de la boîte de haricots. «Peut-être. Mais honnêtement, vu la vitesse à laquelle la tempête a changé, je suis pas sûre que ça aurait fait une grosse différence. C'est comme si tout s'était emballé d'un coup.»
Jack hoche la tête lentement, fixant un point invisible devant lui. «Ouais... Ça me rappelle la dernière grosse tempête qu'on a eue. Tu te souviens ? La ville était coupée du monde pendant presque une semaine.»
Je fronce les sourcils. «Ouais. J'avais dû dormir chez toi parce que ma rue était complètement inondée.»
Jack sourit légèrement. «Ouais, et t'avais râlé pendant trois jours parce que j'avais plus de café.»
Je ricane. «Écoute, je peux gérer beaucoup de choses, mais une catastrophe naturelle sans caféine, c'est au-dessus de mes forces.»
Il rit doucement avant de soupirer et de s'appuyer contre la colonne derrière lui. «On va s'en sortir, hein ?»
Je l'observe un instant avant d'acquiescer. «Bien sûr. On a toujours trouvé un moyen. Pourquoi ça changerait cette fois-ci ?»
Jack ne répond pas tout de suite. Il se contente de hocher la tête, un éclat pensif dans le regard. La tempête continue de rugir dehors, mais, pour la première fois depuis notre arrivée, je ressens un semblant de calme. Même si c'est temporaire, c'est suffisant pour ce soir.
«Tu penses que ça va être pire d'ici demain matin ?» demande-t-il après un moment.
Je prends une inspiration profonde avant de répondre. «Tout indique que oui. Ils parlaient d'un renforcement rapide tout à l'heure. Si on est coincés ici trop longtemps, ça risque de devenir compliqué.»
Jack hoche la tête, pensif. «On a déjà vu pire, non ?»
Je ne réponds pas tout de suite. Oui, on a traversé des tempêtes avant, mais jamais dans ces conditions. Jamais en étant totalement livrés à nous-mêmes, sans plan clair pour la suite. Une vague d'incertitude me traverse, mais je la repousse rapidement.
Un bruit soudain interrompt mes pensées. Un grincement lointain, suivi d'un cliquetis métallique.
Jack se redresse immédiatement. «C'était quoi ?»
Je tends l'oreille, mais le silence est revenu, seulement perturbé par les gémissements du vent qui s'engouffre dans les fissures du bâtiment. Mon cœur bat plus vite. Peut-être un morceau de tôle déplacé par la tempête, ou une porte qui a bougé sous l'effet des rafales.
«Juste le vent,» dis-je, plus pour me rassurer que par réelle conviction.
Jack ne semble pas convaincu non plus, mais il finit par hausser les épaules. «Tant qu'il n'y a pas de fantôme, ça me va.»
Je lui lance un regard. «Vraiment ? Après tout ce qu'on vient de traverser, c'est ce qui t'inquiète ?»
Il hausse les mains en signe de défense. «Écoute, on a déjà sauvé un écureuil ce soir. Je veux bien affronter une tempête, mais s'il y a une histoire de poltergeist en bonus, je rends mon tablier.»
Je secoue la tête en souriant malgré moi. «Bon, dans ce cas, dormons avant que ton imagination parte trop loin.»
Jack soupire et s'installe plus confortablement sur son banc. Je fais de même, essayant d'ignorer le froid et l'humidité qui me collent à la peau.
La tempête continue de hurler dehors, secouant violemment la structure du bâtiment. Chaque rafale fait trembler les vitres restantes, et l'eau s'infiltre goutte à goutte par les fissures du toit.
Je ferme les yeux et tente de calmer mon esprit. Peut-être que demain matin, tout ça ne sera qu'un mauvais souvenir.
Peut-être.