Les rues de la ville étaient animées, mais quelque chose n'allait pas. Feng Lin observait l'agitation autour de lui avec un œil critique. Les échoppes étaient ouvertes, les commerçants tentaient de vendre leurs marchandises, mais l'énergie habituelle d'une grande cité manquait cruellement. Les gardes étaient absents ou désorganisés, et les regards étaient méfiants, comme si chaque habitant s'attendait à ce qu'une catastrophe éclate à tout moment.
Liang marchait à côté de lui, plus tendu que jamais. C'était la première fois qu'ils mettaient les pieds ici depuis des semaines, et rien ne ressemblait aux souvenirs qu'ils en avaient.
— Cette ville me met mal à l'aise, murmura Liang.
Feng Lin ne répondit pas. Son regard s'attarda sur un bâtiment en ruine, en plein centre du quartier marchand. D'après les informations récoltées c'était la résidence d'un noble autrefois influent, maintenant abandonnée et pillée. Les enseignes des riches boutiques avaient été arrachées, remplacées par des échoppes de fortune. Un tel chaos n'aurait jamais pu exister sous l'ancien empire.
Ils continuèrent leur marche jusqu'au bar, un établissement discret niché dans une ruelle, encore en bon état, mais dont la façade montrait des signes de négligence. Feng Lin poussa la porte et entra sans un bruit.
L'intérieur était plongé dans une lumière tamisée. L'odeur d'alcool et de sueur flottait dans l'air. Des groupes de mercenaires et d'anciens soldats buvaient à grandes gorgées, des marchands discutaient à voix basse, et quelques ivrognes marmonnaient seuls à leurs tables.
Feng Lin et Liang s'installèrent à une table dans un coin, gardant leurs oreilles ouvertes. Très vite, les conversations autour d'eux révélèrent ce qu'ils voulaient savoir.
— Tsk, ces foutus nobles… Ils croyaient pouvoir nous gouverner éternellement, mais regarde-les maintenant. Morts ou en fuite comme des rats.
— C'est à cause de l'empereur. Ce vieux fou a cru qu'il pouvait contrôler les seigneurs de guerre, mais il n'a fait que précipiter sa propre chute.
— Et dire que l'armée impériale était autrefois la plus puissante du continent… Maintenant, ses généraux se battent entre eux comme des chiens pour le peu qui reste.
— On raconte que la capitale est un champ de ruines. Plus de palais, plus de trône, juste des cendres et des pillards.
Liang ouvrit la bouche, choqué, mais Feng Lin resta silencieux.
Un autre groupe discutait plus loin, leurs paroles filtrant à travers le brouhaha ambiant.
— Le 'Seigneur Écarlate' contrôle les restes de la capitale. Enfin, si on peut appeler ça un contrôle…
— Un bandit de plus, rien d'autre. Il finira comme les autres, écrasé par un plus gros prédateur.
— T'en fais pas, y a toujours un monstre plus fort qui attend dans l'ombre.
Feng Lin réfléchissait. L'empire n'existait plus. Les nobles avaient été balayés, l'armée impériale s'était morcelée en factions rivales, et la capitale était tombée. Mais alors… Qui était réellement au pouvoir ?
Son regard se posa sur un vieil homme assis seul à une table. Son uniforme, bien que sale et usé, portait encore les insignes d'un officier impérial. Il buvait lentement, marmonnant dans sa barbe.
Feng Lin se leva et s'approcha de lui sans hésitation. Liang, inquiet, le regarda faire mais ne dit rien.
Le soldat ne réagit pas à sa présence. Il fixait le fond de sa chope avec un regard vide, perdu dans ses souvenirs. Feng Lin posa une bourse d'or sur la table.
Le tintement des pièces fit sursauter l'homme. Il leva les yeux vers Feng Lin, incertain.
— Dis-moi tout, murmura Feng Lin d'un ton calme. Comment un empire aussi puissant a-t-il pu s'effondrer aussi vite ?
Le vieil officier le regarda un instant, puis baissa les yeux vers l'or. Un sourire amer se dessina sur ses lèvres.
— L'empereur a fait une erreur. Il pensait que l'unité de l'empire était inébranlable. Mais en réalité, il n'était qu'un homme assis sur un trône, entouré de vautours.
Il prit une gorgée et continua d'une voix amère.
— Tout a commencé avec la guerre contre les barbares du Nord. Elle a duré plus longtemps que prévu, vidant les coffres impériaux. Pour financer l'effort de guerre, l'empereur a augmenté les taxes, écrasant les petits seigneurs. Certains ont résisté, et les révoltes ont commencé.
Il poussa un rire sans joie.
— Les généraux de l'empire devaient écraser ces rébellions. Mais au lieu de ça, ils ont vu une opportunité. Chacun d'eux s'est taillé son propre territoire, recrutant des soldats pour son propre compte. Au final, l'armée impériale s'est déchirée elle-même.
Feng Lin resta impassible.
— Et la capitale ?
— Brûlée. Pillée. Abandonnée. L'empereur a été trahi par ses propres gardes. Certains disent qu'il est mort dans l'incendie, d'autres qu'il s'est enfui. Mais peu importe. L'empire est fini. Maintenant, ce ne sont plus que des seigneurs de guerre qui s'affrontent pour savoir qui prendra sa place.
L'homme attrapa la bourse d'or d'une main tremblante et la serra comme si c'était son dernier espoir.
— Tu veux mon conseil, gamin ? Quitte cette ville tant que tu le peux. Elle n'est plus qu'une proie attendant d'être dévorée.
Feng Lin ne répondit pas. Il s'imprégnait des informations, analysant la situation. L'empire avait disparu. Les généraux s'étaient transformés en rois autoproclamés. Et la capitale n'était plus qu'un cadavre fumant.
Mais ce chaos n'était pas une fin. C'était une opportunité.
Il se leva sans un mot et retourna vers Liang, qui avait suivi la conversation avec attention.
— Alors ? demanda-t-il.
Feng Lin sourit légèrement.
— L'empire c'est effondré depuis un certain temps , parfaite opportunité pour recruter des personnes.