L'Incident

Ce n'est qu'au bout d'une demi-heure que Leonel réussit enfin à échapper à l'assaut incessant des questions. Étant donné qu'il était presque sûr d'être choisi en premier lors des prochains mois, il n'était pas étonnant qu'il soit harcelé de cette manière. Cela dit, juste parce qu'il comprenait, ne signifiait pas qu'il l'appréciait.

'Merde, je suis en retard. Je ne veux pas qu'Aina se méprenne…'

Leonel pédalait furieusement à travers le campus, son vélo argenté filant comme une comète à travers les cieux.

Environ cinq minutes plus tard, il atteignit enfin les Dortoirs du Nord. Étant donné le nombre trop important d'étrangers sur le campus aujourd'hui, il appuya sur un bouton caché situé sur le cadre de son vélo, le faisant se replier sur lui-même pour devenir une tige argentée d'environ deux mètres de long. Finalement, elle se rétracta davantage, se divisant en quatre parties qui rentraient parfaitement dans son sac.

La musique retentissante était audible même à la distance de Leonel. Il n'était pas encore entré dans le bâtiment de style appartement, mais les sons de verre cassé, de rires et de musique de club étaient déjà impossibles à manquer.

Le Dortoir Bleu Nord était le foyer des hommes des Dortoirs du Nord. Il disposait du plus grand luxe et du meilleur confort parmi tous.

En général, les femmes n'étaient pas autorisées à s'approcher de cet endroit, leurs dortoirs étant situés au sud. Mais, à l'approche de la fin de l'année terminale, il y avait une règle tacite parmi les superviseurs permettant à certaines situations de passer inaperçues. Au minimum, Leonel pouvait voir plusieurs de ces beautés écloses à travers les fenêtres et même dispersées à l'extérieur, s'esquivant avec leurs amoureux.

En voyant ces scènes, Leonel soupira. Aina viendrait-elle réellement dans un endroit pareil? Il demandait peut-être trop. En réfléchissant à ce point, ses pas ne purent s'empêcher de marquer une pause.

C'étaient certaines de ses dernières chances de conquérir le cœur d'Aina. S'il échouait maintenant, qui savait quand il la reverrait ?

Aina était une Professionnelle Cinq Étoiles. Leonel ne savait pas dans quel domaine en raison de certaines protections. Afin de protéger les élèves contre le harcèlement et les tentatives de recrutement de conglomérats, et les distraire de leurs études, ces informations étaient généralement scellées. Leonel était un cas spécial en ce qu'il était un Professionnel de Divertissement. Ainsi, ses protections n'étaient pas aussi importantes.

Vu l'étendue des protections d'Aina, elle était définitivement destinée à un secteur très important. La seule raison pour laquelle Leonel savait qu'elle était Cinq Étoiles était due à une simple coïncidence et à un lapsus.

Leonel serra les poings.

Que savait-il vraiment d'Aina? Quels étaient ses loisirs? Ses aliments préférés ? Sa couleur préférée?

Leonel ne connaissait les réponses à aucune de ces questions, cependant, il était captivé. Il y avait d'autres femmes aussi belles qu'Aina, dont certaines avaient même essayé de se livrer à ses bras. Mais il y avait quelque chose chez cette femme dans son cœur qui les surpassait toutes.

'Si ma profession n'est pas suffisante pour être à ses côtés, alors je la laisserai de côté.' L'aura de Leonel brillait presque comme un phare sous les cieux nocturnes.

Alors que Leonel était sur le point de faire un autre pas en avant, le bruit d'une fenêtre qui se brise le sortit de ses pensées. Les cris des étudiantes traversèrent la nuit. Cependant, la musique retentissante ne s'était pas arrêtée.

Le regard de Leonel se tourna vers un corps à moitié suspendu à travers une fenêtre au quatrième étage. Le bas du dos d'un jeune homme glissait contre le rebord de la fenêtre désormais dentelé, son corps étant à peine suspendu par la main qui agrippait son col. Cependant, il était clair que cette main ne tentait pas de le sauver, mais était probablement la raison pour laquelle il se trouvait dans une telle position en premier lieu.

"James…?"

Leonel n'attendit même pas une seconde. Se mettant à courir, il fonça dans le dortoir.

Ceux qui probablement ne savaient pas ce qui se passait à l'étage supérieur en raison de la musique assourdissante tentèrent de le saluer, mais il passa droit devant eux, fonçant dans les escaliers.

Leonel atteignit le quatrième étage en un éclair. Il avait complètement ignoré la douleur brûlante qui parcourait sa poitrine et son torse. Une chute du quatrième étage n'était pas une plaisanterie.

"Conrad!"

Leonel surgit dans le salon du quatrième étage, sa voix portait une froideur mordante qui éclipsait même la musique qui faisait vibrer les murs.

La salle était assez luxueusement aménagée. Des tapis moelleux, un Chef Quatre Étoiles qui se tenait derrière un bar incurvé nonchalant comme si rien ne se passait, et plusieurs tables de jeux allant du billard au baby-foot.

Cependant, le regard de Leonel se posa sur le jeune homme qu'il avait affronté sur le terrain une heure auparavant. Quaterback Quatre Étoiles Conrad Siegfried.

"À quoi penses-tu?"

La voix de Leonel mijotait, mais il était encore possible de l'entendre clairement.

Il balaya la pièce rapidement du regard, essayant de comprendre la situation. Il remarqua immédiatement qu'il y avait plusieurs membres des Ailes d'Ange ici. Cela en soi n'était pas un problème, mais il n'avait jamais entendu parler d'une équipe perdante rejoignant la fête de la victoire de l'autre équipe comme ça. Que pouvaient-ils bien venir faire, sinon causer des ennuis?

Ce fut alors que Leonel se figea. 'Aina?'

Il fut stupéfait. Il s'était vraiment préparé à ce qu'elle ne vienne pas, pourtant elle était vraiment là. Non seulement cela, mais il semblait qu'elle et ses deux amies étaient d'une manière ou d'une autre impliquées dans cette querelle.

En voyant le bonheur authentique de Leonel au moment où ses yeux rencontrèrent ceux d'Aina, beaucoup sourirent involontairement malgré la situation. Aina elle-même rougit et détourna le regard, essayant de ne pas croiser le regard de Leonel.

"Oh, donc elle t'appartient? Pas étonnant que ce chien de garde ait réagi si furieusement à mes paroles désinvoltes."

En entendant les paroles de Conrad, l'expression de Leonel redevint froide. Il était suffisamment intelligent pour comprendre ce qui avait dû se passer.

James était probablement là pour accompagner Aina et ses amies sachant que Leonel serait un peu en retard à cause de ses actions. À un moment donné, Conrad était venu et avait tenté de faire des avances à Aina, provoquant une réaction de James.

James semblait un peu trop ivre, ou alors avec sa taille et sa force, il n'y avait aucun moyen que Conrad puisse le mettre dans une telle situation.

"Relâche-le, tu essaies de commettre un meurtre en présence de tant de personnes ici?"

On ne savait pas qui exactement, mais le système audio surround du quatrième étage fut diminué au point que seule la musique des autres étages résonnait à travers les murs.

Les membres des Bleus Royaux se rassemblèrent autour de Leonel sans qu'il ne dise un mot. Avec leur leader présent, rien ne devait être dit.

Quoi qu'il en soit, les Ailes d'Ange étaient dépassées en nombre ici. Leonel ne savait pas ce qui se passait aux autres étages, mais il y avait douze membres de son équipe ici et seulement sept d'entre eux.

"Et alors si je le fais? Penses-tu que je serais puni pour cela?" Il posa sa question avec moquerie, comme s'il voulait vraiment l'opinion sincère de Leonel.

La réponse de Conrad prit Leonel complètement au dépourvu. Il se considérait comme une personne intelligente, mais il fut complètement pris à revers.

Après réflexion, il finit par comprendre. N'avait-il pas commis un crime grave juste ce matin? Et cela juste avec le statut de retraité de son père. Qu'en est-il de la Famille Siegfried qui était suffisamment puissante pour faire en sorte que le simple Conrad Quatre Étoiles puisse surpasser Leonel dans le classement de la Liste des mineurs éligibles?

Ce n'était pas que Leonel n'avait jamais considéré cela, c'était plutôt qu'il n'avait jamais réalisé que quelqu'un pouvait utiliser cette faille pour s'en tirer avec un meurtre. N'y avait-il pas de limites?

Les crimes de Leonel étaient complètement innocents et ne mettaient en danger que sa propre personne. Mais Conrad voulait réellement provoquer la mort d'une autre personne pour rien de plus qu'un échange de mots?

Leonel resta silencieux sous le rictus de Conrad. Il ne remarqua pas que de côté, Aina l'observait avec un regard légèrement curieux.

"Très bien, relâche-le alors."

Les yeux de Conrad se plissèrent. "Penses-tu que je ne le ferais pas?"

"Non, je suis certain que tu le ferais. Cependant, tu devras en subir les conséquences."

"Conséquences?"

La tension de Conrad se dissipa, un rire secouant son corps. Le corps de James bascula davantage hors de la fenêtre, perturbant presque l'équilibre qui le maintenait en vie.

"Et dire que le grand Leonel Morales était intelligent. Il semble que tu n'es qu'un imbécile."

Leonel observait d'un air impassible pendant que Conrad riait. Plusieurs secondes passèrent avant qu'un sentiment inconfortable ne commence à naître dans le cœur du dernier. Bientôt, même les six autres joueurs d'Aile d'Ange se sentaient trop oppressés pour rire.

"Oui, conséquences." Répondit Leonel simplement. "Si tu laisses tomber mon partenaire de cette fenêtre, vos sept suivrez juste après."

Conrad s'étouffa dans son propre souffle. Le regard mordant et froid de Leonel transperça son cœur.

"… Penses-tu vraiment pouvoir dire une telle chose? Sais-tu qui je suis? Rien que pour cette menace, les conséquences dont tu parles dépassent tes plus folles imaginations."

Comme si c'était prévu, une voix retentit à nouveau dans l'oreille de Leonel.

[Infraction Code 22.31.4 — Intention meurtrière détectée. En vertu de la Loi de Modération de Discours de 2034, toutes formes de discours de haine et menaces sont classées comme un Délit de Type 9]

[Il est conseillé au sujet, Leonel Morales, de repenser ses actions imminentes. Tout meurtre commis par le sujet dans l'heure suivante ne sera pas considéré comme de la légitime défense et ne pourra être jugé qu'en tant que meurtre au second ou au premier degré]

"Je m'en fiche. Laisse-le tomber." Répondit Leonel sans faire de pause.

Tous pouvaient voir les lumières clignotantes de son poignet à travers le manteau noir qui le recouvrait légèrement. Les lumières rouges d'alerte n'apparaissaient qu'en guise d'avertissement pour les spectateurs qui pouvaient être pris dans les actions imminentes.

Il était vraiment sérieux!

Conrad finit par se figer.

"Je peux être envoyé en prison pour le reste de ma vie. Je peux être placé dans le couloir de la mort, même en tant que mineur. Mais vous sept serez morts, alors quelle chance aurez-vous de vous vanter?"

Ceux qui n'étaient pas impliqués dans ce conflit soudain sentirent soudain que tout leur monde était dominé par la silhouette de Leonel.

Leonel était peut-être la personne avec le statut le plus bas de leur Académie Bleue Royale. Il y en avait d'autres qui y entraient uniquement par leurs propres mérites, mais aucun ne brillait autant que lui. Pourtant, dans une société aussi élitiste, il s'était lié d'amitié avec eux tous. Il n'y avait pas eu d'occurrence de Leonel étant harcelé pour ses origines depuis bien longtemps.

Il était un pair qu'ils respectaient, quelqu'un qui leur faisait oublier à quel point leurs mères, pères et familles étaient puissants, simplement pour profiter de sa compagnie… Le voir risquer son cou de cette manière pour un ami, peu importe les conséquences, leur faisait venir les larmes aux yeux.

Profondément émus, plusieurs autres individus avancèrent. Aucun mot ne fut prononcé, mais Conrad se retrouva à affronter non pas seulement douze personnes, mais à ressentir la vague émotionnelle apportée par presque trente.

À ce moment, Conrad se retrouvait entre le marteau et l'enclume. S'il reculait, il paraîtrait faible. Mais, s'il continuait sur cette voie… Il pourrait vraiment perdre la vie.

C'est alors que cela se produisit. Des siècles plus tard, les historiens viendraient à désigner cet événement par le nom de Descente Dimensionnelle. Ce fut le jour où la Terre évolua et que leur plan d'existence se transforma. Ce fut le jour où ils cessèrent d'être au sommet de la chaîne alimentaire.

Un bruit fort et strident coupa leur silence et la musique vibrante des autres étages.

Les expressions de tout le monde présent changèrent, leurs montres-bracelets vibrèrent avec plusieurs avertissements continus.

[Avertissement. Avertissement. Nous sommes entrés dans un état de Code Rouge : Classe 9]

[Avertissement. Avertissement. Nous sommes entrés dans un état de Code Rouge : Classe 9]

Tout le monde présent savait exactement ce que cela signifiait.

Code Noir. C'était le niveau le plus bas et le plus normal. Classe 1 représentait une journée normale tandis que Classe 9 était utilisé dans des situations comme la propagation d'un virus mineur. Au maximum, les pires totals de morts seraient de quelques milliers à dizaines de milliers.

Code Bleu. C'était un état d'alerte moyen. Il était généralement utilisé pendant une rébellion de l'une des Îles Paradisiaques ou des sociétés du Satellite Lunaire. Les pires totals de morts atteindraient les centaines de milliers, voire les millions.

Code Rouge. Ce était un événement cataclysmique. Il s'agissait d'une situation où les efforts de l'Empire de l'Ascension devaient être concentrés sur la résolution du problème plutôt que sur la protection de ses citoyens. En conséquence, il y aurait très peu d'individus en position d'aider…

Les totaux de morts se compteraient en milliards. Et Classe 9 était le niveau le plus élevé de tous.

Une lumière aveuglante balaya les cieux. Pendant un instant, il sembla que c'était le jour plutôt que la nuit.

Tout trembla. Le sol, l'air, même leur corps comme si une pression inexplicable pesait sur eux.

La gravité sembla augmenter de 10 % au moins. L'air devint plus lourd, un manque d'oxygène étouffait ceux autour d'eux. En même temps, leurs regards devinrent flous à mesure qu'un vertige les envahissait. On aurait dit qu'ils étaient entrés dans un ascenseur qui décélérait beaucoup trop rapidement.

Puis, tout s'éteignit. La musique, les lumières… leurs montres-bracelets…

Le monde plongea dans l'obscurité.

À ce moment, des centaines d'Îles Paradisiaques à travers le monde tombèrent du ciel.