chapitre 4

Mr Ndecky s'avança d'un air désolé vers Yui et l'aida à se relever.

« Est-ce que ça va ? » s'enquit-il.

« Oui, ça peut aller. Merci beaucoup », répondit Yui, assez perturbée.

« Il est toujours comme ça, ton fiancé ? » demanda Mr Ndecky en l'invitant à s'asseoir sur l'une des chaises.

« Disons qu'il est bipolaire. Son humeur change comme la teinte d'un caméléon. Moi-même, je ne le cerne pas. »

« Cela ne vous fait pas peur ? Vous voyez ce que je veux dire », questionna curieusement le boss, son regard plongé dans celui de Yui.

L'intéressée bredouilla un : « Oui, quelques fois. »

Mr Ndecky, ne voulant pas avoir l'air de la juger, reprit sur une note plus positive :

« On dit que l'amour fait des miracles. Peut-être arriverez-vous à le transformer. Bon, bref, ce ne sont pas mes affaires. Vous devriez le rejoindre avant qu'il ne se fasse des idées. Je ne souhaite pas que vous ayez des ennuis dans votre couple à cause de moi. »

« Vous avez raison. Il est aussi très jaloux. C'est tout lui de s'imaginer des choses quand je suis avec un autre homme. Mais avant que je parte, je comptais vous dire que je suis à cent pour cent prête à revenir demain pour négocier le contrat », déclara Yui.

« Vous pensez qu'il vous laissera faire ? » dit Mr Ndecky, perplexe.

Cette phrase de Ndecky avait, en quelque sorte, relevé la présupposée domination de Yui par son fiancé.

Elle affirma soudain, comme pour indiquer à son interlocuteur qu'elle était toujours libre de ses actions et que Sora n'avait aucune influence sur sa personne, d'un ton qui dénotait une certaine rébellion :

« Ce n'est pas à lui de décider à ma place. Je ne lui appartiens pas, et Sasuke & Co est l'entreprise de mon père. Je... je dois veiller à son avancement et à rendre fier mon daron en décrochant ce contrat. C'est, après tout, lui qui vous a choisi, car il a entièrement confiance en votre expertise. Je serais vraiment stupide de suivre aveuglément les lubies de Sora, qui n'est qu'un simple employé de notre compagnie. »

« Euh... je ne voulais pas dire ça, je suis navré... », se confondit en excuses Mr Ndecky, conscient que sa remarque avait été interprétée autrement par Yui.

Il la comprenait. Ce n'est pas facile de se sentir sous le joug de quelqu'un, peu importe qui cela peut être.

Yui ne lui en voulait pas non plus, ses excuses lui permirent d'ailleurs de s'apercevoir qu'elle était allée trop loin :

« Oh ! C'est à moi de vous présenter mes excuses. Je me suis un peu emportée... »

« Il n'y a pas de quoi. Je sais ce que vous ressentez et je n'aurais pas dû vous poser cette question susceptible de soulever des ambiguïtés. Vous avez tout à fait le droit de vous lâcher. Croyez-moi, ça fait un bien fou. »

« Merci de votre compréhension et de m'avoir écoutée. J'avais besoin d'une personne à qui me confier. À présent, je vais y aller. À demain, Mr Ndecky. »

« Pas de quoi, Madame Sasuke. À demain, et prenez soin de vous. »

Ils échangèrent une poignée de main et Yui leva l'ancre.

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« Que faisais-tu avec lui, Yui, pendant tout ce temps ? » explosa Sora dès qu'elle entra.

« Rien. Je te signale que c'est toi qui m'as laissée en plan là-bas. J'ai dû me débrouiller pour rentrer. »

Son ton posé et serein éteignit la rage de Sora, qui s'adoucit subitement :

« Ok, je n'aurais pas dû t'abandonner… »

Yui soupira, dépitée :

« Ce n'est pas le pire. Franchement, avais-tu besoin de réagir aussi excessivement ? Tu aurais pu me casser un os en me poussant comme tu l'as fait. J'ai eu de la chance. Je ne sais plus comment m'y prendre avec toi. Parfois, il m'arrive d'éprouver une grande crainte à ton égard. J'ai peur de cette part de bête en toi. »

Le visage de Sora se décomposa aussitôt.

« C'est ça que je suis pour toi, une bête ? »

« Non, bien sûr que non. Je dis juste qu'il est temps que tu apprennes à te maîtriser », rectifia Yui, avançant vers son amoureux, le regard attendri. « Aide-moi à t'aider. »

Désarçonné par sa tendresse, Sora baissa les armes.

« Je suis désolé. »

Yui posa délicatement sa tête contre sa poitrine.

« Je sais, et je te pardonne. »

« Je suis uniquement désolé pour ce que je t'ai fait, mais pas pour cet idiot. Cela dit, je ne veux pas que nous y retournions. Je vais moi-même trouver d'autres partenaires potentiels, s'il le faut, en faisant du porte-à-porte. Toi, tu restes ici. Je vais tout gérer, ne t'en fais pas. »

Yui opina, bien qu'elle n'envisageât aucunement de renoncer à l'accord avec Mr Ndecky. Elle savait qu'insister ne ferait qu'allonger le débat et envenimer les choses.

« Bien, mon cœur. Nous sommes enfin arrivés à un consensus », sourit Sora, heureux d'être obéi.

« Comment comptes-tu t'y prendre ? » interrogea Yui en relevant les yeux vers lui.

« Je vais rechercher des entreprises locales dans le domaine sur le net et organiser des rendez-vous avec elles. Mais avant tout, dès demain, je vais aller voir… tu sais, cette entreprise qu'on avait gardée comme second plan. J'ai toujours leurs coordonnées, et le boss a l'air moins arrogant. »

Yui se retint d'éclater de rire en entendant ces derniers mots. Le roi de tous les arrogants qui traitait un autre d'arrogant... Peut-être qu'il ne se rendait même pas compte de sa contradiction.

« Bon courage, chéri. En attendant, je resterai ici à prier pour ta réussite et à te préparer de petits plats. Ça me fera un bon entraînement pour devenir une future femme au foyer », persifla-t-elle avec un rire narquois, semant le doute quant à ses véritables intentions derrière sa plaisanterie.

« Pourquoi dis-tu ça ? Une femme au foyer, c'est révolu. Au contraire, tu seras ma reine. »

« Oui, je n'en doute pas. C'était juste pour rire », répondit-elle en posant de nouveau sa tête sur la poitrine de Sora.

« Yui, il va te tuer s'il découvre ce que tu as l'intention de faire. Mais c'est nécessaire... Avant lui, j'avais une famille : mon père. Les sentiments n'ont pas leur place en affaires. » pensa-t-elle in petto, un mélange de détermination et de culpabilité pesant sur son esprit.