Annonce et douce trahison

Un silence total s’installa dans la pièce, et tout le monde tandit l’oreille afin d’entendre l’annonce de Lumia.

— Bien, comme la plupart l’ont appris aujourd’hui, un Conseil des Cinq Gardiens aura lieu demain. Chacune des escouades ici présentes a reçu son objectif plus tôt dans la journée. Cependant, il y a quelques heures je viens de recevoir le premier rapport d’expertise concernant l’étrange collier et le matériau le composant. Alban, je t’en prie.

Alban se leva de sa chaise avec beaucoup d'engouement, comme excité par ce qu’il avait à nous raconter.

— Comme vous l'a dit Madame Lumia, le collier a été créé à partir d’un matériau encore inconnu, cependant nous avons pu faire quelques analyses. 

Il replaça ses lunettes sur le sommet de son nez, se préparant à des explications lourdes et incompréhensibles.

— Bien que ce matériau nous soit inconnu, nous avons pu jusque-là définir quelques éléments. Le premier est que ce matériau est un alliage que l’on peut découper en trois composants. Nous avons pu aisément trouver la présence de titane et de tungstène, cependant, si nous avons pris autant de temps pour faire notre rapport, c’est à cause du troisième éléments.

Il s’arrêta, contemplant son public assis, personne ne comprenait réellement ce qu’il disait mais tout le monde était extrêmement attentif.

— Inconnu ! Oui, oui, vous avez bien entendu, ce troisième composant nous est totalement inconnu et pire que ça, sa présence dans le métal altère le comportement des deux autres, renforçant leurs propriétés de base et déstructurant leur composition moléculaire de manière aléatoire, du moins nous n’avons pas encore réussi à découvrir les règles qui affectent ces changements.

Tout le monde se regardait dans le blanc des yeux, ne sachant pas comment réagir, devait-on crier, était-ce grave, une bonne nouvelle ? Cependant, voyant la réaction, ou disons la non-réaction de son public, il résuma :

— En gros, cet alliage est vivant, au même titre que les fleurs ou je ne sais pas moi… les arbres.

— Bien, je te remercie. coupa net, Lumia se relevant tandis qu’Alban, lui, se rasseyait. Vous voilà maintenant au courant, habituellement je vous aurais demandé si quelqu’un aurait une question, mais vu que nos connaissances s’arrêtent là je ne serai pas en capacité de vous répondre, donc je vous propose de passer au repas et surtout que la lune nous guide et nous protège. Je vous l’ordonne solennellement, revenez vivants !

Tout le monde se leva, criant en chœur “Que la lune nous guide et nous protège”.

Finalement l’intégralité de la salle s’asseyait et quelques membres travaillant en cuisine distribuaient le repas pour tout le monde.

Le dîner se déroulait bien dans l’ensemble, toutes les discussions des tables alentours portaient sur cet étrange alliage et Lumia semblait toujours éviter à tout prix de croiser le regard avec notre table.

Nous, nos discussions étaient quelque peu différentes…

— Attends quoi ? Tu participes à l’opération ! s’écria Élodie

— Oui, je serai avec la chef autour de la table.

— Et le repos dans tout ça ! Je vais lui en dire un mot à t’envoyer en mission directement alors que deux de nos membres sont cloués sur un lit d’hôpital !

— Ce n’est pas ce que tu crois, c’est moi qui ai demandé à faire partie de l’opération. Je ne pouvais pas rester éternellement ici, à me tourner les pouces, j’avais, non, j’ai besoin de me changer les idées et de penser à autre chose.

— On ne soigne pas sa brûlure en se jetant dans les flammes !

— La décision a déjà été prise, et puis maintenant que je fais partie de la table, je pourrai négocier un éveillé avec des capacités de soin pour aider Sarah et Gabriel. S'ils sont dans cet état, c’est parce que je leur ai ordonné de retrouver le quartier général, maintenant c’est à moi de tout faire pour qu’ils s’en sortent.

Élodie commençait à ouvrir la bouche, prête à protester, mais finalement elle se ravisa. Dans son regard, il n’y avait pas une once de colère, juste une profonde tristesse. Elle semblait chercher les mots justes, encore, et encore…

Finalement, elle lâcha simplement un profond soupir.

Le repas se termina dans le calme. Nous avions changé de sujet discutant de Jasmine, que tous ses examens étaient bons et qu’elle était en parfaite santé.

Alors qu’une fois son repas terminé, Élodie sortit rapidement de table avec Jasmine sans même vraiment me dire au revoir, je me dirigeais vers ma chambre.

La mission devait probablement pas mal l’affecter, ses craintes étaient légitimes, mais je devais me rendre là-bas, je leur devais bien.

Je préparais mes affaires pour le lendemain en les posant sur une chaise, puis allais me coucher.

Je fermais les yeux bercé par les bruits de pas dans le couloir, les dernières unités présentes au repas traversaient par vague. Certaines discutant bruyamment, d'autres baissant d’un ton à l’approche de ma chambre.

Après plusieurs minutes, une autre vague arriva. Cependant, celle-ci s’arrêta devant ma chambre. Je ne pris pas la peine d’ouvrir les yeux, attendant simplement qu’ils reprennent leur route, mais au lieu de nouveau bruit de pas, un bruit métallique retentissait.

Je me retournais en direction du rideau de fer, entrouvrant les yeux prêt à réprimander les inconscients incapables de laisser les gens dormir, mais lorsque mes yeux m’autorisaient à voir la scène de manière plus nette, mon regard s’habituant à l’obscurité, je faisais face à deux visages loin d’être inconnus, chacune d’entre elles tenant une extrémité d’un matelas.

— Je peux savoir ce que vous faites là tous les deux ?

Habituellement j’aurais râlé, ou au moins lancer une remarque, mais là, faire face à leurs deux visages se regardant avec complicité et étrangement, beaucoup trop fière de leurs bêtises, je ne pouvais qu’esquisser un large sourire.

— On a décidé de venir dormir ici cette nuit ! s’écria Élodie avec beaucoup trop d’entrain

— C’était très amusant, mais j’ai une mission demain, reprenez votre matelas et allez dormir.

Jasmine chercha Élodie du regard avant de s’approcher de mon lit. Elle me fixa, les yeux grands ouverts.

— Je ne peux vraiment pas dormir ici avec Élodie ? 

Ses yeux se mirent à briller, laissant presque échapper une larme, tandis qu’elle serrait les poings contre son buste.

— Tu ne vas pas faire pleurer une jeune fille tout de même ! Insista Élodie, esquissant un sourire.

Alors que je tournais de nouveau le regard vers Jasmine, je pouvais voir qu’elle donnait tout pour essayer de pleurer.

— C’est bon, c’est d’accord, vous pouvez passer la nuit ici…

— Super ! cria Jasmine, se jetant sur le matelas posé sur le sol, sans plus la moindre trace de larme

Quelle trahison, elles étaient venues préparer toutes les deux, trahies par une membre de mon escouade et une fillette. Fallait vraiment que je me ressaisisse.