Chapitre 3
Les jours suivants se passèrent dans un tourbillon de préparations pour la cour. Le Palais Sans-Souci ne cessait de vibrer au rythme des commandes royales et des visites des dignitaires étrangers. Éliana, bien que submergée par son travail en cuisine, sentait la tension qui grandissait à chaque coin de couloir. Une tension qu'elle ne pouvait ignorer, bien qu'elle fasse de son mieux pour la repousser.
Le roi, Henri Christophe, semblait avoir trouvé des moyens subtils de croiser sa route. Les premières fois, Éliana pensa que cela n'était qu'une coïncidence. Mais plus les jours passaient, plus elle réalisait que ces rencontres, ces regards échangés dans l'ombre des couloirs, étaient bien plus qu'une simple accidentalité.
Un matin, alors qu'elle s'affairait à éplucher des légumes dans la cuisine seule, une présence silencieuse se fit sentir derrière elle. Elle leva les yeux, et là, dans l'encadrement de la porte, se tenait Christophe. Un simple regard échangé, et elle sentit son cœur se serrer. Il était toujours aussi imposant, mais il avait quelque chose de plus ce jour-là — une certitude dans son regard, comme s'il savait exactement ce qu'il provoquait en elle.
— Éliana, dit-il calmement, son timbre grave résonnant dans l'espace clos de la cuisine. Je crois que la soupe sent particulièrement bon aujourd'hui.
Éliana, prise de court, ne savait pas quoi répondre. Sa gorge se serra, et elle s'efforça de garder son calme. Il ne laissait jamais rien transparaître, mais elle ne pouvait ignorer l'intensité de son regard, cette flamme discrète mais bien présente.
— Merci, Votre Majesté, dit-elle avec un faible sourire, en détournant les yeux pour ne pas montrer le trouble qu'il avait provoqué en elle. J'espère qu'elle plaira à la table royale.
Il s'approcha lentement, son regard toujours fixé sur elle, presque comme une invitation silencieuse à un échange plus intime.
— Je n'en doute pas, répondit-il avec un léger sourire. Mais dites-moi, Éliana, comment se passe votre séjour ici ? La vie au Palais ne doit pas être facile. Il semblait sincèrement intéressé, mais elle savait bien que ses mots dissimulaient autre chose.
Elle se sentit soudainement vulnérable sous ce regard perçant. Pourquoi cherchait-il à entrer dans sa vie ? Il était le roi, et elle n'était qu'une simple servante. Les différences étaient infinies entre eux. Elle devait faire attention, très attention.
— Cela va. J'ai l'habitude du travail et des responsabilités, répondit-elle d'une voix calme, tout en cherchant à cacher l'anxiété qui montait en elle. Elle ajouta rapidement, comme pour se protéger : Il y a tant à faire ici, tout va très vite.
Christophe sembla réfléchir un instant, avant de répondre, son ton toujours aussi posé mais avec une touche de curiosité.
— Il est vrai que le Palais ne connaît jamais le silence. Il s'approcha un peu plus, et Éliana sentit une chaleur irradier de sa présence. Mais j'espère que vous trouverez aussi des instants de paix. Même ici, parmi tout ce tumulte.
Elle baissa les yeux sur les légumes qu'elle épluchait, un geste presque mécanique pour garder sa tête occupée. Ses pensées se bousculaient. Pourquoi cette attention particulière ? Que cherchait-il vraiment ?
— Je vais essayer, répondit-elle doucement, sans oser le regarder à nouveau.
Christophe resta là un moment, le regardant travailler, comme si chaque mouvement de ses mains lui était fascinant. Puis, après un silence prolongé, il dit simplement :
— Je vous souhaite une bonne journée, Éliana.
Il tourna les talons et s'éloigna, laissant une étrange sensation de vide derrière lui. Mais alors qu'il disparaissait dans les couloirs, Éliana ressentit un mélange d'attirance et de confusion. Comment pouvait-elle être si perturbée par un regard, un simple échange de mots ? Elle, qui avait toujours su rester éloignée de tout ce qui était fragile et risqué, se sentait soudainement vulnérable.
Le reste de la journée se passa comme un rêve flou. Chaque fois qu'elle croisait un visage ou entendait des voix dans les couloirs, ses pensées dérivaient irrémédiablement vers le roi. Elle savait que quelque chose se passait entre eux, quelque chose qu'elle ne pouvait ni comprendre ni contrôler. Et pourtant, une part d'elle voulait désespérément savoir où tout cela les mènerait.
Le soir, alors qu'elle finissait de nettoyer la cuisine, un murmure se fit entendre. Éliana leva les yeux et aperçut un serviteur qui passait dans le couloir.
— On dit que le roi veut goûter à la soupe avant de se coucher. Il est curieux de goûter à ce que vous préparez. Il lui adressa un sourire entendu.
La pensée de voir Christophe encore une fois la troubla, mais cette fois-ci, une pensée plus sombre traversa son esprit. Que pourrait-elle risquer si elle se laissait aller ? Que risquait-elle de perdre si ses sentiments pour lui prenaient trop d'ampleur ?
Elle essuya ses mains sur son tablier, déterminée à ne pas céder à la tentation. Elle savait qu'une relation avec lui n'était pas simplement interdite, elle était impensable. Mais pourtant, au fond d'elle, l'attraction grandissait.
Alors qu'elle se dirigeait vers la salle où elle devait servir le repas, elle sentit une certitude froide s'installer en elle. Elle devait être plus forte que cela. Il ne fallait pas qu'elle se laisse emporter. Pas avec lui. Pas avec le roi.
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Éliana se rendit lentement vers la salle royale, son esprit encore embrumé par la rencontre avec Christophe. Son cœur battait plus fort à chaque pas, mais elle s'efforçait de garder une expression impassible. Les couloirs semblaient plus longs ce soir-là, les ombres projetées par les chandeliers dansant sur les murs comme des spectres silencieux. Elle déglutit, luttant contre le tourbillon de pensées qui menaçait de la submerger.
Arrivée à la salle, elle aperçut les membres de la cour, tous plongés dans des conversations animées. Christophe était déjà à sa place à la table royale, l'air concentré sur les discussions qui l'entouraient. Ses yeux, cependant, se fixèrent brièvement sur elle lorsqu'elle entra, un éclat étrange dans son regard. Un regard qui, une fois de plus, sembla sonder son âme.
Elle déposa la soupière sur la table avec une main tremblante, mais fit de son mieux pour dissimuler son trouble. Chaque mouvement était un effort, chaque geste contrôlé pour ne pas trahir ce qu'elle ressentait. La pensée d'être ainsi observée, scrutée par cet homme qui avait la puissance de toute une nation, lui faisait presque perdre pied.
Les murmures autour d'elle s'intensifièrent alors qu'elle se préparait à repartir. Mais avant qu'elle ne s'éloigne, une voix grave, familière, l'interpella une nouvelle fois.
— Éliana, un instant.
Elle s'arrêta net, son cœur faisant un bond dans sa poitrine. Elle se tourna lentement, et là, dans la lumière tamisée de la salle, Christophe la regardait fixement, ses yeux empreints d'une intensité presque irréelle.
— Vous m'avez dit que vous vous sentiez en paix ici. J'espère que ce n'était pas juste des mots pour apaiser mes craintes. Il y a des espaces ici, même au cœur du Palais, qui offrent la tranquillité. Trouvez-les, Éliana. Vous en aurez besoin.
Elle le fixa, prise au piège dans ses paroles, comme s'il lui confiait un secret à peine audible, comme s'il l'invitait dans un monde où elle n'avait pas sa place. La tension qui l'enveloppait était palpable, une sensation étrange, mêlant désir et appréhension.
— Je ferai de mon mieux, votre majesté répondit-elle, sa voix presque inaudible, trahissant la confusion qui l'habitait.
Elle baissa les yeux, cherchant à fuir le poids de son regard. Mais alors qu'elle se détournait, elle entendit sa voix une dernière fois, plus douce, mais toujours aussi puissante.
— Ne vous forcez pas, Éliana. La paix viendra à vous. Mais parfois, il faut savoir se laisser aller.
Elle se précipita hors de la salle, le souffle court. Les mots du roi résonnaient en elle, comme une mélodie obsédante qu'elle ne pouvait effacer. Chaque pas qu'elle faisait la menait plus loin dans un tourbillon d'émotions contradictoires. Elle était dans un endroit où les limites entre ce qui était permis et ce qui ne l'était pas étaient floues. Il n'était pas question de pouvoir. Ce qui la perturbait, ce qui la blessait, c'était l'attraction irrépressible qu'elle ressentait pour l'homme qu'elle ne pouvait, ne devait jamais aimer.
Ce soir-là, dans l'intimité de ses quartiers, elle se laissa tomber sur le lit, son esprit en proie à une tempête. Elle se sentait tiraillée entre ses devoirs, son honneur et les sentiments qui naissaient à chaque rencontre furtive. Elle savait que cette attraction pourrait la conduire à sa perte. Mais au fond d'elle, un autre désir grandissait, un désir qu'elle n'arrivait plus à réprimer.
Comment aurait-elle pu se détourner de lui, lorsqu'il avait déjà semé en elle des graines de doute et de désir ? Elle se tourna sur le côté, les yeux fixés sur la lueur de la bougie vacillante, la seule lumière dans l'obscurité de la chambre. Elle s'endormit ainsi, dans une agitation insomniée, tout en sachant qu'un chemin interdit venait de s'ouvrir devant elle, un chemin qu'elle aurait du mal à éviter.
Le lendemain matin, elle se leva avec la ferme intention de rester distante, de ne pas se laisser submerger par ses émotions. Mais chaque fois qu'elle fermait les yeux, le regard du roi venait hanter ses pensées. Une part d'elle savait que son cœur était déjà pris, même si elle se refusait à l'accepter.
Lentement, l'attraction grandissante entre eux commencerait à se tordre, s'intensifiant à chaque nouveau regard, à chaque mot échangé. Mais dans ce palais magnifique et cruel, il n'y avait pas de place pour des sentiments aussi dangereux. Pas pour elle.
Éliana ne pouvait échapper à la tension qui l'habitait depuis sa dernière rencontre avec Christophe. Tout semblait différent. Même la lumière du matin, qui se glissait à travers les fenêtres du Palais, paraissait plus intense. Elle se forçait à concentrer son esprit sur ses tâches, mais chaque mouvement semblait la ramener à lui.
Elle entra dans la cuisine, espérant que l'activité frénétique de la préparation des repas la distrairait. Les marmites bouillonnaient, les couteaux s'entrechoquaient sur les planches, et les servantes se parlaient à voix basse. Mais malgré l'agitation, une atmosphère de calme étrange planait autour d'Éliana. C'était comme si la cour royale, avec toute sa splendeur et ses murmures, n'était plus qu'un décor lointain.
Les portes de la cuisine s'ouvrirent brusquement. C'était lui. Le roi. Henri Christophe, dans toute sa stature majestueuse, entra sans prévenir, une lueur singulière dans les yeux. Il n'était pas accompagné de ses gardes habituels, ni des courtisans qui faisaient habituellement son ombre. Ce n'était que lui, seul. Il sembla d'abord surpris par l'agitation dans la cuisine, mais son regard se posa rapidement sur Éliana, qui, prise de court, baissa les yeux.
— Éliana, commença-t-il d'une voix grave, douce, comme une caresse dans l'air. J'espère que je ne vous dérange pas.
Elle se redressa légèrement, surprise par la simplicité de ses mots. Ce n'était pas ce qu'elle attendait d'un homme de sa position. Un homme aussi puissant ne s'excusait pas de "déranger".
— Non, Votre Majesté, répondit-elle en tentant de masquer la nervosité dans sa voix. Vous ne dérangez pas.
Il s'approcha d'elle lentement, son regard ne quittant pas son visage. La chaleur de sa présence semblait se déverser dans la pièce, envahissant l'espace comme une marée montante. Éliana sentit son cœur accélérer.
— J'ai demandé à goûter à votre soupe d'hier soir. Elle semblait délicieuse. Il fit une pause et un léger sourire se dessina sur ses lèvres. On m'a dit que vos talents en cuisine étaient inégalés.
Éliana sentit la chaleur lui monter aux joues. Elle n'avait jamais eu à faire face à ce genre de compliment de la part de quelqu'un d'aussi important. Son regard, qui se voulait professionnel, perdit son assurance, trahissant la confusion qui se mêlait à son admiration secrète.
— Je… je suis honorée, Votre Majesté, mais je n'ai fait que mon travail. Elle se força à paraître calme et professionnelle, mais son esprit était ailleurs. Elle n'osait le regarder en face plus longtemps.
Il s'avança d'un pas, leur distance réduite d'un coup, et il observa attentivement les ingrédients qui reposaient sur le comptoir.
— Vous êtes modeste, dit-il doucement, presque comme un mur de silence se dressant entre eux, mais aussi comme une invitation. Le travail que vous accomplissez ici n'est pas ordinaire. C'est ce qui me fascine chez vous.
Elle n'avait pas de réponse. Elle ne savait plus quoi dire. Ses paroles, aussi simples qu'elles semblaient, résonnaient dans ses oreilles. Il la regardait à présent d'une manière différente, avec une attention qui la troublait profondément.
— Éliana, dit-il après un moment de silence, sa voix maintenant plus sérieuse. Je ne veux pas vous mettre mal à l'aise, mais il faut que vous sachiez… que je trouve votre présence ici… différente de celles des autres. Vous ne ressemblez pas aux autres servantes.
Leurs yeux se croisèrent enfin, et Éliana sentit un frisson lui parcourir l'échine. Ce qu'il venait de dire, bien que simple, n'était pas anodin. Il la remarquait, plus que d'autres.
— Votre Majesté, commença-t-elle, luttant pour trouver des mots appropriés, je… je suis honorée que vous portiez un tel regard sur moi, mais je suis simplement une servante ici.
Il s'avança encore, son regard intensifiant le poids de ses mots. Il se pencha légèrement en avant, effleurant presque le bout de son nez de celui d'Éliana. Il y avait cette étrange proximité, cet écart qui semblait vouloir se combler.
— Vous êtes plus que cela, Éliana, murmura-t-il avec une douceur presque inquiétante. Ne sous-estimez pas ce que vous êtes ici. Vous ne le voyez pas, mais vous avez une place qui n'appartient qu'à vous.
Éliana, perdue dans la profondeur de ses yeux, sentit ses jambes fléchir légèrement. Elle ne pouvait pas répondre, ne pouvait rien dire. Elle était à la fois paralysée et fascinée par cette attention qu'il lui portait, une attention qu'elle n'avait jamais cru mériter.
— Il est inutile de résister, Éliana. Vous êtes ici pour une raison. Ne doutez jamais de cela.
Il se redressa, la laissant avec ces mots lourds et emplis de mystère. Puis, sans un mot de plus, il se dirigea vers la porte. Avant de la franchir, il se tourna une dernière fois vers elle.
— Je vous laisse à vos occupations, mais… n'oubliez pas, Éliana, la cuisine n'est pas le seul endroit où nos chemins peuvent se croiser. Il lui adressa un dernier regard chargé de promesses silencieuses. Puis il sortit, laissant Éliana seule, dans le tumulte de ses pensées.
Elle se tenait là, la respiration lourde, son cœur battant la chamade. La tension dans l'air était palpable, une tension qu'elle ne pouvait plus ignorer. Ses yeux se fermèrent un instant, cherchant un instant de répit. Mais il n'y en avait plus. Tout était devenu incertain. Et si cette attirance grandissante n'était pas qu'un jeu dangereux ?
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Christophe se tenait dans l'ombre du corridor, observant Éliana sans qu'elle ne le sache. Depuis leur première rencontre, il ne pouvait s'empêcher de penser à elle, à sa beauté simple, à la façon dont elle se déplaçait dans l'espace, comme si elle n'appartenait pas tout à fait à ce palais. Elle était différente des autres servantes, et cette différence l'attirait irrésistiblement.
Il n'était pas homme à se laisser troubler par de simples pensées, encore moins par des désirs qu'il jugeait futiles. Mais avec elle, quelque chose avait changé. Depuis qu'il l'avait aperçue dans la grande salle pour la première fois, il n'avait cessé de se demander qui elle était vraiment. Pourquoi elle ? Pourquoi maintenant ?
Il s'était approché d'elle ce matin-là avec une intention claire en tête : il devait la tester, lui parler, lui faire sentir son regard. Et elle n'avait pas failli à sa propre beauté. Ses yeux, à la fois réservés et emplis de curiosité, avaient frôlé les siens, et il avait senti ce frisson d'attirance. Une chaleur secrète s'était installée entre eux, sans qu'aucun mot n'ait été prononcé pour la définir.
Mais il savait que ce qu'il ressentait était dangereux. Trop dangereux. Lui, roi, porteur d'un fardeau qui n'appartenait qu'à lui, ne pouvait se permettre de s'attacher à une servante. Une femme du peuple. Ce genre de relation pourrait détruire son image, son pouvoir. Mais l'instinct, ce maudit instinct, l'attirait toujours davantage vers elle. Il était tiré dans une spirale, une force invisible qui semblait le guider sans qu'il ne puisse se défendre.
À plusieurs reprises, au cours de ces derniers jours, il avait cherché des occasions de la croiser. Il n'avait pas voulu qu'elle se doute de ses intentions. Non, il devait garder une certaine distance, faire en sorte que tout paraisse naturel. Mais à chaque regard échangé, à chaque frôlement furtif de leurs mains, il sentait la tentation grandir.
Ce matin, lorsqu'il l'avait vue dans la cuisine, il avait pris sa décision. Il devait la pousser à admettre ce qui se passait entre eux. Pas de manière brutale, non. Pas encore. Mais lui laisser comprendre qu'il n'était pas un homme facile à ignorer. Elle devait savoir qu'il la désirait. Pas pour ses tâches, pas pour sa position, mais pour ce qu'elle représentait en tant que femme. Elle était belle, mais plus que cela, elle était… authentique. Ce mélange de naïveté et de force qu'il décelait en elle le fascinait.
Mais en s'approchant d'elle, il avait ressenti la résistance dans ses yeux. Elle savait, elle aussi. Elle savait que cette attirance était interdite, qu'elle pourrait les détruire tous les deux. Et pourtant, lorsqu'il l'avait regardée, il avait vu un éclat dans son regard. Il n'était pas sûr, mais il l'avait vu. Une étincelle, une reconnaissance tacite de ce qu'il ressentait pour elle.
Elle s'était effacée un peu trop vite lorsqu'il avait pénétré dans la cuisine, et pourtant, il savait qu'elle l'avait attendu. Elle ne l'avait pas regardé directement, mais il avait perçu dans son langage corporel cette petite frayeur, cet émoi qu'elle n'arrivait pas à dissimuler.
Elle est forte, pensa-t-il en continuant sa marche. Mais pas aussi insensible qu'elle veut le croire. Elle a ressenti cette tension, elle aussi. C'est inévitable.
Il se retrouva dans ses appartements quelques minutes plus tard, seul avec ses pensées, mais elles tournaient toutes autour d'Éliana. Ce n'était pas une simple envie passagère. Il ne voulait pas de ce genre de relation sans lendemain. Il voulait quelque chose de plus, quelque chose d'autre, mais il ne savait pas comment l'atteindre sans tout risquer. Ses obligations royales, son héritage, son mariage, tout ce qu'il avait bâti, tout cela pourrait se fissurer si quelqu'un découvrait sa faiblesse.
Il faut que je la garde à distance, pensa-t-il. Je suis le roi. Je dois être au-dessus de ça.
Mais au fond de lui, il savait que tout cela n'était qu'un mensonge qu'il se racontait pour se convaincre. Il n'avait jamais été aussi faible devant une femme. Pas une femme du peuple, pas une servante. Pas elle.
Lorsqu'il ferma les yeux, il la revit, sa silhouette gracile dans les cuisines, son parfum, même son silence. Tout en elle l'appelait, le poussait à faire un pas de plus. Et pour la première fois, il se sentit pris au piège. Il savait qu'il était en train de jouer avec le feu, et pourtant, il ne pouvait se résoudre à éteindre la flamme.
Il se redressa brusquement, sa décision prise.
__Je vais la voir à nouveau. Cette fois, je ne la fuirai pas.
Il se détourna du miroir, résolu. Peut-être que ce n'était pas encore le moment, mais tôt ou tard, il saurait comment la faire sienne.
Ce désir qu'il ressentait n'était plus simplement une tentation. C'était devenu une nécessité. Une brûlure qu'il ne pouvait ignorer.