Chapitre 8

Chapitre 8

Les jours passaient, marqués par une routine faite de soupirs retenus, de regards furtifs et de silences lourds de sens. Éliana se retrouvait chaque soir dans les couloirs sombres du Palais Sans-Souci, ses pensées toujours tournées vers Christophe. Leur lien, fragile et clandestin, se renforçait au fil des jours, alimenté par des rencontres secrètes et des gestes volés. Leur passion grandissait à chaque instant passé ensemble, mais une ombre persistante planait au-dessus d'eux : la peur d'être découverts.

Chaque rencontre entre eux était une danse dangereuse. Le roi, avec son autorité imposante, savait comment se cacher dans les recoins les plus discrets du palais. Mais Éliana, avec sa position de servante, devait redoubler de prudence pour ne pas éveiller les soupçons.

Les couloirs du palais étaient vastes, presque labyrinthiques, mais il existait un pavillon particulier, éloigné des pièces principales, qui leur servait de refuge. Un endroit isolé, presque invisible aux yeux des autres, où ils pouvaient se retrouver sans crainte d'être dérangés. C'était là qu'ils se retrouvaient régulièrement, dans une chambre modeste mais confortable, où les murmures de leurs échanges s'élevaient au-dessus du souffle de la nuit.

Ce soir-là, Éliana se glissait discrètement entre les murs de pierre du palais, son cœur battant la chamade. Elle avait hâte de retrouver Christophe, mais la peur de la découverte faisait naître une tension sourde en elle. Elle n'était pas naïve. Elle savait que tout cela pourrait finir brutalement, que leurs moments volés pouvaient être les derniers. Mais, malgré ses doutes, une partie d'elle refusait d'arrêter. La passion qui l'embrasait était plus forte que la raison.

Elle entra dans le pavillon, et la première chose qu'elle aperçut fut la silhouette imposante de Christophe, qui attendait, assis sur un fauteuil en bois, la lumière d'une bougie projetant une ombre douce sur ses traits marqués par la fatigue des responsabilités royales. Dès qu'il la vit, il se leva, son regard ardent la scrutant, comme s'il n'avait pas vu de femme depuis des années.

— "Éliana..." sa voix profonde vibra dans l'air, chargée d'une émotion qu'il ne pouvait plus cacher.

Elle le rejoignit, une étrange chaleur l'envahissant à chaque pas. Lorsqu'elle se trouva face à lui, elle sentit son corps réagir malgré elle à sa proximité. Il n'avait rien dit, mais sa simple présence était un appel irrésistible.

Elle inspira profondément avant de répondre, avec une pointe de crainte dans la voix :

— "Majesté, il nous faut être plus prudents. Un jour, quelqu'un pourrait découvrir… ce que nous partageons. J'ai dû faire beaucoup détour pour arriver ici."

Ses mots étaient comme une vérité incandescente qu'elle n'osait plus ignorer. Il n'y avait pas que l'envie et la passion. Il y avait la conscience du danger. Le roi, marié, souverain d'un royaume, ne pouvait se permettre d'être vu avec une servante. Et elle, Éliana, devait toujours se rappeler sa place.

Christophe s'approcha lentement, et elle sentit son souffle chaud contre son visage. Il la regarda avec une intensité dévorante, mais cette fois, quelque chose de différent émana de lui : un besoin de la rassurer, d'éradiquer les craintes qui l'habitaient.

— "Je sais, Éliana, je le sais." Il caressa doucement sa joue, son regard se radoucissant. "Mais il y a des choses qu'on ne peut pas contrôler. Ce que je ressens pour toi, ce n'est pas un caprice."

Elle ferma les yeux sous son geste, la tension se dissipant en une vague de chaleur douce. Mais la peur persistait toujours, dans un coin de son esprit, comme une étreinte invisible qui refusait de la lâcher.

— "Mais si on nous découvre… si quelqu'un nous voit ensemble ?" Elle n'arrivait pas à se débarrasser de cette pensée, qui devenait de plus en plus lancinante.

— "Alors, nous nous cacherons encore mieux," répondit-il avec un sourire énigmatique. "Je suis roi, Éliana. Le palais est mon domaine. Tant que nous agissons avec discrétion, rien ne nous arrivera."

Elle le regarda, ses yeux brillant d'une confiance qu'elle ne savait pas d'où il la tirait. Mais elle comprenait. Il voulait la protéger, même si cela signifiait prendre des risques. Et elle, elle était prête à tout risquer pour cet amour secret, aussi interdit fût-il.

Elle se rapprocha de lui, ses mains tremblantes se posant sur sa poitrine, sentant la chaleur de son corps à travers les tissus. Il la regarda intensément, et sans un mot de plus, il l'attira contre lui, scellant leurs peurs et leurs désirs dans une étreinte silencieuse mais puissante. Ses lèvres se posèrent sur les siennes avec la même urgence qu'il y avait quelques nuits, mais cette fois, il n'y avait pas d'hésitation. C'était une promesse sans mots.

La pièce s'éteignit autour d'eux alors que leurs corps se retrouvaient dans un espace d'intimité où le monde extérieur n'existait plus. Elle se sentait à la fois prisonnière et libre, éperdument liée à cet homme qu'elle ne pouvait avoir mais qu'elle ne pouvait plus fuir.

Leurs nuits volées étaient un fardeau et une libération, un amour qu'ils ne pouvaient offrir au grand jour mais qu'ils ne pouvaient plus cacher à l'intérieur de leur cœur. Et tant qu'ils pouvaient se retrouver, dans ce pavillon caché du palais, ils se donneraient à cette passion sans fin, ignorant les dangers et les sacrifices qui les attendaient.

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Le vent soufflait doucement contre les fenêtres du pavillon, et dans l'air lourd de la nuit, Éliana savait que leur secret n'était qu'un voile fragile, à peine posé sur la vérité qu'ils cherchaient à dissimuler. Mais pour l'instant, cela ne comptait pas. Ce qui comptait, c'était ce moment, cette chaleur partagée, cet amour naissant qui les unissait dans l'obscurité.

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La porte du palais se referma doucement derrière lui, mais Henri Christophe ne ralentit pas son pas. Son manteau encore imprégné du parfum d'Éliana, son esprit embrouillé par le souvenir brûlant de ses lèvres, de sa peau. Il sentait encore la chaleur de son corps contre le sien, l'écho de ses soupirs résonnant dans son crâne.

Mais ici, entre ces murs de pierre, tout cela devait disparaître. Ici, il redevenait le roi, l'époux, le chef incontesté.

Lorsqu'il poussa la porte de ses appartements, il sut immédiatement qu'elle l'attendait.

Marie-Louise Christophe se tenait au centre de la pièce, toujours vêtue de sa robe de nuit en soie ivoire. Ses bras étaient croisés, son port de tête altier. Elle n'était pas du genre à pleurer ou à faire des scènes hystériques. Non, la reine savait manier le silence et les mots comme une lame affûtée.

Il referma la porte derrière lui sans un mot, posant son chapeau sur une table voisine.

— Où étais-tu ? demanda-t-elle enfin, d'une voix calme. Trop calme.

Il ôta lentement ses gants, les posant à côté du chapeau. Il ne répondit pas tout de suite, pesant ses mots.

— Au Pavillon.

Elle laissa échapper un rire bref, amer.

— Bien sûr.

Il soupira, passant une main sur son visage. Il était fatigué. Fatigué de ce jeu, fatigué de justifier des absences qu'elle comprenait très bien.

— Marie…

— Ne m'appelle pas comme ça.

Son ton était tranchant. Il releva enfin les yeux vers elle. Son regard brillait d'une lueur douloureuse, mais elle ne laissait rien transparaître d'autre.

— Combien de fois ? continua-t-elle, en avançant d'un pas. Combien de nuits passées loin de moi ? Combien de femmes ont partagé ton lit depuis que tu es devenu roi ?

Il pinça les lèvres, mais ne répondit pas. Elle n'attendait pas vraiment de réponse.

— Je ne suis pas stupide, Henri. Elle haussa légèrement le menton. Je sais ce que tu fais quand tu quittes ce palais en pleine nuit. Je sais que tu me trompes.

Son cœur se serra une fraction de seconde. Pas par culpabilité. Non, il n'était pas un homme qui regrettait ses choix. Mais la douleur dans la voix de Marie-Louise, aussi contenue soit-elle, était une réalité à laquelle il ne pouvait échapper.

— Tu es ma reine, dit-il simplement.

Elle éclata d'un rire froid.

— Ta reine ? répéta-t-elle. Quelle belle déclaration. Et pourtant, je dors seule bien plus souvent que je ne devrais.

Il ne chercha pas à se justifier. Quel intérêt ? Elle savait. Elle savait et elle restait.

Elle le détailla un instant, le regard sombre.

— Dis-moi une chose, Henri… Sa voix était plus douce, mais bien plus dangereuse. L'aimes-tu ?

Son estomac se contracta.

Elle.

Elle ne savait pas son nom. Mais elle savait qu'il y avait quelqu'un. Pas une simple distraction comme tant d'autres. Une femme qui comptait.

Il n'avait jamais eu besoin de répondre à cette question avant. Mais face à sa femme, face à la femme qui avait partagé ses combats, ses victoires et ses épreuves, il ne pouvait pas mentir.

Alors, il ne répondit pas.

Le silence suffit à Marie-Louise.

Elle hocha lentement la tête, retenant son souffle comme si elle venait de recevoir un coup en pleine poitrine.

— Je vois.

Elle détourna le regard, fixant un point invisible dans la pièce.

— Si seulement tu pouvais voir ce que cela fait d'être moi, murmura-t-elle. D'être la femme du roi, mais jamais sa seule femme.

Il ne bougea pas.

Puis, relevant le menton, elle reposa son regard sur lui.

— Fais ce que tu veux, Henri. Après tout, c'est ce que tu fais toujours. Mais souviens-toi de ceci : un roi peut tout avoir… sauf le respect d'une femme qu'il trahit.

Et sans attendre de réponse, elle tourna les talons et disparut dans l'ombre de la chambre, le laissant seul au milieu de ses mensonges et de ses vérités inavouables.

Marie-Louise Christophe, la reine d'Haïti, observait son mari avec une attention nouvelle, un regard plus pénétrant que jamais. Depuis plusieurs semaines, elle avait remarqué des changements subtils dans son comportement, des détails insignifiants en apparence, mais qui, accumulés, éveillaient de vives inquiétudes. Christophe semblait plus distrait, plus distant, et ses visites nocturnes dans certaines parties du palais s'étaient multipliées. Il était souvent plongé dans des pensées profondes, absentes, comme si quelque chose ou quelqu'un l'occupait bien plus que ses responsabilités de roi.

Marie-Louise, d'abord préoccupée par ses propres préoccupations de souveraine, avait commencé à prêter attention à ces petites variations dans la routine de son mari. Une brise de suspicion soufflait dans les couloirs dorés du palais.

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Une après-midi, alors que le soleil déclinait lentement et que les derniers rayons d'or frappaient les fenêtres du palais, Marie-Louise se tenait dans sa chambre royale, observant le reflet de son visage dans le miroir. Ses pensées étaient aussi lourdes que l'atmosphère dans la pièce. Elle s'était souvenue de la dernière fois où elle avait croisé Éliana dans les couloirs. La jeune servante semblait toujours présente, et bien que Marie-Louise ait tenté de ne pas accorder d'attention à ces détails, quelque chose en elle lui disait que les apparitions fréquentes de la jeune femme n'étaient pas tout à fait fortuites.

Les murmures des servantes étaient devenus de plus en plus insistants. "La reine a l'oreille de ses domestiques", se disait-elle parfois en observant certains comportements suspects parmi les serviteurs. Et ce soir-là, dans le petit salon privé où elle avait l'habitude de se retirer, elle se sentait encore plus troublée.

Elle avait envoyé une servante chercher Éliana. Une intuition étrange lui dictait que la vérité se cachait quelque part dans cette jeune fille discrète mais omniprésente. La porte s'ouvrit bientôt, et Éliana entra, habillée de manière sobre mais élégante comme toujours. Elle s'inclina respectueusement devant la reine.

— "Votre Majesté ?" Éliana demanda doucement, son regard fuyant légèrement, comme si elle se doutait que la rencontre ne serait pas ordinaire.

Marie-Louise la regarda de haut en bas, analysant chaque geste de la jeune servante, chaque mouvement. Elle était belle, certes, mais il y avait quelque chose de plus. Un air de confiance, un soupçon d'audace qu'elle n'avait jamais remarqué auparavant.

— "Je t'ai demandée pour une simple raison, Éliana." La voix de la reine résonna froidement dans la pièce. "Il semblerait que tu sois de plus en plus présente ces derniers temps… un peu trop présente à mon goût."

Les mots frappèrent Éliana comme un coup de tonnerre, bien que la reine fût restée calme. Elle sentit la tension monter en elle, mais elle se força à garder son calme.

— "Votre Majesté, je suis simplement au service du roi et du palais, comme toujours." Éliana répondit avec une voix tremblante de retenue.

Marie-Louise la fixa intensément, cherchant à déceler le moindre signe d'hésitation, mais la jeune femme ne faiblit pas. Pourtant, Marie-Louise sentait que quelque chose ne tournait pas rond. Elle savait, par expérience, que les femmes qui se trouvaient dans la cour royale, qu'elles soient servantes ou reines, portaient souvent un masque. Elle était la première à l'admettre. Mais là, elle était persuadée que la jeune servante n'était pas aussi innocente qu'elle voulait le paraître.

— "Tu es fidèle au roi, c'est ce que tu prétends ?" Marie-Louise enchaîna, sa voix basse et menaçante. "Mais certaines personnes m'ont parlé de toi. De tes allées et venues… au palais, loin de l'œil de la cour."

Éliana sentit une vague de chaleur l'envahir. Elle savait que cette conversation pouvait tout changer. Mais elle se força à rester calme, à ne rien trahir de ses pensées.

— "Je suis simplement une servante, Madame la Reine. Je n'ai pas d'intention particulière, si ce n'est d'accomplir mes devoirs."

Marie-Louise esquissa un sourire froid, un sourire qui n'atteignait jamais ses yeux. Elle s'approcha d'Éliana, se plantant devant elle avec une certaine autorité.

— "Bien sûr." La reine laissa un silence s'installer. Puis, soudainement, elle se pencha légèrement vers la jeune femme, son ton devenant plus doux, presque complice. "Mais tu vois, Éliana, dans ce palais, tout se sait. Et si tu crois que je ne vois rien, que je suis aveugle… tu te trompes lourdement."

Les paroles de Marie-Louise flottaient dans l'air comme des aiguilles. Éliana sentit sa gorge se serrer. Les soupçons de la reine étaient palpables, et elle savait qu'elle devait jouer ses cartes avec prudence. Si la vérité éclatait, tout serait fini pour elle. Mais plus encore, cela signifierait la fin de sa relation secrète avec Christophe.

— "Je suis... je suis confuse, Votre Majesté." Elle s'inclina légèrement, cherchant à désarmer la reine. "Je ne veux pas causer de tracas. Je vous assure que mon devoir est toujours envers la cour, et non envers d'autres préoccupations."

Marie-Louise la scrutait avec des yeux aiguisés, comme si elle mesurait chaque mot prononcé par la jeune femme. Elle savait qu'Éliana ne lui dirait pas la vérité. Mais elle pouvait se contenter de semer le doute dans son esprit, de laisser cette idée germer dans son esprit.

— "Je l'espère, Éliana." La voix de la reine se fit plus douce, mais les sous-entendus étaient clairs. "Rien ne serait pire que de découvrir un complot ici, au sein même de mon palais."

Éliana hocha la tête rapidement, consciente de l'immense danger qui planait sur elle. Elle se sentait comme un oiseau pris au piège, sachant que la moindre erreur pourrait les exposer tous les deux.

La reine la fixa un moment, puis, d'un geste brusque, fit signe à Éliana de se retirer. La porte se referma derrière elle avec un bruit sourd, et Marie-Louise demeura là, seule dans la pièce, les yeux perdus dans l'obscurité qui se renforçait à l'extérieur. Elle savait maintenant que quelque chose se passait, mais elle n'en était pas encore certaine. Et la vérité, si elle devait éclater, la détruiraient tous les deux.

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Éliana, une fois seule dans les couloirs du palais, sentit son cœur battre la chamade. La conversation avec la reine n'avait été qu'un avertissement, un rappel sinistre qu'elle n'était plus aussi invisible qu'elle le croyait. Mais elle ne pouvait pas reculer. Elle savait que son destin, tout comme celui de Christophe, était désormais scellé dans l'ombre de leur amour interdit.

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Les deux jours qui suivirent la rencontre tendue avec Marie-Louise, Éliana se sentit comme une proie, traquée et observée à chaque instant. La peur de la découverte, de la trahison, l'étouffait. Elle faisait tout pour éviter Christophe, pour rester hors de sa vue, pensant que la tension qui planait entre elle et la reine allait éclater au grand jour. Mais plus elle fuyait, plus elle sentait le poids de ce qu'elle éprouvait pour lui la rongea de l'intérieur.

Elle n'avait pas d'autre choix que de limiter ses apparitions devant le roi. Mais c'était impossible d'éviter totalement son regard perçant, l'intensité de sa présence, cette attraction magnétique qui l'attirait irrésistiblement. La peur, cependant, la maintenait à distance. Elle savait qu'elle ne pouvait plus continuer à le voir, à être près de lui sans que leurs actes ne soient découverts.

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Une semaine après sa conversation avec la reine, Éliana traversait le grand hall du palais, un panier rempli de fleurs dans les bras, quand une silhouette se dessina soudainement dans l'ombre d'un couloir. Elle leva les yeux et se figea : c'était Christophe. Il se tenait là, son regard sombre fixé sur elle, comme si son corps l'appelait malgré elle. La brise tiède de l'après-midi soufflait à travers les fenêtres ouvertes, mais tout autour d'eux, l'atmosphère était lourde, figée.

— "Éliana," murmura Christophe, sa voix grave, une note de frustration dans le timbre. "Tu m'évites."

Elle se sentit prise au piège, ses mains serrant instinctivement les poignées du panier. Il n'y avait pas de fuite possible. Elle se força à sourire, mais c'était un sourire qui n'atteignait pas ses yeux. Elle baissa la tête pour éviter son regard, mais il la prit par le menton, la forçant à relever la tête.

— "Pourquoi ? Que se passe-t-il ?" Christophe insista, son ton empreint de confusion et d'inquiétude. "Tu fuis quelque chose… ou quelqu'un ?"

Éliana sentit une douleur sourde se loger dans sa poitrine. Comment lui expliquer ? Comment lui dire que tout cela était devenu trop dangereux, trop risqué ? Que ce qu'ils avaient partagé n'avait pas seulement des conséquences sur leur relation, mais aussi sur le royaume tout entier ? Mais au lieu de répondre, elle secoua doucement la tête.

— "Je suis simplement occupée, Christophe. Les choses sont… compliquées."

Il la scruta, ses yeux perçant l'apparente tranquillité qu'elle tentait de maintenir. Mais il ne comprenait pas. Il pensait qu'elle le fuyait par mépris ou par peur de quelque chose qu'il ignorait. Et la jalousie qui bouillonnait en lui depuis plusieurs jours se fit plus intense, plus dévorante. Il ne pouvait pas se résoudre à accepter que sa maîtresse lui échappe ainsi.

— "Compliquées ? Je vois bien que tu m'évites." Il se rapprocha d'elle, et sa voix se fit plus basse, plus menaçante. "Il y a un autre homme, n'est-ce pas ? C'est pour ça que tu te détournes de moi. Tu as trouvé quelqu'un d'autre. Je te préviens, si jamais quelqu'un d'autres que moi te touche, je le tuerai de mes propres mains."

Les mots frappèrent Éliana comme un coup. Elle se sentit tout à coup accusée, trahie dans ses intentions. C'était un malentendu, mais elle ne savait pas comment le dissiper sans tout perdre. Elle se contenta de reculer légèrement, essayant de maintenir un semblant de contrôle.

— "Non, Christophe, ce n'est pas ce que tu crois." Elle leva les mains en signe de paix, ses yeux fuyant les siens. "Il n'y a personne d'autre."

Il la regarda longuement, son visage durci par la colère et la confusion. Il était impossible pour lui de comprendre ce qui se passait dans l'esprit d'Éliana. Il avait toujours eu une confiance absolue en ses sentiments envers lui. Mais maintenant, cette confiance vacillait. Il n'aimait pas être ignoré. Et il détestait l'idée qu'elle puisse le fuir, qu'elle puisse lui cacher quelque chose.

— "Tu me fuis, Éliana… pourquoi alors ? Parce que tu as peur ?" Il se rapprocha d'elle d'un pas rapide, sa présence imposante. "Tu as peur de moi ? Ou tu as peur de ce que nous sommes en train de devenir ?"

Elle sentit l'étau de la situation se resserrer autour de son cœur. L'angoisse de la découverte l'assaillait, mais elle ne pouvait pas céder à la tentation de tout lui dire. Pas maintenant. Elle baissa les yeux, cherchant une manière de le repousser sans qu'il ne se doute de la vérité.

— "Non, Christophe. Ce n'est pas ça." Elle se détourna légèrement, la voix tremblante de réticence. "Je… je ne peux pas être près de toi, pas maintenant. Ce n'est pas… possible."

Le roi, furieux et déconcerté, posa sa main sur son bras, la retenant d'un geste brusque. Il força son visage à se tourner vers lui.

— "Ne me mens pas." Il serra les mâchoires, son regard brûlant d'une jalousie maladive. "Je t'ai donnée tout ce que j'ai, Éliana. Et maintenant tu m'échappes. Pourquoi ?"

Ses mots étaient lourds de menace et de passion. Mais au lieu de répondre, Éliana sentit les larmes lui monter aux yeux. Elle ne pouvait plus lui mentir, ni se mentir à elle-même. Mais la situation était trop périlleuse. Ils ne pouvaient plus continuer ainsi, pas sans risquer tout ce qu'ils avaient construit.

— "Je n'ai jamais voulu te blesser, Christophe. Je… je suis désolée." La voix d'Éliana se brisa alors qu'elle s'éloignait lentement de lui, les yeux remplis de larmes non versées. "Mais je ne peux pas continuer. Il faut que tout s'arrête ici."

Christophe resta là, immobile, le regard perdu dans le vide. Il savait, au fond de lui, qu'elle ne lui mentait pas, mais il ne pouvait pas accepter la vérité. Elle voulait partir, elle voulait fuir. Et cela, il ne pouvait le supporter.

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Alors qu'Éliana, le cœur lourd et l'esprit tourmenté, se dirigeait lentement vers le quartier des servantes, elle se sentait piégée, accablée par la situation. Elle savait que Christophe la recherchait, que sa réaction à son éloignement serait violente. Pourtant, elle n'avait d'autre choix que de s'éloigner, de prendre du recul pour préserver ce qui restait de sa dignité.

Soudain, alors qu'elle longeait le couloir sombre menant aux chambres des servantes, une main ferme se posa sur son bras. Elle se figea, un frisson glacé lui parcourant l'échine, avant d'être tirée en arrière, dans une pièce secrète, loin des yeux et des oreilles des autres. C'était la bibliothèque privée du roi, un lieu qu'elle connaissait bien, mais qui avait toujours été un endroit réservé, inaccessible à ceux qui n'étaient pas invités.

La porte se referma dans un bruit sourd derrière elle. Éliana se retrouva face à Christophe, qui la maintenait fermement contre lui, une lueur de détermination brûlant dans ses yeux. Son souffle était rapide, son visage marqué par l'inquiétude et la colère mêlées.

— "Tu n'as pas le droit de t'éloigner de moi comme ça," dit-il d'une voix rauque, une autorité intransigeante dans le ton. "Tu es mienne, Éliana. Et tu n'as aucune idée du danger que tu risques en fuyant."

Éliana tenta de se dégager, mais sa prise sur elle était trop forte. Elle leva les yeux vers lui, se sentant piégée par la violence de son regard.

— "Je n'ai pas le choix, Christophe. Je ne peux pas continuer à vivre dans cette folie. Si quelqu'un découvre ce que nous faisons, tout est fini pour nous deux. Pour vous aussi." Sa voix tremblait, malgré ses efforts pour rester calme.

Le roi l'attira plus près de lui, son visage tout près du sien. Il était en proie à une jalousie furieuse, incapable de comprendre pourquoi elle le repoussait alors qu'il lui offrait tout ce qu'il avait. Sa main se resserra autour de son bras, presque possessivement.

— "Je m'en fous de ce que les autres pensent," gronda-t-il. "Je ne vais pas te laisser partir, Éliana. Tu m'as donné quelque chose que personne d'autre ne pourra jamais me donner. Tu crois qu'ils peuvent m'arrêter ? Ils n'ont aucun pouvoir sur moi."

Elle le regarda, ses yeux remplis d'une tristesse profonde.

__ "Ce n'est pas une question de pouvoir, Christophe. C'est une question de survie. Nous ne pouvons pas vivre dans ce secret éternellement."

Il la scruta longuement, son visage durci par l'incertitude. Il n'avait pas l'intention de la laisser partir, pas après ce qu'ils avaient partagé. Mais il sentait aussi la peur qui émanait d'elle, cette peur qu'il ne pouvait ignorer. Il relâcha légèrement sa prise, mais ne s'éloigna pas.

— "Tu crois que je vais te laisser partir ? Que je vais te laisser m'échapper aussi facilement ?" Il secoua la tête, un sourire ironique étirant ses lèvres. "Tu penses vraiment que tu peux me fuir, Éliana ?"

Elle se mordit la lèvre, sentant ses forces l'abandonner. C'était trop difficile, trop lourd à porter. Christophe était son roi, son amant, mais il était aussi son bourreau, l'homme qui faisait naître en elle des désirs qu'elle ne pouvait assouvir sans risquer sa vie. Et elle savait au fond d'elle que ce n'était qu'une question de temps avant que ce secret ne soit découvert, et qu'ils soient tous deux détruits par cette passion interdite.

— "Tu ne comprends pas, Christophe. Tu ne comprends pas à quel point c'est dangereux." Elle tourna le regard vers la fenêtre, tentant de se détourner de lui, de se donner un peu de recul. "Je n'ai pas choisi cela. Mais il faut que je parte. Il faut que je m'éloigne avant qu'il ne soit trop tard."

Il la saisit à nouveau par le bras, ses yeux brûlant de désir et de frustration.

— "Non." Sa voix se fit plus ferme, plus déterminée. "Tu es mienne. Tu m'appartiens. Et tu ne quitteras pas ce palais, tu ne me quitteras pas."

Il la força à le regarder, et Éliana sentit le poids de ses paroles s'abattre sur elle comme un coup de marteau. Comment pourrait-elle lui échapper ? Elle savait que, de toute façon, elle n'avait aucune échappatoire.

— "Christophe… s'il te plaît…" Sa voix se brisa, et elle chercha à détourner son regard de lui, mais il la força à le fixer. "Je suis… je suis perdue."

— "Alors laisse-moi te montrer le chemin," répondit-il d'une voix basse, presque douce. "Laisse-moi être celui qui décide pour nous deux."

Christophe se pencha vers elle, son visage si près du sien qu'elle pouvait sentir la chaleur de son souffle sur ses lèvres. Elle ne pouvait plus reculer. Et même si elle savait que tout cela finirait par les détruire, une part d'elle ne pouvait s'empêcher de se perdre dans la fièvre de cet instant. Dans la puissance de son désir pour lui, dans la promesse silencieuse qu'il lui faisait en la retenant ainsi.