Chapitre 3

Ezra était assis sur un tabouret. Il avait son téléphone en main, son regard indifférent glissant sur l'écran. La notification du message de Kael clignotait encore. Il n'en fit rien, la ferma d'un geste nonchalant et rangea l'appareil dans sa poche.

– Il a changé d'avis, finalement, fit Téo, l'un des techniciens de l'équipe, en haussant les épaules. 

– Oui, répondit Ezra calmement. Mais pas pour nous rejoindre.

Un ricanement général s'éleva dans le groupe. Ezra savait que personne n'était vraiment surpris. Kael, égal à lui-même, avait encore une fois fait passer ses envies d'évasion avant leur petite célébration d'équipe.

De l'autre côté de la ville, Kael Vesper était au cœur d'une fête privée, un lieu prisé des fêtards en quête d'adrénaline. La musique tonnait, les basses vibraient jusque dans le sol, et Kael, trônait au milieu de la foule. Des Alpha et des Bêta, hommes et femmes, dansaient autour de lui, leurs corps se pressant contre le sien. Il riait bruyamment, une bouteille à la main, enchaînant les verres sans montrer le moindre signe de faiblesse.

Le fait d'être un Alpha dominant jouait en sa faveur. Là où d'autres auraient fini écroulés sur une chaise après deux bouteilles, Kael continuait de boire avec une arrogance non dissimulée. Chaque regard admiratif, chaque chuchotement flatteur alimentait son ego. 

–Arrête d'essayer de lui caser une Omega, il a horreur qu'elles l'approchent, lança Adrien, un ami de longue date, en éclatant de rire. 

– Ce mec est incroyable. Physiquement, c'est tout à fait son type pourtant, ajouta Kris, visiblement frustré. 

Kris, c'était l'un de ceux qui avaient un faible assumé pour Kael depuis le lycée. Une obsession qui faisait rire le groupe, même si Kael l'avait toujours gentiment repoussé. Leur petite bande était restée soudée au fil des années, et même Ezra avait fait partie du lot. Pourtant, Ezra n'avait jamais été aussi à l'aise dans ce genre d'environnement. Contrairement aux autres, il préférait son coin tranquille, loin du chaos, mais il supportait Kael. Plus que ça, il était devenu sa moitié, l'unique personne capable de le tempérer… quand Kael acceptait de l'écouter.

La fête continuait de battre son plein. Kael, détendu et un peu trop sûr de lui, quitta la piste accompagné de ses amis pour fumer une cigarette. Ils discutaient de tout et de rien, leurs rires résonnant dans la nuit. 

– Mec, je te jure, tu devrais venir avec nous au lac la semaine prochaine, proposa Adrien.T'as besoin de décrocher un peu.

– Décrocher ? Je viens de gagner une course, pourquoi est-ce que je décrocherais? répondit Kael en haussant les épaules, un sourire narquois aux lèvres. 

Une fille s'approcha alors de lui, brisant la conversation. Kael l'avait remarquée plus tôt, au bar. Elle n'avait cessé de lui lancer des regards, son intérêt flagrant le faisait presque rire. Ses amis, voyant la scène, s'éclipsèrent discrètement, lui lançant des clins d'œil moqueurs. 

Kael ne se fit pas prier. Il lui sourit, échangea quelques mots avec elle, et quelques minutes plus tard, ils étaient dans sa voiture. Ce qui suivit était aussi prévisible qu'éphémère.

Elle s'était penchée vers lui, ses lèvres effleurant presque les siennes, mais il posa un doigt sur sa bouche, stoppant son élan. 

– Je n'embrasse pas, murmura-t-il, ses yeux brillant d'un éclat amusé.

Elle avait ri doucement, un mélange de frustration et de fascination, avant de s'abandonner à ses gestes. Ses mains glissèrent sous le tissu léger de sa robe, explorant sa peau avec une assurance désarmante. La nuit autour d'eux semblait s'effacer, ne laissant qu'une bulle de chaleur et de désir. 

Kael, égal à lui-même, était attentif sans jamais céder le moindre contrôle. Chaque mouvement de son corps témoignait de cette maîtrise innée qu'il avait sur lui-même et sur les autres. Il la faisait gémir, ses doigts traçant des lignes invisibles sur sa peau, mais il gardait ses propres émotions soigneusement verrouillées. 

Plus tard, dans le lit du motel, il la fit trembler à nouveau, jouant avec elle comme il le faisait avec ses adversaires sur la piste : précis, implacable, et inatteignable. Quand elle tenta à nouveau de l'attirer pour un baiser, il tourna légèrement la tête, un sourire en coin. 

– Ça reste non,souffla-t-il, sa voix rauque mais détachée, avant de replonger dans leurs ébats. 

Comme à son habitude, Kael s'éclipsa avant que la Beta ne se réveille. La lumière du matin filtrait à travers les stores lorsqu'il quitta la chambre, son blouson en cuir sur l'épaule. 

Une fois chez lui, il se débarrassa de ses vêtements imprégnés de l'odeur de fête, prit une douche rapide, et se laissa tomber sur le canapé avec un bol de céréales. C'étaient les préférées d'Ezra, mais Kael les avait adoptées par pure convenance. Il les avait achetées plus pour Ezra que pour lui-même, mais cela ne l'empêchait pas de piocher dedans sans retenue.

En consultant son téléphone, il remarqua qu'Ezra avait vu ses stories Instagram de la veille. Un sourire étira ses lèvres. 

« Il ferait un bon détective, ce mec. Toujours là, à surveiller sans avoir l'air de s'en mêler.»

Il laissa échapper un ricanement et posa son téléphone. Ezra finirait par râler, comme toujours. C'était leur routine, et Kael, malgré son insouciance apparente, aimait bien ce petit rituel.

Quelques notifications s'accumulaient, mais rien de vraiment intéressant. Des félicitations pour la course, des propositions de marques, et, bien sûr, des invitations de plusieurs femmes qui n'avaient pas manqué de le remarquer sur la piste. Il les parcourut distraitement avant de refermer son téléphone.

En début d'après-midi, il rejoignit son garage, où l'équipe s'activait déjà autour de sa voiture. Son petit congé c'était que pour les courses, les entraînements n'attendent pas eux.La tension habituelle du travail l'enveloppa, mais ce n'était pas désagréable. C'était son monde, son échappatoire. Ezra était plongé dans ses outils, le visage concentré.

Kael s'approcha, tapotant son épaule avec un sourire narquois.

– T'as vu ma story, mais t'as rien dit. Je t'ai manqué ? lança-t-il, moqueur.

Ezra leva les yeux, un éclat d'agacement dans le regard, mais il se contenta de hausser les épaules.

– T'es pas aussi spécial que tu crois, Kael. Et d'ailleurs, t'es en retard.

Kael éclata de rire, amusé par le ton acerbe de son ami. Mais au fond, il aimait ces moments, cette simplicité qu'il ne retrouvait nulle part ailleurs.

L'entraînement battait son plein. Kael, vêtu de sa tenue habituelle qui laissait deviner chaque ligne de ses muscles, faisait des allers-retours entre sa voiture et le simulateur. Chaque mouvement trahissait une aisance naturelle, mais aussi une rigueur qu'il dissimulait derrière son attitude désinvolte. 

Ezra, de son côté, restait concentré sur le moteur de la voiture, les mains pleines de cambouis. Il détestait être distrait lorsqu'il travaillait, et Kael le savait. 

– Allez, Ez. T'as presque terminé ? Je veux entendre rugir cette beauté.

Ezra soupira, levant les yeux au ciel. 

– Tu peux pas attendre deux minutes comme tout le monde ?

Kael s'adossa à un établi, un sourire en coin. 

– T'oublies une toute petite chose, je suis pas comme "tout le monde".

– Si t'arrêtais de parler et que tu me laissais bosser, elle serait prête plus vite.

Kael éclata de rire, mais obtempéra. Il avait l'habitude d'agacer Ezra, juste assez pour voir cette lueur d'agacement dans ses yeux. C'était leur façon de fonctionner, un équilibre étrange entre taquinerie et confiance absolue.Dans le coin, Téo observait la scène en riant sous cape. 

– Hé, Kael, arrête de flirter avec Ezra et laisse-le faire son boulot, ou on va finir ici jusqu'à minuit. 

Kael lui lança un regard amusé. 

– T'inquiète, Téo. Tu sais qu'il aime bosser sous pression.

Téo roula des yeux en plaisantant. 

– Ouais, sauf que c'est toujours toi qui nous fous dans la merde.

Mélina, une ingénieure qui supervisait les données du simulateur, s'approcha avec sa tablette. 

– Kael, tu pourrais prendre cinq minutes pour vérifier les paramètres avant de sauter dans la voiture ? 

Kael lui fit un clin d'œil. 

– Relax, Mel. Si ça explose, au moins j'aurai l'air cool en volant dans les airs. 

– Au moins on se débarrassera une bonne fois pour toute de toi ! lança Ezra sans lever les yeux. 

Quand Ezra annonça enfin que la voiture était prête, Kael se précipita. Il s'installa derrière le volant avec un enthousiasme presque enfantin. 

– Alors, qu'est-ce que t'as fait à ma belle aujourd'hui ? Elle a intérêt à être encore plus rapide.

Ezra croisa les bras, un sourire satisfait sur les lèvres. 

– J'ai optimisé l'accélération et ajusté la suspension. Mais si tu continues à la conduire comme un bourrin...

Kael fit rugir le moteur en guise de réponse, un frisson d'excitation parcourant son corps. 

– Bourrin ou pas, tu sais que je gagne toujours.

Pendant l'entraînement, Kael enchaîna les tours avec une précision presque hypnotique. Sur la piste, il était une force de la nature, entièrement en contrôle. 

Depuis les gradins, Mélina analysait les données tandis que Téo plaisantait avec Ezra. 

– Je sais pas comment tu fais pour le supporter, mec. Sérieux, il est insupportable.

Ezra haussa les épaules. 

– Je crois que j'ai développé une immunité avec le temps.

Quand Kael revint au garage après sa session, il sauta hors de la voiture, trempé de sueur mais radieux. 

– Alors, les gars ? Impressionnés ?

– Impressionnés que t'aies pas explosé la voiture, ouais, lança Téo en riant. 

Kael passa un bras autour des épaules d'Ezra, l'attirant contre lui malgré ses protestations. 

– Allez, Ez. Toi, t'es impressionné, hein ? 

– T'es insupportable, Kael.

Mais malgré son ton, Ezra ne put s'empêcher de sourire, ce qui fit éclater de rire Mélina et Téo.