Chapitre 5

Ezra se redressa en grognant, ses tempes battant comme un tambour. Il tâtonna à côté de son lit pour attraper son téléphone : "3h47".

– Génial… Merci la soirée pourrie, murmura-t-il, en passant une main sur son visage. 

Il se leva et descendit en direction de la cuisine, bien décidé à avaler une aspirine et un verre d'eau avant de retourner se coucher. Mais en approchant du salon, une lumière tamisée attira son attention. 

Kael était affalé sur le canapé, un verre à la main et les yeux fixant un point invisible devant lui. 

– T'es sérieux ? Tu bois encore à cette heure ? lança Ezra en entrant dans la pièce. 

Kael tourna la tête, l'air étrangement calme. 

– J'arrive pas à dormir.

Ezra s'approcha et s'assit sur le fauteuil à côté, le regardant avec curiosité. 

– Et boire va t'aider, c'est ça ?

– Peut-être, ou peut-être pas. C'est pas comme si ça changeait grand-chose.

Ezra comprit immédiatement où Kael voulait en venir. Ce n'était pas la première fois qu'il assistait à l'une de ses crises de doute. Derrière son masque d'arrogance et de confiance en lui, Kael portait un fardeau qu'il se refusait de montrer. 

Il soupira et se leva pour attraper le verre de son ami, le vidant d'un trait avant de poser le verre vide sur la table. 

– T'as encore décidé de te prendre pour un philosophe ? Ou tu veux qu'on parle de ce qui te ronge vraiment ? Est-ce que quelqu'un t'a fait une remarque qu'il ne fallait pas là-bas?

Kael releva les yeux vers lui, visiblement surpris par son ton direct. 

– T'as quoi, une boule de cristal maintenant ? répliqua-t-il avec un rictus cynique. 

– Pas besoin de boule de cristal. Je te connais par cœur. Tu fais toujours ça. Tu doutes, tu te pousses à bout, et quand t'arrives à un point de rupture, tu fais comme si rien ne t'atteignait.

Kael détourna le regard, mais Ezra continua. 

– Tu veux qu'on dise quoi, Kael ? Que t'es parfait ? Que t'as jamais besoin de personne ? Que t'es insensible ?

Kael resta silencieux, fixant un point imaginaire. Ezra s'assit à côté de lui, son ton plus doux maintenant. 

– T'es pas obligé de porter tout ça tout seul, tu sais.

– Arrête, murmura Kael, mais sa voix manquait de conviction. 

Ezra posa une main sur son épaule. 

–Écoute… Tu crois que je t'ai suivi toutes ces années juste parce que tu conduis comme un dieu ou parce que tu sais jouer au mec sûr de lui ? Non, Kael. Je suis là parce que derrière ton ego, il y a quelqu'un qui en vaut la peine. En plus tu viens juste de t'éclater à une fête tu vas pas faire ta tête d'enterrement maintenant.

Kael pinça les lèvres, comme pour retenir une réponse cinglante. Ezra pouvait presque voir le combat intérieur sur son visage. 

– Ils attendent trop de moi, Ez… finit-il par murmurer, sa voix tremblante. 

Ezra haussa les épaules, son expression détendue contrastant avec la tension palpable dans la pièce. 

– Alors quoi ? Fais ce que "toi"tu veux. Arrête de leur prouver que t'es capable de tout. T'as déjà fait tes preuves, Kael. 

Un silence s'installa. Kael finit par se passer une main dans les cheveux, évitant toujours le regard d'Ezra. 

– T'es chiant, tu sais ça ? lâcha-t-il avec un sourire en coin. 

– Ouais, je sais. Mais quelqu'un doit bien l'être.

Ils finirent par changer de sujet, leur conversation s'allégeant progressivement. Ezra savait qu'il avait réussi à calmer son ami, au moins pour l'instant. Ça lui arrivait pas souvent mais parfois il avait complètement le moral à zéro, et ceci même sans une raison valable.

Le lendemain matin, le réveil fut moins chaotique qu'à l'accoutumée. Kael était déjà debout, une première, il était habitué à le voir émerger bien après midi les jours de repos. 

– T'as dormi sur le canapé, ou bien tu t'es miraculeusement décidé à rejoindre la chambre? lança Ezra en sortant de sa chambre, les cheveux en bataille. 

Après leur conversation Ezra était allé se coucher tandis qu'il avait encore laissé Kael au salon.

Kael, assis dans la cuisine, une tasse de café à la main, haussa un sourcil. 

– J'ai dormi, merci de t'inquiéter. Mais crois-moi j'ai vraiment regretté d'avoir partagé ton lit que de rester sur le canapé.

Ezra lui jeta un regard noir avant de se servir une tasse de café à son tour. 

– Très drôle. Qu'est-ce qui t'a réveillé si tôt? 

Kael tapota un agenda posé sur la table. 

– J'ai une interview à 10h tu te rappelles. Mais je me suis dit qu'on pourrait aussi faire un truc ensemble. Tu sais, histoire de te sortir de ton antre d'huile et de pièces détachées.

Ezra leva les yeux au ciel, mais il ne put s'empêcher de sourire. 

– Si tu veux m'emmener dans un autre de ces magasins hors de prix, oublie.

– Oh, je pensais plutôt à un truc plus… divertissant.

Ils arrivèrent à l'interview un peu en retard, ce qui n'était pas inhabituel pour Kael. Ils étaient pourtant sortis à l'heure mais les embouteillages n'étaient pas de leur côté. Les locaux de la chaîne étaient modernes et lumineux, et une assistante les accueillit avec un sourire crispé. 

– Monsieur Vesper, vous êtes attendu dans la salle principale.

Kael fit un clin d'œil à Ezra. 

– Essaye de ne pas t'ennuyer sans moi.

Ezra, habitué à ces situations, s'installa dans un coin de la salle d'attente, son téléphone en main. Il observa Kael à travers une vitre, répondant avec aisance aux questions. Mais ce qu'Ezra remarqua surtout, c'était à quel point son ami savait jouer un rôle. Le Kael charmant et sûr de lui qu'il voyait là n'était qu'une façade, et il en était le seul témoin. 

Quand l'interview fut terminée, Kael sortit de la salle avec son sourire habituel. 

– Alors ? 

– Tu devrais avoir un Oscar, répondit Ezra en se levant. 

Kael éclata de rire. 

_ Bon allez on va faire un petit tour!

Quelques heures plus tard, ils étaient sur un circuit privé, loin des paparazzis et des regards indiscrets. Kael avait insisté pour qu'Ezra prenne le volant, bien qu'il n'ait jamais été un fan de vitesse. 

– Sérieusement, Kael ? Tu veux ma mort ou quoi ? grogna Ezra en ajustant le casque que son ami lui avait tendu. 

– Arrête de faire ta chochotte. C'est juste pour que tu comprennes ce que je ressens quand je suis sur la piste.

Malgré ses protestations initiales, Ezra finit par se laisser convaincre. Les premières minutes furent hésitantes, mais rapidement, il trouva un rythme. 

Kael, assis à côté, observait avec un mélange d'amusement et de fierté. 

– Pas mal pour un mec qui préfère bricoler sous une voiture.

– Tais-toi, ou je te laisse ici, répliqua Ezra, concentré sur la route. 

Après quelques tours, il gara finalement la voiture, son cœur battant la chamade. 

– Bon sang, comment tu fais ça tout le temps sans exploser ?

Kael rit en descendant. 

– C'est ce qu'on appelle l'adrénaline, Ez. T'en redemandes, avoue.

Ezra secoua la tête, mais son sourire trahissait son plaisir.