Chapitre 41

^Flashback^

Une légère brise soulevait les mèches brunes d'Ezra alors qu'il regardait son meilleur ami en coin. Kael semblait tendu, le regard braqué sur la porte de la maison devant eux. L'air du soir portait un parfum familier de terre humide et de fleurs, mais Kael ne sentait que l'angoisse qui montait en lui.

— Tu sais, tu n'as pas à te forcer si c'est dur pour toi. Ma mère ne t'en voudra pas si tu ne peux pas dîner avec nous.

Ezra avait pris un ton neutre, mais Kael savait qu'il tentait de le rassurer. Il pouvait deviner l'hésitation dans ses yeux.

— Toi, tu connais ma famille et on traîne ensemble tout le temps. Ça fait plusieurs fois qu'on repousse cette rencontre... Je peux le faire en plus je vais pas fuir sous prétexte que ta mère est une Oméga.

Il disait ça pour se convaincre lui-même autant que pour rassurer Ezra.

Kael n'avait jamais caché sa difficulté à être proche des Omégas. Pas par haine, ni même par rejet, mais par pur instinct. Les phéromones des Omégas le mettaient souvent mal à l'aise, et il ne savait jamais comment réagir en leur présence. Pourtant, il était là. Parce que c'était la mère d'Ezra. Parce qu'il devait le faire.

Ezra scruta son visage, puis hocha la tête.

— Ouais... Si tu ressens le moindre malaise, tu me le dis immédiatement, d'accord ?

— D'accord.

Il inspira profondément et pénétra dans la maison à la suite d'Ezra.

L'intérieur était chaleureux, empreint d'une douce odeur d'épices grillées et de viande rôtie qui flottait dans l'air. Le parfum envoûtant d'un mole poblano, un plat mexicain complexe mêlant chocolat noir, piment et une multitude d'épices, embaumait la pièce.

— Mamá, je suis là, lança Ezra en avançant vers la cuisine.

— Je suis ici, cariño ! répondit une voix depuis l'intérieur.

Gabriela Navarro était debout devant le plan de travail, finissant de mélanger des légumes colorés dans un grand plat. Lorsqu'elle se retourna, un sourire éclatant illumina son visage.

— ¡Hola! Je te rencontre enfin, Kael. Ezra me parle tout le temps de toi.

Elle garda une certaine distance, un geste discret mais évident : elle savait que Kael pouvait être mal à l'aise en présence d'un Oméga.

Kael, lui, resta figé une seconde. Gabriela Navarro était... magnifique. Une femme aux traits fins et expressifs, à la peau dorée par le soleil, avec des cheveux noirs épais relevés en un chignon désordonné. Ses yeux, couleur caramel, pétillaient d'une chaleur maternelle, mais aussi d'une pointe de malice. Elle avait l'élégance naturelle des femmes latinas, une prestance qui imposait sans jamais écraser.

Il ouvrit la bouche, et, à son grand désarroi, les seuls mots qui en sortirent furent :

— Vous… vous êtes très belle.

Un rire clair s'échappa des lèvres de Gabriela.

— Eh bien, je ne m'attendais pas à ce que ce soit la première chose que tu me dises ! plaisanta-t-elle.

Ezra haussa un sourcil amusé en jetant un regard moqueur à Kael.

— Détends-toi, chico. Je ne mords pas, ajouta Gabriela en riant.

Kael sentit la pression dans ses épaules s'alléger. Il relâcha inconsciemment la prise qu'il avait sur le bras d'Ezra et se força à souffler discrètement.

— Bienvenue, Kael. Fais comme chez toi, mon grand. Et excuse mon accent.

— Merci... fit Kael, encore un peu crispé.

Ezra, lui, s'accouda au comptoir.

— Besoin d'aide ?

— Non, j'ai presque terminé. Montez dans ta chambre, je vous appellerai quand ce sera prêt.

— D'accord, répondit Ezra en espagnol.

Gabriela tendit un plateau à Kael.

— Tiens, ce sont des muffins.

Kael hésita, puis en prit un avec un sourire discret.

— Merci.

— Et moi ? protesta Ezra.

Gabriela croisa les bras.

— Pas de sucreries cette semaine, c'est ce qu'a dit le dentiste.

— Mamá, tu vas pas me faire ça...

Elle rit, mais au lieu de muffins, elle lui tendit une petite assiette de totopos (des chips de maïs maison avec une sauce).

— Allez, filez maintenant.

Ezra râla en espagnol, mais il attrapa l'assiette avant de monter, suivi de Kael.

^Fin du flashback^

Kael tendit un verre d'eau à Gabriela avant de s'asseoir à côté d'elle sur le canapé. Il l'observa un instant, cherchant à deviner ce qui l'avait poussée à venir jusqu'ici.

— Tu es sûre de ne rien vouloir d'autre ?

— Non, ça ira. Merci, Kael.

Il fronça légèrement les sourcils.

— Et...est-ce que tout va bien ?

Gabriela leva les yeux vers lui et le scruta longuement. Puis elle souffla un rire léger.

— T'as une mine affreuse, chico loco.

Kael esquissa un sourire nerveux.

— Disons que mon beau visage a connu des jours plus heureux.

Ils rirent ensemble, puis un silence tomba entre eux. Gabriela fut la première à le briser.

— Tu sais Kael, Ezra n'a jamais été un enfant qui aimait se plaindre. Quand quelque chose le tourmentait, il gardait tout pour lui. Même quand je lui demandais comment il allait, il souriait et me rassurait. Il me faisait presque de la peine...

Kael baissa les yeux.

— J'ai été tellement rassurée de voir qu'il avait quelqu'un. Quelqu'un avec qui il pouvait être lui-même et sur qui il pouvait compter. Il t'avait trouvé, Kael.

Elle marqua une pause, avant d'ajouter d'un ton plus grave :

— Il avait refusé cette bourse d'études en Allemagne à l'époque pour rester à tes côtés. Il prétextait qu'il se sentait bien ici et qu'il ne voulait pas partir.

Kael releva brusquement la tête.

— Quoi ?

Gabriela hocha la tête.

— J'ai su qu'il était amoureux de toi avant même qu'il ne s'en rende compte lui-même. Il n'y a pas de magie, je suis sa mère.

Le souffle de Kael se coupa.

— Si c'était le cas... pourquoi il est parti ?

Gabriela le fixa, puis murmura :

— Parce qu'il est devenu un Oméga.

Kael sentit son cœur rater un battement.

— Quoi ?

— Après son malaise à l'écurie la dernière fois, le médecin lui a révélé qu'il avait manifesté en tant qu'Oméga.

Kael secoua la tête, refusant d'y croire.

— C'est pas possible ! Je l'aurais senti, j'aurais perçu ses phéromones ! Mais comment...

— Apparemment, il en sécrète très peu, c'est pour cela qu'on ne les sens pas en plus il prend des supresseurs ce qui le faisait passer inaperçu... Mais ce n'est pas tout.

Gabriela prit une grande inspiration.

— Il a une marque à l'oreille. Il refuse de me dire ce qui s'est passé, mais étant moi même un oméga... je sais ce que c'est.

Kael sentit son sang se glacer.

— Un... marquage ?

Gabriela hocha lentement la tête.

— Oui. Quelqu'un l'a marqué.