Chapitre 22 – L’ombre dans les greniers

Trois jours s'étaient écoulés, et l'aube de ce matin-là portait un silence étrange. Le palais semblait figé dans l'attente. Derrière les murs de la Cité pourpre, une machination était sur le point d'éclater. Ministre Jiang allait frapper. Mais ce n'était pas Jiayi qu'il allait affaiblir… c'était l'Empire qui tremblerait si elle tenait bon.

 

Chez les Shen, Xiaolan, plus anxieuse que jamais, observait Jiayi qui se préparait à sortir.

— Ma dame… je sens que quelque chose ne va pas. Pourquoi vous envoyer, vous, à l'entrepôt impérial ? Ce n'est pas votre rôle…

Jiayi nouait calmement sa chevelure en un chignon simple. Elle prit une profonde inspiration avant de répondre.

— Parce qu'ils pensent que je suis facile à piéger. Et je vais leur prouver qu'ils ont tort.

— Et si c'était un piège ?! s'écria Xiaolan.

— Alors je saurai le retourner contre eux, dit-elle simplement.

 

Pendant ce temps, ministre Jiang, dans ses appartements, peaufinait les derniers détails. Les faux documents étaient en place. Le grain avait été "volé" fictivement, les registres manipulés, et l'un de ses espions attendait à l'intérieur pour provoquer la chute de Jiayi.

— Lorsqu'elle entrera, déclara Jiang à voix basse, le chaos s'ensuivra.

 

Mais l'Empereur, lui, ne dormait pas. Ayant placé plusieurs espions loyaux à l'intérieur de l'entrepôt, il observait les mouvements en secret. Sur le toit d'un pavillon annexe, le garde Wei, fidèle protecteur, observait les alentours, main sur la garde de son épée. Il savait que quelque chose se tramait. Son regard, en alerte, cherchait uniquement une silhouette : Jiayi.

Lorsqu'il la vit approcher, droite et calme, il sentit son cœur battre un peu plus vite.

Dans une ruelle près de l'entrepôt impérial, le garde Wei, fidèle bras droit de l'empereur, tenait son épée contre son dos, observant chaque mouvement des soldats en poste. Son regard acéré ne quittait jamais l'entrée principale. Il connaissait le plan, savait que l'empereur avait placé ses espions… mais malgré cela, une inquiétude profonde s'agitait en lui.

— Jiayi… ne tombe pas dans le piège. Ne sois pas imprudente.

Jiayi entra dans l'entrepôt. L'air y était sec, poussiéreux. Des soldats en faction la saluèrent, certains d'un ton hésitant. Elle avança, attentive. Tout semblait trop… orchestré.

Un soldat l'invita à le suivre. Elle s'exécuta. Ils la menèrent jusqu'à une table garnie de registres, de documents falsifiés, et, dissimulée sous un voile, une lame… prête à incriminer.

— Mademoiselle Shen, nous avons découvert cela. Il semble que votre signature figure sur ce document attestant d'un transfert de blé… or, ce blé a disparu. On parle de trahison envers l'Empire.

Jiayi fixa le document un instant. Puis, sans trembler, elle sortit une petite pochette de sa manche.

— Voici un sceau officiel de l'intendant de l'entrepôt… daté d'hier. Il atteste que je n'ai mis les pieds ici que pour une visite d'inventaire, et qu'aucun transfert ne m'a jamais été attribué.

Elle s'approcha d'un sac éventré.

— Et ceci ? Ce n'est pas du blé volé. C'est du grain pourri, mélangé à de la cendre. Pour simuler une perte.

Les soldats, troublés, commencèrent à douter.

Soudain, un homme encapuchonné, qui avait tenté de se cacher derrière les sacs, trébucha et fut plaqué au sol par les espions de l'empereur.

— Un espion ! cria l'un d'eux.

— Je… je peux tout expliquer ! balbutia l'homme. Je travaille pour le ministre… Il m'a forcé à…

Mais avant qu'il ne puisse dire un mot de plus, un souffle lourd résonna derrière lui. Le ministre Jiang, arrivé dans la précipitation, s'élança et, d'un mouvement sec, enfonça un poignard dans le flanc de l'espion.

— Traître ! hurla-t-il.

Le silence tomba dans l'entrepôt.

Jiayi, impassible, recula d'un pas.

— Voilà qui parle plus fort que tous les documents.

Les espions de l'empereur se regroupèrent, encerclant Jiang.

— Vos gestes viennent de trahir vos intentions, ministre. Votre main a parlé avant vos mots.

Jiang, figé, comprit qu'il venait de tout perdre.

 

Sur les hauteurs du bâtiment, le garde Wei abaissa son épée, soulagé.

— Elle s'en est sortie seule… comme toujours.

L'empereur, quant à lui, avait tout vu depuis sa salle privée, grâce à un miroir de jade gravé. Il posa sa main sur le socle de pierre.

— Gracieuse… et redoutable. Elle ne cesse de me surprendre.

 

De l'autre côté du palais, l'impératrice**, encore en train de siroter son thé, reçut la nouvelle. Serra sa main jusqu'à saigner.

— Encore elle… murmura-t-elle.

— Que faisons-nous, Majesté ? demanda Lianfei.

— Nous attendons le bon moment… La patience est une arme bien plus tranchante que l'acier.