Chapitre 25 – Les cœurs s’enflamment sous les lanternes

Les jours s'étaient écoulés depuis l'agitation du palais. Jiayi, bien que saluée par l'empereur et reconnue pour sa bravoure, ressentait dans son cœur une lassitude pesante. La politique de cour, les intrigues, les regards, les pressions… tout cela l'éreintait plus que n'importe quelle épée. Ce matin-là, elle se leva avec une seule idée en tête : fuir le faste, la noblesse et les manigances… pour simplement redevenir une jeune femme arpentant les ruelles animées de la capitale.

— Xiaolan, aujourd'hui, je veux flâner. Je veux goûter à chaque brochette, sentir chaque étoffe et écouter chaque chanson de rue, déclara-t-elle avec un sourire léger.

Xiaolan, ravie mais légèrement inquiète, s'empressa de lui préparer une tenue simple et un châle fin pour couvrir son visage, afin qu'on ne la reconnaisse pas trop facilement.

Les deux jeunes femmes se mêlèrent à la foule. Les étals grouillaient de couleurs et d'odeurs : soieries, fruits confits, pâtisseries au sésame, porcelaine peinte à la main… Jiayi riait, discutait avec les marchands, savourait une liberté rare.

Mais leur moment d'évasion fut interrompu par une silhouette familière adossée nonchalamment à une colonne de bois, les bras croisés, l'air amusé : c'était le garde de l'empereur.

— Oh ? Un garde impérial traînant dans les ruelles ? dit Jiayi, une étincelle moqueuse dans les yeux. N'est-ce pas contraire au règlement ?

Le garde esquissa un sourire, ce demi-sourire énigmatique qui faisait naître bien des soupirs au palais.

— J'ai mes ordres. Protéger ce qui est précieux aux yeux de l'empereur.

Jiayi tourna légèrement le visage, feignant d'ignorer le sous-entendu, mais ses joues prirent une teinte rosée.

Ils marchèrent donc tous trois, Jiayi au centre, Xiaolan derrière elle en gardienne fidèle et discrète, le garde à sa gauche, l'air toujours aussi imperturbable. Leur promenade prit une tournure inattendue lorsqu'un homme, vêtu d'une tunique de soie bleu nuit et tenant un éventail délicatement peint, s'approcha d'eux. C'était Huang, le conseiller le plus proche de l'empereur, réputé pour son intelligence acérée et son charisme ravageur.

— Dame Jiayi, quelle agréable surprise. Le destin a l'élégance de mettre les plus belles fleurs sur mon chemin, dit-il en inclinant légèrement la tête.

— Conseiller Huang, répondit Jiayi avec une politesse distante, mais intérieurement sur ses gardes.

Le garde s'interposa subtilement, son regard s'assombrissant.

— Vous êtes bien loin de vos parchemins, conseiller. Le vent de la capitale est trop rustique pour vos manières délicates, non ?

— Et vous, garde Wei, toujours aussi prompt à jouer les ombres. Seriez-vous devenu chien de garde attitré d'une dame ?

La tension monta d'un cran, l'air semblait vibrer d'électricité. Jiayi tenta de désamorcer l'atmosphère quand, comme un coup de tonnerre… une voix claire et posée résonna dans la ruelle :

— Deux beaux hommes qui s'affrontent pour une seule femme… La capitale ne s'est jamais autant animée.

Tous se retournèrent. C'était le précepteur du prince héritier, vêtu avec une élégance sobre, le regard brillant de malice. Il s'approcha, mains croisées dans le dos, toisant un à un les deux hommes.

— Messieurs, messieurs… Nous allons effrayer la foule. À ce rythme, les poètes vont composer des ballades sur vous.

Jiayi, elle, demeura interdite. Un vent doux balaya les lanternes suspendues, et soudain, elle comprit qu'une autre guerre s'était déclarée – plus subtile, mais tout aussi périlleuse. Une guerre des cœurs.

Xiaolan, elle, était au bord de l'hystérie. Elle tirait discrètement sur la manche de Jiayi, lui soufflant à l'oreille :

— Maîtresse… ils sont tous… tous pour vous, vous réalisez ?! Trois ! Trois hommes ! Et pas n'importe qui !

Jiayi leva les yeux au ciel, cherchant à reprendre contenance.

— Le ciel, décidément, aime les épreuves imprévues, murmura-t-elle.

Et ainsi, sous les lanternes vacillantes, au cœur d'une rue animée, Jiayi se retrouva non plus face à l'Empire… mais face à trois prétendants que le destin avait réuni à ses pieds.