Chapitre 34 — L'ombre d'un nouveau commencement

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Le vent du matin balayait doucement les jardins du manoir des Shen quand le garde Wei Hao fit son apparition.

Son armure luisait faiblement sous la lumière tamisée du soleil, et son visage, habituellement impassible, semblait légèrement tendu.

Jiayi, qui pratiquait quelques mouvements d'épée dans la cour intérieure, suspendit son geste et se tourna vers lui, intriguée.

Wei Hao s'inclina respectueusement avant d'annoncer :

— « Maîtresse Jiayi, Sa Majesté l'Empereur désire vous rencontrer dans les plus brefs délais. »

Jiayi rangea son épée sans un mot, essuya rapidement la sueur perlant à son front, puis s'approcha.

— « Pour quelle raison m'appelle-t-il ? » demanda-t-elle calmement.

Le garde secoua légèrement la tête, manifestement aussi curieux qu'elle.

— « Sa Majesté ne m'a pas confié les détails. Je suis seulement chargé de vous escorter. »

Un léger pli soucieux se dessina entre les sourcils de Jiayi. L'Empereur n'était pas homme à convoquer sans raison. Et si Wei Hao ignorait tout de la mission, cela signifiait sans doute qu'elle serait d'importance capitale… et secrète.

Elle hocha la tête avec détermination.

— « Très bien. »

Avant de partir, Jiayi lança un regard vers sa fidèle servante, Xiaolan, qui la suivait d'un œil inquiet.

— « Ne t'inquiète pas, Xiaolan. Occupe-toi du manoir avec l'intendante. »

Xiaolan hocha timidement la tête, regardant sa maîtresse s'éloigner avec le garde Wei.

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Pendant ce temps, au palais de l'impératrice, la tension était tout autre.

Dans ses somptueux appartements où la soie pourpre retombait comme des cascades, l'impératrice Mingzhu sirotait lentement un thé parfumé, ses yeux froids fixés sur une lettre à moitié brûlée dans un brasero.

À ses côtés, Lianfei, discrète et attentive, attendait ses ordres.

— « Il est temps, » dit doucement Mingzhu, sa voix douce masquant une détermination implacable. « Mon frère doit revenir au palais. »

Elle tendit la main, et Lianfei, déjà prête, lui présenta plusieurs rouleaux de parchemin.

— « Voici les lettres officielles. Nous avons tout préparé selon vos directives, Votre Majesté. »

— « Bien. » répondit l'impératrice en tapotant distraitement la surface de la table du bout des ongles. « Le ministre Jiang interviendra pour justifier son retour. Quant à moi… je resterai dans l'ombre. »

Elle se leva, son imposante robe glissant sur le sol comme une vague de sang.

Ses yeux, d'une noirceur insondable, brillaient d'un éclat inquiétant.

— « La dernière fois, j'ai sous-estimé certaines personnes… » murmura-t-elle. « Cela ne se reproduira pas. »

Lianfei baissa la tête encore plus bas, devinant que de nouveaux jours sombres s'annonçaient pour la cour impériale.

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De retour au manoir Shen, avant de répondre à la convocation de l'Empereur, Jiayi fit halte dans la grande cour.

Elle dénoua la ceinture de sa robe, sortit son épée et, d'un regard entendu, se tourna vers **Wei Hao** :

— « Si je dois me présenter devant Sa Majesté pour une mission importante, je dois m'assurer que je suis digne de sa confiance. En garde. »

Wei Hao, surpris mais respectueux, dégaina à son tour.

Leurs épées se croisèrent sous le ciel azuré. Les lames sifflaient, fendait l'air, chaque échange traduisant la détermination et la précision de Jiayi.

Wei Hao fut impressionné de constater combien ses coups étaient puissants, mais empreints d'une élégance fluide, à l'image de son caractère.

Après plusieurs passes, Jiayi s'arrêta, son front légèrement perlé de sueur, mais ses yeux brillants d'une vivacité éclatante.

— « Merci, Garde Wei. » dit-elle simplement.

— « C'est moi qui vous remercie, Maîtresse Jiayi. Votre habileté est remarquable. »

Sans tarder, elle monta dans une calèche, escortée par Wei Hao, direction : le Palais Impérial.

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Pendant ce temps, en pleine capitale, l'agitation battait son plein.

Parmi la foule, Xiaolan et Zhufan cheminaient, chacun portant des paniers remplis de vivres.

Le marché résonnait de mille voix : vendeurs vantant leur marchandise, joueurs de flûte attirant les enfants, senteurs de pains grillés et de fruits mûrs dansant dans l'air.

Pourtant, entre Xiaolan et Zhufan, un silence doux s'était installé.

Xiaolan baissait la tête, jouant nerveusement avec le ruban de sa robe.

Zhufan, lui, faisait mine d'être absorbé par l'examen minutieux des légumes... mais il jetait sans cesse des coups d'œil furtifs à la jeune fille.

Aucun des deux n'osait briser cette fragile bulle de timidité.

Chaque fois que leurs mains se frôlaient en saisissant un panier, chacun s'empressait de retirer la sienne comme si l'autre brûlait.

Les vendeurs, eux, n'étaient pas dupes, et plusieurs, avec un sourire taquin, glissaient :

— « Deux jeunes amoureux ? Tenez, tenez, une réduction pour un joli couple ! »

Leurs visages prenaient alors des teintes écarlates, et Xiaolan manqua même de trébucher dans un tas de choux.

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Pendant ce temps, non loin de là, dans un salon discret, Yan Zhao fixait un plan déployé devant lui.

Son visage autrefois insouciant était aujourd'hui tordu par l'amertume.

Depuis l'humiliation publique que Jiayi lui avait infligée, son cœur bouillonnait de haine.

— « Tu as osé m'humilier, Jiayi… » murmura-t-il entre ses dents serrées. « Très bien… nous allons voir combien de temps tu brilleras. »

Il appela à lui quelques acolytes de confiance, des hommes peu recommandables.

— « Préparez-vous. Nous allons la piéger. À la prochaine opportunité, elle tombera. »

Dans l'ombre de la capitale, le piège commençait à se refermer...

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Et dans les cieux éclatants du printemps, personne ne pouvait deviner que l'avenir de Jiayi, de Xiaolan, et de tout le palais allait bientôt basculer.