Le ciel s'était teinté de nuances profondes d'orange et de pourpre lorsque Jiayi franchit enfin les portes du manoir Shen.
À peine eut-elle posé un pied dans la cour principale que deux silhouettes familières surgirent à toute allure.
Xiaolan et Zhufan, les visages marqués par l'inquiétude, coururent jusqu'à elle.
— « Dame Jiayi ! » s'écria Xiaolan, haletante.
— « Dame Jiayi, nous devons vous parler immédiatement ! » ajouta Zhufan, les bras encore tremblants.
Jiayi, surprise par leur affolement, les conduisit rapidement à l'intérieur, dans l'intimité de la grande salle d'audience privée.
À peine assis, Xiaolan, d'une voix précipitée, déversa ce qu'elle avait retenu tout le chemin.
— « À la capitale, tout à l'heure… » dit-elle en triturant nerveusement ses manches, « nous avons vu Yan Zhao. Il sortait d'un salon de thé, mais... ce n'était pas pour boire du thé... »
Zhufan hocha vigoureusement la tête pour appuyer ses propos.
— « Nous l'avons suivi discrètement. Dans une ruelle, nous avons entendu son plan... »
Le visage de Xiaolan était devenu pâle comme de la porcelaine.
— « Yan Zhao a engagé des assassins… Ils doivent frapper cette nuit… ici, au manoir. »
Le silence qui suivit fut lourd, presque palpable.
Jiayi, pourtant, ne montra aucun signe de panique.
Elle posa calmement une main rassurante sur l'épaule tremblante de Xiaolan.
— « Vous avez bien fait de me prévenir. »
Son regard se durcit, brillant d'une lueur froide sous la lueur des lanternes.
— « Maintenant, retournez à vos occupations. Faites comme si de rien n'était. Aucun trouble ne doit apparaître. »
Xiaolan ouvrit la bouche pour protester, mais devant la fermeté douce de Jiayi, elle se ravisa et hocha la tête.
— « Et cette nuit… » ajouta Jiayi d'une voix douce mais tranchante comme la lame d'un sabre, « laissez-moi m'occuper des assassins. »
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La nuit tomba.
La lune, ronde et brillante, dominait le ciel noir, projetant son voile argenté sur les jardins silencieux du manoir Shen.
Tout semblait calme.
Trop calme.
Jiayi, dans sa chambre, s'était préparée.
Elle avait éteint toutes les lanternes, laissant juste la lueur pâle de la lune filtrer à travers les rideaux légers.
Elle s'était habillée d'une tenue de combat sombre, une fine épée attachée à sa taille.
Son souffle était lent, régulier. Elle était prête.
Les heures s'étirèrent, longues, silencieuses, pesantes.
Puis, un grincement discret.
La fenêtre s'ouvrit dans un chuintement à peine perceptible.
De l'ombre, surgit un homme encapuchonné, son poignard brillant sous la lueur lunaire.
L'assassin fondit sur elle.
Mais Jiayi n'était pas une simple demoiselle en détresse.
Elle pivota sur le côté avec la grâce d'une feuille emportée par le vent et, en une fraction de seconde, **dégaina son épée**.
Le métal scintilla dans la nuit.
CLANG !
Le poignard fut dévié. D'un mouvement fluide, Jiayi fit volte-face et planta sa lame dans la poitrine de l'assaillant.
Avant même que le corps ne touche le sol, deux autres surgissaient.
Lames dégainées.
Visages voilés.
Jiayi esquiva, se coula entre eux comme une ombre, son épée dansant avec une précision mortelle.
Elle trancha la gorge du premier d'un coup sec.
Le second tenta de s'enfuir, mais Jiayi bondit, sa botte frappant violemment son genou, l'envoyant rouler au sol.
— « Qui t'envoie ? » murmura-t-elle d'une voix glaciale.
Mais l'homme, sans un mot, sortit un petit objet de sa manche.
Un poison.
Avant que Jiayi n'ait pu l'arrêter, il l'avait déjà porté à ses lèvres.
Ses yeux se révulsèrent, et il s'effondra, la bouche écumante.
Jiayi jura intérieurement, essuyant la lame de son épée sur la tunique de l'un des morts.
Elle n'avait laissé aucun survivant capable de parler.
Une erreur qu'elle ne se pardonnerait pas.
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Quelques instants plus tard,
Xiaolan, affolée par le bruit, accourut, vêtue seulement d'une robe légère.
— « Dame Jiayi ! » cria-t-elle en entrouvrant la porte. « Est-ce que tout va bien ?! »
Jiayi, encore debout au centre de la pièce, entourée de cadavres, tourna vers elle un visage calme, presque rassurant.
— « Tout va bien, Xiaolan. Ce n'était qu'un petit contretemps. »
Elle s'approcha de son amie, lui caressa doucement la tête.
— « Retourne te reposer. Je m'occupe du reste. »
Xiaolan hésita, le regard brillant d'inquiétude, mais finit par hocher la tête et repartir, le cœur encore battant.
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Restée seule,
Jiayi poussa un long soupir.
Elle ouvrit la fenêtre en grand.
Le vent nocturne balaya la pièce, emportant avec lui l'odeur âcre du sang.
Jiayi leva les yeux vers la lune éclatante.
Son éclat était magnifique, pur, loin de toute souillure terrestre.
Un sourire triste effleura ses lèvres.
— « Tant d'agitation… pour si peu de résultats. » murmura-t-elle.
Ses doigts caressèrent machinalement la garde de son épée.
Sous cette lune témoin silencieux, Jiayi jura intérieurement : elle ferait payer à Yan Zhao le prix de cette folie.
Pas par le sang.
Non.
Mais par l'humiliation et la défaite.
Une vengeance froide, stratégique, implacable.
Comme un maître de Go disposant ses pions, elle avancerait, patiemment.
La nuit passa, et avec elle, une nouvelle promesse silencieuse naquit sous la lueur de la lune.