Dans l'atmosphère feutrée du pavillon arrière, Jiayi tenait en main un éventail de soie, qu'elle faisait lentement tourner entre ses doigts, son regard posé sur la ligne d'horizon. Le soleil couchant baignait le ciel d'une lumière rouge sang, comme un présage silencieux.
La rumeur du banquet impérial n'était plus une simple rumeur ; elle était désormais une certitude. Et plus encore, le nom de Mu Heng, le roi du clan des barbares, planait sur la capitale comme un aigle prêt à fondre sur sa proie.
Shen Ruotian, le grand-oncle de Jiayi, fit son entrée sans cérémonie, ses bottes martelant doucement le sol de pierre. Son visage buriné par les années était sombre.
— « Jiayi, » commença-t-il d'une voix grave, « tu dois être pleinement consciente de ce que cela signifie. »
Il s'assit en face d'elle, son regard se durcissant.
— « Ce Mu Heng... n'est pas un invité ordinaire. C'est un fauve. »
Jiayi inclina légèrement la tête, l'invitant à poursuivre sans perdre son calme.
Shen Ruotian joignit les mains sur ses genoux, ses sourcils froncés.
— « Les récits venant des frontières sont glaçants. On dit qu'il traverse les villages, n'y laissant que des cendres et des pleurs. Il tue sans avertissement, prend ce qu'il veut... et ce qu'il désire par-dessus tout, ce sont les femmes. »
Son visage se crispa.
— « De nombreuses filles disparues… réduites à l'état de trophées, arrachées à leurs familles pour satisfaire ses caprices brutaux. »
À ses mots, Xiaolan, restée en retrait, blêmit, serrant nerveusement les pans de sa robe.
— « C'est un monstre... » murmura-t-elle.
Jiayi, elle, resta d'une tranquillité impressionnante.
Ses yeux sombres reflétaient une détermination glaciale, semblable à une lame dissimulée dans un fourreau de soie.
— « Peu importe les loups qui hurlent aux portes, » répondit-elle d'une voix douce mais assurée, « le faucon n'oublie jamais qu'il règne dans les cieux. »
Ses paroles, calmes et précises, rassurèrent un peu Xiaolan, bien que la jeune servante continuait de jeter des regards inquiets à son aînée.
Shen Ruotian l'observa avec fierté, mais son cœur restait lourd. Il savait que les temps à venir exigeraient d'elle plus que de la ruse — il faudrait du courage d'acier.
***
Pendant ce temps, loin, très loin au nord, dans les terres brûlées par le vent et la poussière, le clan des barbares avançait.
Sous un ciel orageux, des centaines de cavaliers vêtus de peaux, de fourrures et d'armures grossières traversaient les étendues désertiques.
À leur tête chevauchait un homme imposant, la silhouette massive drapée dans un manteau noir.
Mu Heng.
Son visage était marqué de cicatrices, son regard froid comme l'acier. Aucun mot ne passait entre ses lèvres ; il avançait, implacable, ses guerriers à ses côtés.
La poussière s'élevait en nuages tourbillonnants sous les sabots, comme une armée de fantômes les suivant silencieusement.
Le désert tout entier semblait retenir son souffle.
Le loup noir du Nord approchait.
***
Au cœur du palais impérial, dans l'aile réservée à l'Impératrice, un doux parfum de jasmin flottait dans l'air.
Mingzhu, somptueuse dans une robe couleur pourpre impérial, était assise sur un coussin brodé, une tasse de thé délicatement entre ses doigts.
Ses gestes étaient gracieux, chaque mouvement soigneusement mesuré, comme toujours.
La lourde tenture s'écarta silencieusement.
Une femme voilée entra, vêtue d'un hanfu gris pâle, son visage dissimulé sous une fine étoffe de soie.
Lianfei, la fidèle servante de l'impératrice, s'inclina et murmura :
— « Votre Majesté… notre invitée est arrivée. »
Mingzhu hocha légèrement la tête sans se lever, lissant le tissu de sa manche d'un geste lent.
— « Approche. »
La mystérieuse femme s'avança et s'agenouilla devant elle.
Un léger sourire, énigmatique et froid, se dessina sur les lèvres de l'impératrice.
— « Tu sais ce que tu dois faire durant le banquet ? » demanda-t-elle d'une voix mielleuse.
— « Oui, Votre Majesté, » répondit la femme d'une voix basse.
Mingzhu posa délicatement sa tasse sur la table basse, produisant un petit cliquetis.
— « Un concours de poèmes anciens sur le thème de la guerre sera organisé. »
— « Il est impératif que tu brilles. »
À ces mots, Lianfei tendit un rouleau de papier scellé à la mystérieuse dame.
Mingzhu, d'une voix douce et lente, précisa :
— « Voici les poèmes que tu devras réciter… en avance. Ils t'assureront la faveur de l'empereur. »
La femme prit le rouleau avec des gestes empreints de révérence.
Mingzhu pencha légèrement la tête, ses yeux luisant d'une intelligence cruelle.
— « Dans ce banquet… la guerre ne se fera pas uniquement avec des lances et des épées. »
— « Les mots, bien placés, peuvent tuer plus sûrement qu'une armée. »
Elle rit doucement, un rire cristallin mais sans chaleur.
***
Dans le calme de son manoir, Jiayi, assise sous un cerisier en fleurs, observait silencieusement un papillon blanc tournoyant dans la brise.
Tout était calme.
Trop calme.
Elle ferma les yeux un instant, écoutant le vent.
La tempête approchait.
Et elle, comme l'océan qu'on croyait endormi, attendait simplement que le moment vienne d'engloutir tout ce qui oserait défier sa volonté.