Chapitre 45 — Le Début de la Tempête (abonnez-vous svp)

Le murmure des conversations, des coupes qui s'entrechoquent et des rires forcés emplissait encore la Grande Salle du Dragon, lorsque soudain, la double porte dorée située sur le côté s'ouvrit.

Deux eunuques en livrée cramoisie s'avancèrent à grands pas, s'inclinant profondément en annonçant d'une voix solennelle :

— « Son Altesse le Prince Héritier fait son entrée. »

Aussitôt, un silence solennel se répandit comme une onde dans la pièce.

Tous les invités, ministres, concubines, érudits, généraux, se levèrent à l'unisson, baissant la tête avec respect. Le vacarme des couverts et des murmures s'effaça dans une révérence silencieuse.

Le petit prince héritier, vêtu d'une tunique impériale de soie bleue brodée de dragons d'argent, s'avança d'un pas digne malgré son jeune âge. À ses côtés, le précepteur Xu, droit et rigide, gardait un œil discret mais attentif.

D'un ton poli mais assuré, le petit prince s'arrêta devant l'empereur et salua son père :

— « Père, je suis venu vous célébrer. Joyeux anniversaire. »

L'empereur hocha la tête avec une tendresse qu'il ne montrait qu'en de rares occasions.

Mais c'est la phrase suivante du prince héritier qui glaça la salle dans un frisson muet :

— « Serviteur, installez une table à côté de celle de Grande Sœur Jiayi. C'est là que je souhaite m'asseoir. »

Un souffle coupa court à travers la salle.

Les regards, discrets mais acérés, glissèrent tous vers la table de Jiayi.

Le silence, plus pesant encore qu'un orage, s'étendit sous les hauts plafonds.

Même les éventails cessèrent de s'agiter.

L'empereur, lui, ne dit pas un mot.

Mais ses lèvres s'étirèrent légèrement et il acquiesça d'un simple hochement de tête.

— « Qu'il en soit ainsi. »

Les serviteurs, précautionneusement, installèrent une petite table raffinée à droite de Jiayi. Le prince s'y installa, rayonnant de bonheur.

— « Grande sœur Jiayi, je suis content d'être à côté de toi ce soir, » dit-il joyeusement, son regard brillant d'innocence.

Jiayi, sans se départir de son calme habituel, inclina légèrement la tête vers lui, un sourire doux sur les lèvres :

— « Je suis honorée de partager cette place à vos côtés, Votre Altesse. »

***

Mais tous ne partageaient pas ce bonheur.

Le regard de l'impératrice Mingzhu s'était figé.

Ses mains, posées sur sa table d'or, étaient devenues raides, ses doigts serrant lentement la coupe de vin devant elle.

Derrière son masque de porcelaine se cachait une fureur glaciale.

Cependant, elle ne dit rien. Pas un mot. Elle ne voulait pas troubler la paix du banquet.

Mais son silence était plus menaçant qu'un cri.

À quelques sièges de là, la noble concubine Ying, habillée d'une robe rosée dont les manches ondulaient comme des pétales de pivoine, couvrit sa bouche d'un éventail nacré et gloussa doucement.

— « Oh… Quelle touchante affection. Le petit prince semble vraiment chérir notre chère Jiayi*. Une si belle complicité... Comme s'ils étaient déjà d'une même famille. »

Son regard se glissa vers l'impératrice, luisant d'un éclat moqueur.

L'impératrice Mingzhu, toujours silencieuse, tourna lentement la tête vers Ying, le sourire figé sur les lèvres.

— « Il est vrai que les enfants s'attachent parfois… même aux chiens errants qu'ils croisent sur leur route. Cela ne veut pas dire qu'ils doivent les ramener au palais. »

Clac.

Sa coupe de vin s'entrechoqua doucement sur la table.

Un choc subtil, mais sec, comme une gifle voilée.

La concubine Ying haussa à peine les sourcils, amusée, mais ne répondit pas.

***

L'empereur, impassible face à ces tensions invisibles, leva alors sa main et sa voix retentit :

— « Que le banquet commence. »

Les musiciens reprirent, les plats commencèrent à être servis avec raffinement.

Mais une atmosphère étrange planait au-dessus des plats fumants.

L'empereur, le regard tranquille, observait la salle avec cette distance propre à ceux qui règnent.

Puis, dans un geste fluide, la noble concubine Ying se leva légèrement et déclara d'une voix claire :

— « Puisque nous sommes tous réunis pour célébrer votre Majesté, je propose que notre talentueuse Jiayi lève son verre la première. Que sa jeunesse et sa force soient un présage de longévité pour notre auguste souverain. »

La salle s'agita doucement.

L'empereur, amusé, fit un petit geste d'accord.

Tous les regards convergèrent vers Jiayi, qui, sans sourciller, saisit sa coupe de vin d'un geste élégant.

Elle se leva, droite comme une lame, les yeux clairs tournés vers le trône impérial.

— « À la santé de Sa Majesté l'Empereur. Que votre règne soit long, que vos ennemis tombent avant même de lever l'épée, et que votre nom résonne au-delà des montagnes. »

Un toast simple, mais tranchant comme un sabre, que même les poètes n'auraient pu parer.

Tous les invités se levèrent à leur tour, répétant en chœur :

— « Longue vie à Sa Majesté ! »

Les coupes s'entrechoquèrent, et le vin, sombre et puissant, coula dans les gorges.

L'impératrice Mingzhu, elle, serra sa coupe si fort que les jointures de ses doigts blanchirent.

Puis, sans un mot, elle vida son verre d'un trait.

Le vin carmin laissa une trace écarlate à la commissure de ses lèvres.

Son regard glissa de Jiayi à son frère, puis revint se poser sur l'Empereur.

Et dans ses yeux, quelque chose de froid et de dangereux s'allumait.

Le banquet ne faisait que commencer.

Et déjà… le feu grondait sous la soie.

---