Chapitre 52 — La danse silencieuse du destin

Le matin était clair et frais. Dans les jardins du domaine Shen, Jiayi marchait lentement, son pas souple foulant les pierres moussues. Les azalées étaient en fleurs, projetant des éclats carmins sur le chemin pavé. Les feuilles frémissaient sous la brise, apportant avec elles le parfum entêtant du printemps naissant.

Jiayi profitait de cet instant de calme, sa robe de soie bleu pâle ondulant doucement autour d’elle comme une rivière tranquille. Mais cette paix fut vite rompue.

— Mademoiselle Jiayi ! Mademoiselle !

Xiaolan arriva en courant, tenant à deux mains un rouleau de papier scellé d’un ruban écarlate. Essoufflée, elle tendit le rouleau à Jiayi, ses joues rougies par l’effort et l’indignation mêlés.

Jiayi, calme, prit la lettre entre ses doigts fins. Avant même de l’ouvrir, elle devinait ce qu’elle contenait.

Elle rompit le sceau d’un geste délicat, parcourut rapidement les lignes d’écriture soignée... et un léger sourire effleura ses lèvres.

— Comment osent-ils ! s’écria Xiaolan, outrée. Après tout ce qu'ils vous ont fait ! Ils vous ont utilisée, trahie, et maintenant ils osent vous inviter comme une simple spectatrice à leur mariage ?! Avec votre propre dot qui devait être la vôtre !

Jiayi referma la lettre d’un geste doux, et la posa négligemment sur la table de pierre sous la pergola.

— Xiaolan, dit-elle doucement, la colère est une arme... Mais il faut savoir quand s’en servir.

Xiaolan pinça les lèvres, encore bouillonnante, mais hocha la tête avec obéissance.

— Prépare-toi. Nous irons assister à ce spectacle.

Son ton léger masquait une détermination profonde, aussi aiguisée qu'une lame dissimulée sous une manche de soie.

***

Au palais impérial, l’atmosphère était plus tendue.

Le garde Wei, l’armure encore couverte de poussière, se précipita à travers les grandes cours. Son visage, d’ordinaire impassible, portait une ombre d’inquiétude.

Il s’inclina devant les portes massives du bureau impérial. Les eunuques annoncèrent sa présence et il fut immédiatement autorisé à entrer.

— Wei, parla l'empereur Nangong Liwei sans lever les yeux de son rapport.

— Majesté, s’inclina Wei. Une nouvelle urgente : le marquis Zhao célèbre son mariage aujourd'hui, dans son domaine. Avec une épouse ramenée du sud.

Un silence pesant tomba dans la pièce.

L’empereur leva lentement les yeux. Son regard, froid comme l'acier trempé, croisa celui de son garde.

— Mingzhu... murmura-t-il d'une voix basse mais lourde de menaces.

Il posa sa brosse à calligraphie, ses doigts crispés sur les accoudoirs de son trône.

— Tu ne me facilites vraiment pas la tâche, Mingzhu... Jusqu'où comptes-tu aller ?

Le garde Wei garda la tête baissée, respectueux. Il savait que l’orage n’éclaterait pas encore... mais que la tempête se préparait.

***

De son côté, dans le palais privé de l’Impératrice, la scène était tout autre.

Sous la lumière douce de mille lanternes rouges, Mingzhu trônait, enveloppée dans une robe majestueuse couleur pourpre impérial. Son visage, maquillé avec soin, affichait un sourire glacé, presque satisfait.

— Lianfei, demanda-t-elle, la voix lente et sucrée comme du miel empoisonné. Tout est-il prêt ?

Lianfei, agenouillée devant elle, répondit en baissant la tête :

— Oui, Votre Majesté. J’ai exécuté vos ordres. Tous les préparatifs sont terminés, les invités ont été triés sur le volet, et... tout a été mis en place, comme convenu.

L'Impératrice sourit, un sourire aussi beau qu'il était cruel.

— Très bien. Lianfei, tu peux te retirer.

La jeune servante s'inclina profondément, puis quitta les appartements royaux d'un pas rapide, laissant Mingzhu seule.

L'Impératrice porta une coupe de vin à ses lèvres, sirota lentement le liquide rubis, et son regard se perdit dans la flamme vacillante des lanternes.

— Jiayi… souffla-t-elle pour elle-même. Tu ne seras jamais qu'une pièce sur mon échiquier. Que ta beauté et ton éclat soient ta propre malédiction.

***

Pendant ce temps, au domaine du marquis Zhao, les préparatifs battaient leur plein.

Des centaines de lanternes rouges flottaient dans les airs. Des musiciens jouaient une mélodie entraînante. Les invités, vêtus de soie et de brocart, riaient et bavardaient, impatients d'assister à cette alliance fastueuse.

Le marquis Zhao, vêtu d’une robe de cérémonie dorée, arborait un sourire satisfait. À son bras, sa nouvelle épouse — une jeune fille timide et jolie, aux traits délicats du sud — gardait la tête baissée, comme écrasée par le poids de la journée.

Le domaine tout entier résonnait de festivités, mais dans les cœurs de ceux qui connaissaient la vérité, une sourde inquiétude persistait.

Tous attendaient... L'invitée qu'ils redoutaient autant qu'ils espéraient voir.

***