Hiba
Cela faisait moins de 48 heures qu'on avait plus d'ascenseur.
Et devinez quoi ?
Les talons que j'avais porté la veille, m'avaient bousillé les pieds, même marcher était désormais une épreuve.
Et tout ça à cause de monsieur Ajax. Oui c'était son nouveau surnom. Visiblement il aimait faire le ménage, donc ça collait parfaitement bien.
Rien que d'y repenser j'ai envie de ... arghhhhh.
J'aurais dû lui bloquer la porte plus longtemps !
Ouais, non, finalement les 1h30 de retard je les avais senti.
D'ailleurs, ce soir je finissais plus tard que ce qui était prévu de base.
Sinon en dehors de ça, comment vais-je faire pour monter 6 étages ?
Déjà que ce matin, j'ai dû sortir plus tôt. Au vu de l'état actuel de mes pieds, j'ai pris 2 fois plus de temps à descendre les marches.
J'ai commencé mon service il y a 4 heures, les vendredis soirs étaient les pires soirées de la semaine au travail.
J'avais tellement hâte de rentrer.
Encore un gros alcoolique devant moi en train de me parler, mais je n'essayais même pas de comprendre ce qu'il me racontait.
Le vendredi et le samedi soir, on avait le droit à un agent de sécurité qui venait nous aider.
Le mari de Mag faisait ce taff là, mais un jour il s'est pris une droite par un des clients et après ça ... il n'est jamais revenu travailler avec nous le soir.
En règle générale, c'est Phil qui prenait le poste, mais aujourd'hui il n'était pas là.
Je me demande s'il va bien ? Ça fait un moment que je ne l'ai pas vu ?
En réalité, le bar n'était pas si mouvementé que ça et puis en journée il ressemblait beaucoup plus à un café.
Même si c'était pas un café aesthetic, disons qu'il avait son charme.
- Bon Hiba je te laisse ! Ma mère m'a dit de te prévenir, demain tu peux prendre ta journée on n'ouvrira pas. Et je te devance tout de suite, non je ne sais pas pourquoi demain on est fermé. Allez salut.
Comme elle l'a si bien dit, je n'avais même pas eu le temps d'en placer une que Gil était déjà sortie.
Il restait plus que deux heures de taff avant de prendre mes cliques et mes claques et de rentrer chez moi.
Demain je vais devoir lui acheter des fleurs et du chocolat, j'ai tellement hâte de le voir!
Depuis ma prise de poste ici, j'ai commencé à avoir petit à petit des migraines. Elles avaient commencé doucement au début et s'étaient intensifiées avec le temps.
Aujourd'hui, elles arrivaient parfois à me faire tellement mal au point d'en pleurer involontairement.
Je crois bien que ce soir j'en avais chopé une malheureusement.
La première heure allait être supportable, donc je pensais tenir jusqu'à la fin du service.
Il n'y avait à présent plus grand monde au bar. Les gens commençaient en général à partir aux alentours de minuit, car il y avait une boîte pas loin qui fermait vers 4 heures d'après Gil.
Les clients étaient pour la plupart de jeunes étudiants et le reste étaient souvent des amis de Magalie et son mari. Même si le bar était assez populaire, la journée le café rapportait plus de clients et de sous.
00 heures 45
Plus aucun client n'étaient présent au bar. Quand c'est comme ça, on était autorisé à fermer plus tôt. Mon mal de tête me faisait de plus en plus mal. Les douleurs se trouvaient souvent au-dessus de mes yeux à côté des tempes. J'ai consulté un médecin qui m'a prescrit une radio, lorsque les résultats sont tombés je n'avais rien.
Aucun diagnostic, tout allait parfaitement bien.
Mes migraines restaient à ce jour un mystère pour moi.
J'avais enfin fermé le café et saluais Jean, l'employé qui m'a aidé aujourd'hui.
Sur le chemin du retour, j'avais atrocement mal aux pieds que ça en était insupportable.
J'enlevais mes chaussures et continuais les 200 derniers mètres à pied.
Arrivée devant l'immeuble, je remarquais deux silhouettes d'homme dans la rue d'en face.
La première commençait à m'être familière, puisque je reconnais Ajax accompagner d'un autre homme. Il était aussi grand que mon voisin, avait des locks qui lui arrivait aux épaules et un style de vêtement un peu Y2K. Sa prestance était vraiment impressionnante. Il était très charismatique.
Ajax quant à lui était ... juste ... comment dire ? Là.
Je n'arrivais pas à trouver mes clefs dans ce foutu sac, j'avais beau le retourner dans tous les sens : rien.
Avec ma migraine ça n'aidait pas.
Un homme finit par sortir de l'immeuble et j'ai pu y entrer.
Je me suis posée sur le sol et ai retourné mon sac à main.
Les chaussures d'un côté et le bordel de mon sac sur le sol, j'avais vraiment l'allure d'une fille qui rentrait de soirée bourrée.
J'avais tellement mal que je n'arrivais plus à différencier la douleur de mes pieds à celle de mon crâne.
La migraine s'était intensifiée depuis mon départ du taff. Elle était à présent tellement forte que mes larmes commençaient à couler seules sans même les contrôler.
La tête entre mes mains, je n'arrivais plus à bouger.
J'ai cru entendre la porte d'entrée s'ouvrir mais je n'arrivais plus à distinguer ce qui m'entourait. J'étais dans un état second.
Et il fallait monter 6 étages ? C'était tout bonnement impossible dans l'état dans lequel j'étais.
Une odeur de musc me parvenait aux narines, une odeur qui ne m'était plus inconnue.
« Madame la voisine, tu fais quoi au sol ? T'es bourrée ?»
J'arrivais légèrement à percevoir sa voix mais je n'arrivais pas à lever mon regard vers lui. Je n'avais qu'une envie : le frapper. Le frapper pour lui dire de se taire car ses mots renforçaient les douleurs que j'avais. Que me concentrer sur ce qu'il disait me demandait beaucoup trop d'efforts.
« C'est de ta faute, tout est de ta faute... je ne peux même pas prendre l'ascenseur ... je vais devoir passer la nuit ici ... par ta faute » A chaque temps de pause, une larme de plus coulait le long de ma joue.
Qu'est-ce qui m'arrivait pourquoi j'avais dit ça ?
Au lieu de lui demander de l'aide, tu lui balances ça en pleine gueule.
Hiba, excuse-toi et demande-lui de l'aide.
« Bah, si tu le dis.»
Je l'entendais s'éloigner et monter les marches deux par deux. C'était fini pour moi.
Je finis par puiser dans le peu d'énergie qu'il me restait et me relevais pour au moins atteindre les premières marches des escaliers et ne pas rester au milieu de l'entrée et bloquer le passage. Mon sac dans une main et mes chaussures de l'autre, je parvenais à monter trois marches avant de m'effondrer et cogner ma tête contre la rambarde des escaliers.
Le bruit du cognement résonna dans tout l'immeuble.
« J'ai mal... j'ai tellement mal » Les larmes se décuplèrent.
Foutu pour foutu, je comptais bien rester ici.
La porte d'entrée s'ouvrit à nouveau, c'était le même homme qui était sorti au moment où j'ai réussi à entrer dans l'immeuble. Il habitait au troisième étage avec sa femme et sa fille. Il sortait très souvent le soir fumer en cachette. Je le savais car j'avais entendu une fois sa femme se venter de son mari en disant qu'il n'avait jamais touché à l'alcool ou encore la cigarette.
Si seulement elle savait ...
Je fis mine d'être endormie, je ne voulais aucune interaction. J'étais à un point où parler était impossible. Et puis, j'étais bien trop gênée par la situation dans laquelle je me trouvais ; je préférais largement qu'on me croie morte sur le moment.
Je ne sais par quel miracle mais monsieur fumeur a monté les escaliers sans même me regarder.
Quelques minutes passèrent avant d'entendre de nouveau pas et d'avoir de la visite. Et quelle ne fut pas ma surprise de voir mon voisin de palier faire son comeback.
Il se trouvait quelques marches plus loin et pencha sa tête juste au-dessus de ma tête.
« J'ai quoi en échange de mon aide ? »
Je ne comprenais pas sa démarche ?
Pourquoi revenir ?
Après lui avoir dit et fait, jamais je n'aurais cru qu'il allait revenir.
Je le fixait dans les yeux et la seule chose que je réussis à prononcer afin de lui répondre était:
« j'ai mal »
Je l'entendais inspirer un bon coup et passer devant moi. Il ramassa mes chaussures qu'il mit dans mon sac avant de le rabattre sur son épaule et finit par s'asseoir devant moi.
« Monte.»
Il veut que je monte où au juste ?
Je ne savais pas que les hallucinations faisaient partie des effets secondaires des migraines.
« C'est à cause de moi que l'ascenseur est cassé ? C'est bien ce que tu me disais ? Bon bah alors monte sur mon dos, je vais remplacer le monte charge »
« Pourquoi ? »
Pourquoi se prenait-il la tête à m'aider.
Il restait silencieux.
Il ne répondait pas.
Je n'avais aucune envie de dormir ici alors je l'écoutais sans rouspéter.
Lorsque je réussis à m'installer sur son dos, il se leva et commença à grimper les marches.
« Saches que tu me dois une faveur »
J'entendais de moins en moins ce qu'il me disait.
Je sentais le sommeil m'attraper.
Son dos était assez confortable pour que je m'endorme dessus.
« Tu sais, je ne veux pas me jeter des fleurs mais ce n'est pas un voisin normal qui t'aurait aidé après ce que tu m'as fait avec la porte...
Un voisin normal t'aurait laissé par terre mourir comme une merde. »
Ah, quelle chance j'ai eue d'avoir le voisin exceptionnel, un vrai héros !
Heureusement pour lui j'avais perdu mon cinquième sens, sinon il m'aurait entendu.
« Heureusement pour toi... j'ai une conscience mais surtout ...une empathie extrême qui m'a fait revenir...alors que mon cerveau lui...me disait l'inverse »
Je n'entendais désormais plus rien en dehors de son souffle saccadé.
« Dis ? Tu pourrais au moins me remercier ? »
La dernière chose que je vis était le chiffre 4, nous indiquant qu'il ne restait que deux étages.
...
« On est ... arrivés »
...
« C'est pas vrai elle dort encore ? Mais je vais commencer à croire qu'elle est narcoleptique à ce stade »
...
« Madame, réveillez-vous, nous sommes arrivés ! »
...
« Elle est pas morte hein ? Je veux pas que le dernier adn sur son corps soit le mien »
...
« Ah non, ça va, elle respire encore ...
Mais je fais quoi d'elle ? »
...
« Bon vous m'excuserez pour cette fois mais je vais devoir fouiller dans votre sac...
Ah les voilà ! »
...
« Bon la porte de votre appartement est ouverte, je suis encore une fois désolé mais je vais devoir vous porter une fois de plus.»
...
« Je vais pas m'introduire plus longtemps, vous ramenez jusqu'ici était déjà bien compliqué...
Il fait froid ici ...»
...
La porte se referma un peu plus tard et la nuit continua.
9 heures 03
Mon réveil sonnait depuis trois bonnes minutes maintenant. Je me réveillais en remarquant que ma migraine s'était dissipée durant ma nuit de sommeil.
Ma migraine ?
Comment j'ai atterri sur mon canapé ?
Qui m'a ...
« J'ai quoi en échange si je t'aide ? » « Monte »
Ce n'était pas un rêve..?
Ejaz m'avais aidé ?
Et merde, je lui en devais vraiment une.
En me relevant, je m'aperçus qu'un drap tom et jerry qui ne m'appartenait pas était posé sur mon corps. C'était sûrement lui ?
Je devais désormais m'excuser pour mon comportement dans la journée et le remercier.
En espérant repartir sur de bonnes bases.