Chapitre 5 – La Lueur derrière les Brumes

La lune haute baignait la chambre de Haoyu d'une lumière argentée. Assis au sol, jambes croisées, il semblait plongé dans une méditation profonde, mais son regard était dirigé droit vers la silhouette fine et noueuse qui se tenait dans l'encadrement de la fenêtre.

Maître Yan, les bras croisés dans ses larges manches, l'observait d'un air mi-amusé, mi-perçant.

— Ton contrôle du souffle est parfait. Trop parfait. À ton âge, même les génies ne peuvent atteindre une telle stabilité spirituelle. Tu médites comme un vieillard… ou comme un vieux monstre.

— Vous m'accordez trop d'honneur, répondit Haoyu avec calme, les yeux mi-clos.

— Hmph. Et tu mens bien aussi. C'est presque admirable, souffla Maître Yan, un sourcil levé. Tu peux tromper cette foule d'ignares. Tu peux même berner les instructeurs les plus compétents. Mais pas moi, garçon.

Le silence s'installa un instant. Seul le bruissement du vent nocturne entrait par la fenêtre.

Haoyu resta impassible. Il ne cilla pas.

— Je suis juste un garçon d'un petit village… dit-il finalement. Je ne suis pas ce que vous pensez.

— Et qu'est-ce que je pense ? demanda le vieillard, s'approchant lentement.

Il s'assit sur le rebord de la fenêtre comme un vieil ami venu faire une visite nocturne, puis sortit une gourde d'alcool et en but une longue gorgée.

— Tu as dissimulé ton énergie. C'est une technique d'un très haut niveau. Tu n'as pas été surpris quand le cristal n'a montré qu'une faible lueur. Tu étais préparé. Et tu n'as même pas regardé les autres épreuves. Tu savais déjà ce que tu voulais faire.

Haoyu resta silencieux, fixant les veines de bois sur le plancher.

— Alors je te repose la question… Qui es-tu vraiment, garçon ?

Le jeune homme leva les yeux. Un éclat ancien, insondable, passa fugitivement dans ses pupilles.

— Je suis Yi Haoyu. Fils de Yi Jin, frère de Lianfei. Un simple adolescent.

Maître Yan émit un petit ricanement.

— Très bien. Si tu veux continuer à porter ce masque, je ne t'en empêcherai pas. Mais sache une chose : ce monde ne fait pas de cadeaux à ceux qui se cachent.

Il se leva, redressant légèrement son dos voûté.

— Tu ne veux pas montrer ta force, soit. Tu veux rester dans l'ombre, soit. Mais la Lame Azurée ne peut pas se permettre de laisser filer un joyau brut… surtout quand ce joyau fait fissurer un cristal d'éveil sacré.

Haoyu le dévisagea, cette fois plus sérieusement.

— Vous voulez me recruter.

— Évidemment. Malgré ce que tu prétends être. Ou à cause de cela. Mais ce ne sera pas comme pour les autres.

Il fit quelques pas dans la pièce, jetant un œil à la petite bibliothèque, aux rouleaux poussiéreux, aux sabres d'entraînement en bois.

— Tu intégreras une classe spéciale. Une que j'ai conçue moi-même, il y a fort longtemps. Il n'y aura ni traitement de faveur, ni indulgence. Seulement des défis. Et peut-être, des réponses.

Haoyu resta muet. Son esprit bouillonnait.

> L'académie... Cela pourrait m'apporter les ressources dont j'ai besoin. Le savoir. La puissance. Mais c'est aussi une cage… Et les souvenirs de mes vies passées hurlent de méfiance envers les grandes sectes et leurs intrigues.

Et pourtant… je ne peux me permettre de rester faible. Pas cette fois.

Il inspira profondément.

— J'accepte.

Maître Yan se tourna vers lui, surpris par la rapidité de sa réponse. Mais au fond, il s'y attendait.

— Bien. Tu rejoindras l'académie dans trois jours. Prépare-toi. Et surtout, reste discret. Nous avons déjà attiré trop d'yeux curieux.

Alors qu'il se préparait à sortir par la fenêtre, Haoyu lança d'un ton bas :

— Pourquoi me recruter, alors que vous savez que je mens ? Que je cache quelque chose ?

Le vieil homme s'arrêta, un sourire fin aux lèvres.

— Parce que… parfois, les menteurs sont les plus sincères. Et parce que j'ai vu ton regard… Ce regard-là… ce n'est pas celui d'un garçon. C'est celui de quelqu'un qui porte le poids d'un monde entier sur les épaules.

Et sur ces mots, il disparut dans la nuit, laissant la fenêtre entrouverte, comme si sa présence n'avait été qu'un rêve.