Chapitre 13 – La silhouette sur les toits

Le lendemain matin, l’air était frais, chargé de la rosée nocturne. Les cloches de l’académie résonnaient en échos mélodieux tandis que les élèves commençaient à affluer vers les salles de cours.

Haoyu bâillait, les mains dans les poches, traînant des pieds.

« Encore un cours sur les fondements du Qi... » soupira-t-il.

« On devrait être reconnaissants d’apprendre auprès de Maître Shi, c’est un expert. » répondit Yuren avec sérieux.

« Si c’est un expert en bavardage, alors oui. »

Ils s’installèrent au fond de la salle. Tandis que les explications du professeur s’enchaînaient, Haoyu sentit soudain un frisson remonter le long de sa nuque. Ce n’était pas du vent. Ni un courant d’air magique. Non, c’était un regard. Pesant. Perçant. Un regard d’expert.

On m'observe.

Son regard glissa vers l’extérieur, à travers la fenêtre entrouverte. Il le vit.

Sur les toits de l’aile est, une silhouette était perchée. Drapée dans une longue cape sombre, le visage à moitié masqué, seul un regard doré émergeait de l’ombre. Ce n’était pas une menace, il le savait immédiatement. C’était autre chose… une curiosité brûlante, presque une forme d’admiration.

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À la pause, Haoyu entraîna Yuren vers les jardins extérieurs, à l’écart.

« Tu fais encore ton truc bizarre ? »

« Chut. »

Haoyu plaça deux doigts au sol. Un subtil halo de Qi se répandit, comme une brise invisible sondant les alentours. Puis il leva les yeux.

Le capuchon noir était déjà là. L’homme descendit d’un bond gracieux depuis les toits, atterrissant sans bruit à quelques mètres.

Il était grand, élancé, vêtu d’une tunique noble de soie noire brodée d’or. Son masque dissimulait la moitié de son visage, mais on distinguait un sourire élégant et un éclat dans ses yeux dorés. Ses traits visibles étaient fins, presque trop beaux pour être naturels.

Haoyu plissa les yeux. « Toi. Tu me suis depuis quand ? »

L’homme s’inclina légèrement.

« Depuis la forêt. Ton contrôle du bois m’a intrigué. Et puis... » Il sourit. « Ton regard. Celui d’un ancien. »

Yuren ouvrit grand les yeux. « Un ancien ? Tu parles d’un vieux ? »

L’homme ignora Yuren. Son attention restait braquée sur Haoyu, comme fasciné.

« Ce calme, cette puissance dissimulée. Et surtout, ton refus de te battre sans y être contraint. Tu es fascinant. »

Haoyu fronça les sourcils.

« Qui es-tu ? »

« Mon nom importe peu pour l’instant. Appelle-moi Liuyan. Je suis un élève de l’aile nord. »

« Tu te prends pour un espion ? »

Liuyan rit doucement.

« Plutôt un admirateur. » Il fit un pas lent vers Haoyu. « Je sens en toi quelque chose de bien plus profond que ce que tu laisses paraître. Tu caches ton Qi, n’est-ce pas ? »

Haoyu resta silencieux. Il croisa les bras.

« Peut-être. Et alors ? »

« Alors... je suis ici pour t’observer. »

Yuren s’interposa maladroitement. « T-tu ne vas pas le blesser ? »

Liuyan le regarda, puis déclara avec amusement :

« Le blesser ? Non. Un joyau aussi rare ne doit pas être brisé, mais poli avec patience. Je suis certain qu’un jour, ton nom résonnera dans tout le continent. »

Haoyu resta de marbre. Pourtant, il sentait en cet homme une sincérité troublante. Pas d’hostilité, seulement de l’admiration. Peut-être même… une soif d’inspiration.

« Très bien, Liuyan. Observe si tu veux. Mais reste à distance. »

« Bien sûr. »

Liuyan recula d’un pas, puis en un mouvement élégant, sauta à nouveau sur un toit, disparaissant comme un souffle de vent.

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Sur le chemin du réfectoire, Yuren fixait Haoyu.

« Tu attires des gens bizarres. »

« J’ai ce genre de magnétisme naturel. »

« Tu crois qu’il disait la vérité ? »

« En partie. Il n’est pas comme les trois imbéciles de l’autre jour. Lui, c’est un serpent. Mais un serpent curieux. »

Yuren frissonna.

« Et tu crois qu’il va revenir ? »

« C’est certain. »

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Ce soir-là, alors que Haoyu s’installait dans son lit, il sentait encore l’écho du regard doré sur lui.

Dans la nuit silencieuse, à l’autre bout de l’académie, sur une tour haute, Liuyan observait le dortoir sud.

Un fin sourire sur les lèvres.

« Yi Haoyu… Qui es-tu vraiment ? »

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