Le vent soufflait entre les arbres denses, faisant bruisser les feuilles comme un murmure sournois. Cela faisait maintenant plus de sept heures que Haoyu et son groupe erraient dans cette forêt mystique, affrontant embuscades et traquenards. Malgré tout, ils n’avaient récolté que deux pierres spirituelles supplémentaires depuis leur confrontation contre les deux groupes alliés. Il leur en fallait encore une seule pour valider l’épreuve.
Mais cette dernière se faisait désirer.
« Rien à l’ouest, » annonça Lanyue en revenant, haletante. « J’ai scanné un large périmètre avec mon sens spirituel. Il n’y a que des groupes en embuscade. »
« Le nord est trop fréquenté aussi, » ajouta Wen Jin, son manteau couvert de boue. « On est pris entre des loups affamés. »
Yuren fronça les sourcils. « Il nous reste une seule pierre à trouver. Une seule… et toutes les équipes ont les crocs. C’est maintenant que les coups bas commencent. »
Haoyu, toujours bras croisés, adossé à un arbre, semblait imperturbable. Ses yeux, à moitié clos, observaient la canopée avec une lassitude presque comique. Et pourtant, rien ne lui échappait.
« Je propose qu’on ne cherche plus les pierres, » dit-il soudain.
Wen Jin se retourna. « Quoi ? Tu veux abandonner ? »
Haoyu haussa les épaules. « Non. Je dis qu’on laisse les autres les trouver à notre place… puis qu’on leur vole. »
Yuren sourit en coin. « Tu veux jouer à leur propre jeu ? »
« C’est la fin de l’épreuve, » dit calmement Haoyu. « Tous les groupes vont chercher à en finir. Ils se relâcheront. C’est là qu’on frappe. »
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Ils établirent une cachette sur un promontoire naturel, où les feuillages formaient un rideau opaque. De là, ils pouvaient observer une clairière baignée de lumière. Et comme prévu… un groupe apparut peu après.
Ils portaient des tenues bleu nuit, frappées de l’emblème du Clan Duan. Une famille noble influente, arrogante, et surtout imprudente. Les cinq élèves s’approchèrent d’une pierre spirituelle scintillante, sans même vérifier les alentours.
« Parfait, » souffla Lanyue. « On attaque ? »
Mais Haoyu leva la main. « Pas encore. »
À cet instant précis, un second groupe sortit des bois opposés. Cette fois-ci, des élèves du Clan Huo, spécialisés dans les techniques de feu.
« Vous n’avez pas le monopole ici, Duan ! » lança l’un d’eux.
La tension grimpa instantanément. Des éclairs jaillirent d’un côté, des flammes de l’autre.
« Maintenant, » murmura Haoyu.
Comme des ombres, ils bondirent dans la mêlée. Lanyue invoqua ses chaînes d’eau, qui s’enroulèrent autour de la pierre pour la lui tirer discrètement. Yuren et Wen Jin perturbèrent le combat en lançant des attaques rapides et ciblées, ne visant que les bras armés.
Haoyu, quant à lui, marcha tranquillement entre les combattants, invisible pour leur perception spirituelle, son Qi entièrement effacé.
Lorsqu’il fut au centre de la mêlée, il lança un unique mot :
« Silence. »
Une onde spirituelle se propagea, légère, presque imperceptible… mais elle frappa toutes les consciences autour de lui. Pendant un court instant, le combat s’interrompit. Les élèves, étourdis, crurent avoir rêvé.
Et pendant cette seconde suspendue… le groupe de Haoyu s’évapora dans les fourrés, la pierre dans la main de Lanyue.
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Ils coururent sur plusieurs centaines de mètres avant de s’arrêter dans une clairière isolée.
« Trois pierres, » dit Yuren, essoufflé mais souriant. « On l’a fait. »
Wen Jin hocha la tête. « On pourrait même continuer et en prendre plus. »
Haoyu secoua la tête. « Ce n’est pas utile. Nous avons prouvé ce qu’il fallait… discrètement. »
« Parle pour toi, » répliqua Lanyue en souriant. « Je suis trempée, écorchée et j’ai faim. »
Mais un bruit attira leur attention.
Un bruissement rapide, une présence…
Yuren dégaina son sabre. « Quelqu’un approche. »
Les buissons s’écartèrent… et une silhouette apparut.
C’était un élève solitaire. De haute taille, vêtu de rouge et noir. Son regard était froid, son Qi oppressant. Il tenait dans ses mains un sac contenant quatre pierres spirituelles.
Haoyu le reconnut aussitôt.
Un des trois hommes qu’il avait croisé dans la forêt, bien avant l’épreuve.
Le regard de l’inconnu se posa sur Haoyu, puis sur ses camarades. Il esquissa un sourire carnassier.
« Trois pierres pour vous… quatre pour moi… Huit si je vous bats. »
Yuren fronça les sourcils. « Tu veux nous voler ? Tu es seul. »
Mais l’aura de l’homme monta brutalement, faisant frissonner l’air autour de lui.
« Qui a dit que j’étais seul ? »
Deux autres silhouettes surgirent derrière lui, refermant le piège.
Wen Jin grogna. « On aurait dû s’en douter. »
Haoyu soupira, blasé. « Vous encore ? Décidément… vous me suivez ou c’est moi qui attire les déchets ? »
L’un des hommes serra les dents. « Tu vas payer ton arrogance, crétin. »
Haoyu leva les mains. « J’avoue. Je suis faible, inutile… Je n’ai rien pour moi… »
Il se tourna vers ses camarades, l’air résigné. « Fuyons. Il est trop fort pour nous. »
Mais ses yeux brillaient d’un éclat glacial.
Les trois assaillants s’élancèrent en même temps, sûrs de leur supériorité.
Ce qu’ils ne virent pas, ce fut Haoyu bouger.
Un simple pas.
Mais le sol se brisa sous son pied, l’air devint coupant.
En une seconde, il apparut derrière le premier adversaire. Un coup de paume invisible frappa la nuque. Le corps s’effondra.
Le deuxième eut à peine le temps de lever les bras que Haoyu tourna sur lui-même et, d’un simple revers, le projeta dans un arbre.
Le troisième se figea, terrifié.
Haoyu le regarda droit dans les yeux.
« Tu veux mes pierres ? »
Le garçon hocha la tête… puis secoua la tête. « Non ! Pardon ! »
Il lança son sac à Haoyu avant de fuir sans demander son reste.
Silence.
Wen Jin siffla. « Je… je rêve ? »
Yuren croisa les bras. « Non. C’est la centième fois qu’il fait ça. »
Lanyue sourit. « C’est sa façon de dire “bonjour”. »
Haoyu soupira. « Trop de pierres, maintenant. On va se faire remarquer. »
« Tu veux qu’on en rende ? » demanda Wen Jin, sarcastique.
« Non… » répondit Haoyu avec un petit sourire. « On va en déposer dans des coins au hasard, comme des appâts. Et observer. »
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Dans l’ombre, très loin au-dessus de la forêt, un miroir de scrying flottait, observé par plusieurs anciens.
Parmi eux, Maître Yan fronçait les sourcils, les bras croisés.
« Ce garçon… ce Haoyu… »
Il s’adressa mentalement à l’Ancienne Su, une femme austère aux cheveux blancs.
— Il combat sans créer de fluctuation spirituelle. Il est capable de suppression absolue du Qi. C’est une technique perdue.
— Qui est-il, vraiment ? répondit-elle.
Maître Yan serra les dents.
— Il a plus de secrets que cette académie n’a de parchemins…
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