CHAPITRE 2 : LES MIRMURES DE L'ÉPÉE

Le vide.

Pas celui de la nuit ou du sommeil. Non.

Un vide absolu. Silencieux. Écrasant. Comme si l'univers entier avait été effacé.

Kael flottait dans ce néant sans savoir comment il y était arrivé. Aucune sensation, ni chaleur, ni froid, ni douleur… seulement un calme effrayant. Pourtant, au loin, une chose brisait l'uniformité : une forme lumineuse suspendue dans le noir. D'abord floue, elle se précisa au fur et à mesure qu'il s'en approchait. Une épée.

Pas une arme ordinaire. Sa lame semblait faite d'ombres liquides, bordée d'éclats de lumière argentée. Des symboles anciens dansaient sur sa surface, clignotant comme des étoiles mourantes. Elle était vivante. Elle regardait Kael.

Puis une voix. Froidement douce, aussi ancienne que le temps lui-même.

« Tu as trouvé l'oubli. Tu es le dernier. Mon porteur. Mon silence. »

Kael voulut répondre, mais aucun son ne sortit. Pourtant, la voix poursuivit :

« Le monde te rejettera. Les cieux te maudiront. Mais tu marcheras, Kael, jusqu'à ce que le Vide te consume… ou te couronne. »

L'épée s'éleva lentement, comme attirée par son cœur. Elle s'élança… et le transperça.

Pas de sang. Pas de douleur. Juste une chaleur étrange, suivie d'un froid glacé qui le traversa de part en part.

Son esprit hurla, mais son corps resta immobile.

Un instant plus tard, tout disparut.

Il ouvrit les yeux. Le monde réel revint brutalement.

Des visages flous l'entouraient. Des voix en panique. Le ciel était sombre, la stèle réduite en poussière. Une énergie étrange tourbillonnait encore autour de lui.

« Qu'est-ce que c'était ?! »

« La stèle… elle a explosé ! »

« Ce garçon… ce n'est pas naturel. »

Kael tenta de se relever, mais ses muscles tremblaient. Une main le retint : celle du maître de la secte, Yuan Hei, un vieillard au visage sec, aux cheveux blancs comme la cendre.

« Reste calme, enfant. Respire. Tu es vivant, c'est déjà un miracle. »

Mais les murmures des autres anciens et disciples s'élevaient avec insistance.

« Ce n'était pas un éveil normal. »

« Aucune stèle ne se brise ainsi, même sous la pression d'un Seigneur Spirituel ! »

« Il faut le tester. Peut-être que c'est… une malédiction. »

Kael, allongé au sol, fixait le ciel. Il n'avait pas peur. Il ne comprenait pas tout, mais il savait une chose : quelque chose en lui avait changé.

Il ne sentait plus son Qi comme avant. Il sentait… autre chose. Un vide mouvant au creux de son dantian. Et dans son esprit, des murmures. Des mots qu'il ne comprenait pas encore, mais qu'il savait anciens.

"N'écoute pas les faibles. Leurs voix disparaîtront."

Il serra les dents. Ce n'était pas son imagination. L'épée… était en lui.

Dans la salle des anciens, les discussions étaient houleuses. Yuan Hei observait Kael depuis l'ombre, tandis que les autres débattaient.

« Il est dangereux. Le Qi fuit autour de lui. Les plantes flétrissent à son approche. Ce n'est pas normal. »

« Nous devrions le bannir. Ou pire. »

« Et s'il était… une incarnation ? Une arme oubliée ? »

Mais Yuan Hei resta silencieux. Il se rappelait une légende, vieille de plusieurs milliers d'années. Une époque où les dieux craignaient une arme née du Néant. Une épée vivante, interdite par les cieux. Une entité consciente, rejetée même par les démons.

« L'Épée du Néant… Était-elle une légende ? » pensa-t-il. Ou vient-elle de se réincarner sous nos yeux ?

Il ferma les yeux.

« Observez-le. Ne le touchez pas. Mais ne le perdez pas de vue. »

La nuit tomba sur la secte du Vent Déclinant. Dans sa petite cabane isolée, Kael était assis en silence. Les autres disciples l'évitaient encore plus qu'avant. Il n'avait ni amis, ni maître. Seulement lui-même.

Il observa ses mains. Aucune marque, aucun signe de pouvoir.

Mais au creux de son dos, là où nul œil humain ne pouvait voir, un symbole noir était apparu : une épée formée d'ombres tournoyantes, gravée à même sa chair.

Il ferma les yeux. Et cette fois, ce fut lui qui parla dans sa tête.

« Tu es là ? »

Un rire étouffé lui répondit. Froid. Menaçant. Apaisant.

« Toujours. Tu es mon porteur. Et je suis ta seule certitude. »

Kael se coucha, le cœur battant. Il ne savait pas ce que demain lui réservait. Mais une chose était certaine :

Il n'était plus seul.

Et bientôt, le monde entier apprendrait son nom.