CHAPITRE 12 : L'ENGRENAGE DU DESTIN

Le vent soufflait plus fort, fouettant le visage de Kael alors qu'il se tenait sur la crête de la montagne. Son regard était fixé sur l'horizon lointain, où la mer d'ombre et de lumière semblait se confondre. Le choix se faisait de plus en plus pressant. Il le sentait dans ses os, cette sensation d'être en équilibre instable, prêt à basculer à tout moment.

« Kael… » La voix de l'épée perça à travers le vent, douce et autoritaire. « Tout ce que tu veux est à portée de main. Pourquoi hésiter encore ? »

Chaque mot était une invitation à se perdre dans l'abîme. Mais la conscience de Kael se battait contre l'appel. Il avait vu les effets de ce pouvoir sur les autres. Des hommes jadis grands et puissants, devenus des coquilles vides, des ombres sans cœur. Ils étaient devenus esclaves du Vide, prisonniers de leur propre pouvoir. Et pourtant, l'appel du Néant était si envoûtant. Chaque fibre de son être criait de se libérer.

« Tu veux être libre, Kael, » continua l'épée. « Le Vide te l'offrira. Mais il te faudra abandonner ta vie d'avant. Lâche tout ce qui te retient. »

Kael ferma les yeux un instant, tentant de repousser l'envie de céder. Mais alors qu'il se concentrait, il sentit une énergie dérangeante se manifester à l'intérieur de lui. Le Vide se mouvait, bouillonnait, l'appelant. Il pouvait presque le toucher, l'effleurer, cette liberté absolue. Mais à quel prix ?

Il se tourna brusquement et, d'un geste vif, traça un symbole dans l'air. Une barrière d'énergie noire se forma devant lui, s'étendant comme une mer de ténèbres qui engloutissait tout sur son passage. L'ombre se déploya autour de lui, réagissant à ses intentions, de plus en plus agressive.

« Voilà ce que tu peux accomplir. » La voix se fit plus pressante, plus convaincante. « Tout ce que tu désires peut être le tien. »

Mais alors qu'il observait la scène devant lui, Kael sentit un malaise grandir. Il ne contrôlait plus complètement l'énergie, qui semblait maintenant se nourrir de lui. La barrière d'ombre vibrait d'une énergie destructrice, prête à tout engloutir sur son passage.

« Arrête. » Un murmure perça soudain dans son esprit. C'était Mo Bei. « Ce n'est pas toi, Kael. Ce n'est pas ce que tu es. »

Les paroles du maître résonnèrent dans son esprit comme un écho lointain, mais elles étaient suffisamment fortes pour provoquer un battement d'hésitation dans le cœur de Kael. Il serra les dents. Était-il en train de perdre son âme ? Ses doigts frémirent. Chaque fibre de son corps voulait abandonner, se laisser emporter par la puissance brute du Vide. Mais une petite partie de lui résistait encore. La lumière d'une vérité qu'il n'avait pas voulu affronter. L'équilibre.

« Je peux encore choisir, » pensa-t-il. Mais plus il réfléchissait, plus il se sentait prisonnier de cette décision. Fuir vers le Vide, c'était accepter de tout effacer. Mais ne pas céder, c'était risquer de tout perdre.

Kael se laissa tomber à genoux, les poings enfoncés dans la terre froide. Il avait une vue claire de la scène devant lui : l'ombre qui avançait vers lui, inéluctable, et la lueur de l'espoir qui vacillait dans son cœur. Il n'était plus simplement un disciple ou un jeune homme perdu. Il était face à un choix qui marquerait à jamais son destin.

Soudain, il sentit une énergie différente parcourir son corps. Pas une énergie de destruction, mais une force calme, comme une lumière douce dans l'obscurité. Le Vide n'était pas le seul pouvoir en lui. Il l'avait oublié, noyé sous l'appel de l'ombre, mais la lumière persistait. Cette lumière était fragile, mais elle était là.

Avec un dernier effort, Kael se redressa. Il leva les yeux vers l'horizon. Il n'était pas encore prêt. Pas pour cela. Mais il savait que sa route ne serait pas simple. Il avait choisi de ne pas se laisser engloutir par le Vide, mais il n'était pas encore maître de lui-même.

Le chemin du destin serait semé d'embûches, mais il choisirait d'avancer, pas seulement pour lui, mais pour l'humanité qu'il comptait protéger, même si cela signifiait renoncer à certains rêves de pouvoir absolu.