La nuit recouvrait Londres d’un manteau lourd, traversé çà et là de halos de lumière électrique. En hauteur, là où le vent soufflait plus librement, une jeune femme observait silencieusement la ville. Assise sur le rebord d’un toit, elle dominait le quartier comme une sentinelle solitaire.
Ses longs cheveux blonds, d’un éclat naturel semblable à la lumière du soleil, flottaient derrière elle comme un voile doré. Ses yeux, vert turquoise, brillaient dans l’obscurité avec l’éclat des joyaux des profondeurs marines. Belle, lointaine, dangereuse, Elinor Valtara semblait figée dans une peinture vivante.
Le silence nocturne était presque trop calme pour une ville en état d’alerte.
En bas, Southbank avait été le théâtre d’un raid tragique dans un portail instable. Les unités britanniques y avaient été envoyées… mais seules quelques âmes mutilées en étaient revenues. Ce qu’elles avaient vu ? Rien de net. Des ombres. Des cris. Des disparitions.
Et aujourd’hui, Londres attirait les monstres. Pas seulement ceux des portails.
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Non loin de là, dans un bunker militaire bardé de protections magiques, un homme cracha une bouffée de fumée, la mâchoire serrée. Une cigarette rougeoyait entre ses lèvres, la dixième de la soirée.
Gareth Crowley.
Le chasseur de rang S national britannique.
Un colosse de près de deux mètres, au torse large et au dos couvert de cicatrices profondes — souvenirs d’un millier de combats. Une large balafre barrait son œil droit, la pupille éteinte. Son regard, de l’autre œil, brillait d’une haine froide et concentrée.
Ses bottes faisaient trembler le sol. Il portait un long manteau noir, abîmé par les flammes et les crocs de bêtes surnaturelles. Sa simple présence imposait silence et tension.
Autour de lui, les commandants militaires gardaient leurs distances.
« On me dit qu’on a laissé des étrangers poser leurs pieds dans ma ville, » gronda-t-il, la voix rauque.
Il tira une longue bouffée, souffla la fumée lentement par le nez.
« Ils ont cru que j’étais mort ? Que je dors ? Qu’on peut piétiner Londres sans m’en parler ? »
Il s’arrêta devant une carte murale, traçant de son doigt une ligne vers Southbank.
« Ce soir, je nettoie. Et si l’un de ces chasseurs étrangers se met en travers de mon chemin… »
Un rictus tordu se dessina sur ses lèvres.
« …je m’occupe d’eux aussi. »
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Pendant ce temps, à plusieurs kilomètres, Elinor descendait du toit. Chaque pas était léger, fluide. Son esprit était concentré, presque calme. Elle avait senti l’arrivée de quelque chose — ou de quelqu’un. Ce genre de chose, on ne l’expliquait pas. On le ressentait.
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Ailleurs dans Londres, dans des quartiers protégés par des sceaux, Himura Raijin termina ses prières devant un autel portatif. Il rangea son katana, droit et digne. Ce soir, il enquêterait.
Dans un vieux manoir loué par les autorités chinoises, Mo Han et Xiao Zhen écoutaient les derniers ordres cryptés de leur secte. Ils ignoraient encore que Himura existait, et encore moins que leur chemin croiserait bientôt celui de Gareth.
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Dans une ruelle baignée de silence, les individus masqués se réunissaient.
« Les lions sont sortis de leurs cages. »
« Parfait. Le sang versé attirera ce qu’on cherche. »
L’un d’eux tourna la tête vers un vieux bâtiment. Un portail frémissait faiblement derrière les murs. Ils n’avaient jamais voulu provoquer une guerre. Mais maintenant qu’elle était là… ils allaient la guider.
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Et pendant ce temps, au QG militaire britannique, le chaos régnait.
« Gareth est en route ! Il a menacé d’exécuter tout chasseur qui interfère dans son enquête ! »
« Mais ce sont des invités ! Des rang S nationaux ! »
« Il s’en moque, Monsieur le Ministre ! C’est Gareth Crowley. Il n’a jamais reculé devant rien ! »
Le Directeur Godfrey grogna, essuyant son front.
« Qu’il fasse ce qu’il veut… mais que Londres ne brûle pas. »
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La nuit s’alourdissait.
Elinor marchait sur le pavé humide, ses pas la guidant sans qu’elle sache où. Elle croisa une ruelle où le vent soufflait de travers. Un murmure invisible lui fit tourner la tête.
Là, dans les ombres, elle crut voir une silhouette… puis plus rien.
Un frisson parcourut son dos.
« La chasse commence. »
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