Chapitre 12 – La tempête s’ouvre

Le ciel de Londres s’assombrissait comme un rideau tiré trop vite, chargé de nuages menaçants et zébré d’éclairs lointains. Une énergie trouble flottait dans l’air — lourde, étouffante. Dans une zone industrielle désaffectée de l’est de la ville, un portail d’une taille colossale pulsait dans la pénombre. Il ressemblait à une entaille béante dans la réalité, d’un noir absolu, englobant la matière, le son, et jusqu’au mana environnant.

Une équipe de chasseurs de haut rang s’était déjà formée à la lisière du phénomène. Vêtus d’armures de combat, bardés de talismans, de runes ou d’armes imprégnées de mana, ils attendaient le signal de l’administration britannique pour entrer.

« Nous devons nettoyer et refermer ce portail avant qu’il n’engendre une marée de monstres, » annonça l’un des responsables, un chasseur de rang A, à la voix tremblante malgré lui. « On ne veut pas revivre ce qu’il s’est passé à Birmingham… »

Plusieurs chasseurs hochèrent la tête. Le souvenir du précédent raid avorté hantait encore leurs esprits. Cette fois, ils avaient des renforts. De vrais renforts.

Au-dessus d’eux, un bruit sourd fendit l’atmosphère. Le souffle puissant d’un hélicoptère militaire fit virevolter poussière et gravats. L’appareil était noir, frappé du sceau argenté de l’Association Internationale des Chasseurs.

« Elle est là… » souffla quelqu’un.

La porte de l’hélicoptère s’ouvrit en vol, laissant apparaître une silhouette féminine debout au bord du vide. La chasseuse de rang S coréenne, Choi Dal-Mi, était connue dans toute l’Asie pour sa grâce létale. De longs cheveux bruns attachés en une tresse haute fouettaient le vent. Son uniforme moulé noir laissait deviner une musculature fine et souple. Son regard, dur et limpide, scrutait le champ de bataille avec une précision chirurgicale.

Elle sauta sans hésiter.

Un éclair de mana enveloppa son corps lorsqu’elle toucha le sol avec légèreté, s’agenouillant une seconde avant de se redresser, droite comme une flèche.

Himura Raijin, resté en retrait, observa la scène en silence. Il n’avait jamais rencontré Choi Dal-Mi, mais avait entendu parler de son sang-froid absolu et de sa maîtrise élémentaire de la glace. À ses côtés, Mo Han et Xiao Zhen échangèrent un regard impressionné.

« C’est elle ? » demanda Xiao.

« Aucune erreur possible, » murmura Mo Han. « La Reine Blanche de Séoul. »

Mais l’instant fut brisé par un bruit sourd, brutal. Une porte en fer fut arrachée dans un fracas métallique. Une silhouette massive émergea du bâtiment voisin : Gareth Crowley.

Il avançait d’un pas lourd et déterminé, un manteau de combat aux épaules, cigarette à la bouche, une aura sombre et épaisse irradiant autour de lui comme une menace constante. Ses cicatrices luisaient à la lumière des projecteurs, et la lueur crue soulignait la froideur de son œil unique.

« Voilà donc les clowns étrangers que Londres s’est crue obligée d’inviter. »

Sa voix, rocailleuse, fit vibrer le sol plus sûrement qu’un tremblement de terre.

« Himura Raijin… » continua-t-il en approchant le chasseur japonais. « Et deux petits disciples qui jouent aux durs. »

Mo Han serra les poings. Xiao Zhen fit un pas, mais Himura le retint du revers de la main.

Gareth s’arrêta à quelques pas. Il recracha une bouffée de fumée dans leur direction.

« Restez bien derrière moi ce soir. C’est mon pays. Mon portail. Et ma guerre. Vous ne faites que regarder. »

Un silence pesant tomba. Tous savaient que Gareth n’était pas un diplomate. Il était une arme humaine, un bourreau déguisé en chasseur, dont la cruauté n’était limitée que par la mission elle-même.

Choi Dal-Mi s’approcha calmement, ses pas silencieux sur le béton.

« Ce n’est pas une compétition, Crowley. »

Il la regarda de haut, une étincelle de défi dans son œil valide.

« Non. Mais si vous gênez, je vous laisse aux monstres. »

Et sans attendre, il se retourna, s’approcha du portail, puis disparut dans les ténèbres.

Le portail vibra soudain. Des cris lointains, des hurlements, des raclements résonnaient dans la déchirure magique.

« On y va, » déclara Dal-Mi.

Elle fut la deuxième à entrer.

Himura Raijin détacha sa queue de cheval, faisant glisser ses cheveux noirs dans son dos. Son regard se durcit. Il fit un pas vers l’ouverture.

« Mo Han. Xiao Zhen. Ne me lâchez pas. »

« Oui, Maître ! »

Et tous trois entrèrent à leur tour.

Un à un, les autres chasseurs suivirent, jusqu’à ce que le portail ne soit plus qu’un mur de ténèbres, avalant leurs silhouettes une à une.

De l’autre côté, les hurlements reprenaient… plus proches… plus forts…

Et Londres, pendant ce temps, retenait son souffle.