Les talons d’Elinor résonnaient sur les marches en fer du vieil escalier extérieur, grinçant sous son poids alors qu’elle descendait du toit de l’immeuble abandonné où elle avait passé la dernière heure. En hauteur, elle s’était tenue immobile, le regard tourné vers la ville de Londres illuminée de mille feux — cette cité tentaculaire où, sous chaque lumière, semblait se cacher une ombre prête à dévorer le monde.
La brise nocturne avait soulevé sa longue chevelure blonde, éclatante comme un rayon de soleil. Les mèches dorées dansaient autour de son visage pâle, sculpté par la solitude et la détermination. Ses yeux d’un vert turquoise scrutaient l’horizon avec intensité. Là-bas, on pouvait apercevoir les lueurs artificielles qui signalaient l’activité autour d’un portail instable. Des hélicoptères tournaient lentement au-dessus de cette zone, comme des vautours attendant que les ruines se forment.
Elle avait observé longuement. Et maintenant, il était temps d’agir.
Elle s’arrêta devant l’immense miroir du vestibule. Un bref regard à son reflet, et son expression se durcit. Son visage portait encore les traces d’une solitude qu’elle dissimulait à tous, et qu’elle était la seule à pouvoir supporter. Elle inspira profondément et se redressa, droite comme une lame.
« Le monde est en train de changer, » murmura-t-elle. « Je n’ai pas le luxe de baisser les yeux. »
Elle se dirigea vers l’aile droite du manoir, là où elle avait aménagé une salle d’entraînement personnelle. Les cris étouffés de sa demi-sœur et les rires d’invités résonnaient au loin — le père d’Elinor avait organisé un dîner mondain pour impressionner ses partenaires d’affaires. Comme toujours, elle n’était pas invitée. Comme toujours, elle n’en avait cure.
Elinor entra dans la salle, alluma les lumières tamisées. Des mannequins de combat, des armes suspendues, des artefacts magiques scellés dans des compartiments verrouillés. Elle se glissa dans un coin, retira sa veste, et attrapa deux poignards de combat. Les lames sifflèrent dans l’air alors qu’elle les faisait tourner entre ses doigts avec la précision d’une artiste.
Durant deux heures, elle s’entraîna sans relâche, enchaînant esquives, projections, frappes et techniques de maniement. Sa respiration se faisait plus profonde, plus contrôlée. Chaque coup portait la marque d’une volonté de fer, d’un esprit taillé dans le feu de la solitude.
Lorsqu’elle s’arrêta, trempée de sueur, son regard se posa sur le tableau d’informations projeté sur l’un des murs. Elle s’approcha, activa l’écran holographique. Plusieurs données défilèrent : rapports d’incidents, informations sur les portails instables, mouvements suspects dans divers pays, dont la Chine, la Corée, et plus récemment… Londres.
Elle fronça les sourcils. Les noms s’affichaient.
— Himura Raijin (Japon), Mo Han & Xiao Zhen (Chine), Choi Dal-Mi (Corée du Sud), Gareth Crowley (Grande-Bretagne)
Des chasseurs de rang S. Tous concentrés au même endroit.
« Quelque chose se prépare… » murmura-t-elle.
Elinor ouvrit un tiroir dans le bureau voisin et en sortit un pendentif scellé, vieux souvenir de sa mère. À l’intérieur se trouvait une petite pierre gravée d’un ancien glyphe de mana. Un objet dormant, dont elle n’avait jamais percé les secrets. Mais ce soir, elle ressentait une vibration étrange, un frisson qui la parcourait jusqu’à la moelle. Le glyphe pulsait doucement, comme un cœur endormi.
Son regard s'assombrit. Elle rangea le pendentif autour de son cou, sous sa chemise, puis se dirigea vers la fenêtre.
Au loin, des hélicoptères sillonnaient le ciel noir au-dessus de Londres. Des faisceaux lumineux découpaient les nuages. Le chaos n’était plus une rumeur : c’était une réalité en pleine gestation.
Elle prit une douche rapide, enfila une combinaison noire renforcée, attacha ses cheveux dorés en une natte basse, et sortit discrètement du manoir par une issue de service. Sa moto l’attendait, rugissante, fidèle comme un chien de guerre.
Direction : la périphérie du portail récemment apparu.
Elle ne comptait pas intervenir. Pas encore. Elle voulait voir. Comprendre. Observer les titans s’affronter, découvrir ce que les plus grandes nations cachaient réellement.
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De l’autre côté de la ville, dans un complexe souterrain sécurisé, les ministres britanniques s’arrachaient les cheveux. La présence de plusieurs chasseurs de rang S sur leur sol, sans coordination, avait déclenché une panique généralisée.
« Pourquoi ces gens sont ici ?! »
« Ce n’est pas une mission conjointe, ils n’ont pas demandé d’autorisation officielle ! »
« Et si l’un d’entre eux décide d’attaquer ?! »
Gareth Crowley, quant à lui, se contentait de fumer en silence sur le toit d’un immeuble. Son regard torve scrutait les rues de Londres comme un chasseur surveillant ses proies. La fumée de sa cigarette se mêlait à la brume du soir.
« Qu’ils viennent, ces étrangers, » marmonna-t-il, un sourire cruel au coin des lèvres. « Ce sol est le mien. »
Pendant ce temps, à plusieurs kilomètres de là, Elinor arrêtait sa moto dans une ruelle sombre. Elle éteignit le moteur, descendit, et s’approcha discrètement de l’entrée d’un vieux bâtiment industriel désaffecté. Plusieurs auras puissantes émanaient de l’intérieur.
Elle grimpa jusqu’au toit, s’accroupit, et observa. En contrebas, les premiers éclats de lumière magique illuminaient la pénombre. Les chasseurs de rang S, sans le savoir, commençaient à se rapprocher.
Un affrontement allait éclater.
Et Elinor, invisible, silencieuse, serait là pour voir tout ce que le monde cherchait à lui cacher.
Mais dans l’ombre, ailleurs encore, d’autres présences l’observaient, tapies, invisibles.
Les véritables instigateurs de ce chaos n’étaient pas encore entrés en scène.
Pas encore.
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