Le sol trembla légèrement sous les pas de Gareth Crowley. Son manteau en cuir noir flottait derrière lui, martelé par le vent qui s’infiltrait dans les ruines métalliques du quartier ravagé. Une clope suspendue à ses lèvres, le chasseur britannique faisait face à ceux qu’il qualifiait intérieurement de "parasites internationaux".
— C’est mon pays, cracha-t-il entre deux volutes de fumée. Vos ordres, vos traditions, vos gesticulations... Je m’en fous. Ici, on agit comme à Londres. Et à Londres, je suis la loi.
Face à lui, Himura Raijin restait impassible. Sa longue chevelure noire attachée en queue de cheval contrastait avec l’élégance froide de sa chemise blanche tâchée de poussière. À ses côtés, les deux disciples chinois — Mo Han, l'aîné au regard perçant, et Xiao Zhen, plus jeune, impétueux — échangèrent un regard tendu.
— Personne ne cherche à prendre ta place, répondit Raijin calmement. Mais ce portail n’est pas une affaire locale. Il y a trop de variables. Trop de morts. Trop de silence.
— Tch, grogna Gareth. Tu parles comme un fonctionnaire. Ce silence, je vais le briser avec mes poings.
Il tira une nouvelle bouffée de cigarette avant d’écraser le mégot sous son talon. Puis, lentement, il dégaina son arme : une énorme claymore noire marquée de runes anciennes. Les chasseurs autour se figèrent.
— Si vous ne comptez pas obéir, alors reculez. Ou je vous écrase.
Un éclair de mana rouge pulsa autour de lui. L’air devint lourd. La tension monta d’un cran.
Choi Dal-Mi, la chasseuse venue de Corée, atterrit à ce moment-là dans un souffle de vent, escortée par les forces spéciales britanniques. Elle portait un long manteau blanc brodé de symboles coréens, ses cheveux châtains attachés en tresse basse. Un seul regard suffit pour qu’elle comprenne la situation.
— Vous êtes tous fous, murmura-t-elle. Ce n’est pas le moment pour des jeux d’égo. Il y a des cadavres sans âme, des portails instables, des zones de distorsion magique.
— Toi non plus, t’es pas chez toi, lança Gareth sans la regarder. Et je n’ai pas besoin de ton avis.
Dal-Mi avança. D’un mouvement fluide, elle fit apparaître ses deux éventails d’énergie. Le mana autour d’elle se condensa en brume bleue, légère mais tranchante comme le verre.
— Je ne suis pas ici pour discuter. Je suis ici pour empêcher une guerre... et sauver des civils. Si vous tenez à vous battre, faites-le après.
Mo Han franchit un pas, plaçant une main sur l’épaule de Xiao Zhen pour le retenir. Gareth, lui, n’avait pas bougé d’un pouce. Son œil balafré brillait d’une colère froide, sauvage.
— Vous pensez vraiment que des monstres sont derrière tout ça ? demanda-t-il en ricanant. Ce genre de massacre, cette précision... C’est humain. Ce sont des gens comme vous, comme moi. Des chasseurs.
Raijin baissa les yeux un instant. Il n’avait pas exclu cette hypothèse. Mais la cruauté de l’acte dépassait même ce qu’un chasseur aurait osé accomplir.
— Tu crois qu’on est responsables ? demanda-t-il.
— Je crois que vous êtes en train de marcher sur un terrain que vous ne comprenez pas.
L’atmosphère crépita de tension. Une alarme résonna soudain dans leurs oreillettes : le portail venait de pulser à nouveau. Une vague de mana se répandit sur plusieurs kilomètres, distordant l’espace, faisant vibrer l’asphalte sous leurs pieds.
— Assez ! cria Dal-Mi. Ce portail est à deux doigts d’exploser. On doit l’endiguer maintenant. Vos rivalités attendront.
Mais personne ne bougeait. Gareth s'approcha lentement, son épée traînant sur le sol dans un grincement métallique sinistre.
— Je vous l’ai dit. C’est moi qui décide. Et si vous restez ici… alors vous serez mes ennemis.
Ce fut Xiao Zhen qui, incapable de contenir sa colère, se jeta le premier vers Gareth, lançant une attaque fulgurante avec son sabre spirituel. L’impact entre l’arme et la claymore de Gareth provoqua une onde de choc qui projeta les soldats alentours au sol.
Raijin se précipita pour intervenir, tandis que Mo Han activait un sceau protecteur. Dal-Mi invoqua un mur de glace pour séparer les combattants, hurlant des ordres dans sa langue natale pour que ses renforts sécurisent la zone.
Une voix froide résonna alors dans tous les communicateurs :
— Ici le Ministère. Ordre immédiat : cessez les affrontements. Le Premier ministre exige une trêve immédiate entre chasseurs étrangers. Le Conseil mondial de la Chasse est en ligne.
Un silence pesant s’installa. Même Gareth, les narines dilatées, se figea. Sa lame s’abaissa lentement.
— Bordel de bureaucrates… marmonna-t-il.
Raijin rangea son arme sans dire un mot, ses yeux fixant Gareth comme un prédateur évaluant un autre.
Choi Dal-Mi soupira. Elle était venue pour enquêter, pas pour arbitrer une guerre entre égos surdimensionnés.
Au-dessus d’eux, le portail émettait une lumière instable, pulsant comme un cœur en souffrance.
Et dans l’ombre... les véritables coupables de cette catastrophe observaient. Les chasseurs se chamaillaient comme des enfants alors que l’ennemi, lui, avançait ses pions en silence.